Chapitre 21.

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Un mois est passé. Nous sommes bien arrivés au Vatican en auto-stop. Heureusement que Thomas était avec moi, je n’aurais jamais été rassuré sans lui, même avec le don que je possède. Ce genre d’aventure est dangereux pour une femme seule mais avec un homme, tout s’est bien passé. Il n’y a eu aucun problème même si par moment, il était difficile de trouver une voiture pour nous emmener. Nous louons un petit appartement. Les habitants sont tous chaleureux envers nous. Il est difficile de refaire à chaque fois le même maquillage pour Thomas mais je fais du mieux que je le peux. Nous avons de la chance qu’il y ait beaucoup de soleil. Il peut mettre des lunettes de soleil, une casquette, ce qui cache son visage. Il laisse pousser la barbe afin de changer naturellement son visage. Cette nouvelle vie n’est pas évidente mais nous prenons petit à petit nos marques. Thomas a eu des flashs. J’ai dû le contrôler parce qu’il voulait partir aider les victimes bien que c’est impossible. Nous avons écrit des lettres, essayer de contacter l’entourage pour aider les victimes. Sur trois flashs, une personne nous a répondu sur un réseau social. Elle nous a remercié parce que grâce à nous, elle a pu aider sa fille qui était harcelée à l’école. Elle voulait connaître comment il était possible de savoir ça mais nous préférons rien dévoilé. Thomas était heureux en lisant ce message. Ça l’aide à aller mieux, à se dire qu’il est possible de venir en aide aux autres à distance et sans commettre de meurtre. Heureusement que le pouvoir de Thomas est assez profond. Grâce à ça, nous pouvons connaître des détails sur les personnes, sur l’entourage afin d’agir loin d’eux. J’ai développé des compétences d’enquêtrice.
- Il faut faire les courses, dit Thomas en voyant le frigo vide.
- Je vais aller les faire t’inquiète pas.
- Je vais chercher autre chose pour le logement.
- Arrête, cet appartement est très bien.
- Il est petit.

Il n’a pas tort. L’appartement est assez petit mais nous devons faire avec. Thomas a dû quitter son emploi pour éviter toute trace de son adresse, les gendarmes étant toujours à sa recherche. Il n’a donc plus d’emploi et je pense qu’il est préférable pour lui qu’il ne travaille plus de sa vie. Qu’il le veuille ou non, il est un meurtrier. Il a commis des  crimes, est déjà en tort de s’être enfui, je ne voudrais pas en plus qu’il ait de faux papiers. Je l’appelle simplement Peter quand nous sommes en public, juste par précaution. J’ai repris mon activité. Je dois avouer que ça m’avait manqué de créer des vêtements. J’avais également peur que ça ne fonctionne pas, que les clients ne se manifestent pas mais je me suis trompée. Les habitués étaient tous heureux de mon retour. J’ai dû faire de la pub, acheter à nouveau tout le matériel, faire de la pub comme au tout début mais d’une manière différente. Ça en valait la peine puisque j’ai maintenant de nombreux clients. Je fonctionne différemment aussi. Je mets en ligne beaucoup moins de vêtements mais à la place, je réalise les créations que veulent les clients. Je trouve ça beaucoup plus personnel et je sais que comme ça, personne n’aura la même chose. Avec ce fonctionnement, j’ai beaucoup plus de commande et beaucoup plus de revenus. Je préfère économiser un maximum, juste au cas où. Thomas m’aide à sa façon. C’est lui qui poste les colis, qui trie et répond aux demandes. Nous formons un binôme. Il aurait préféré continuer son métier mais il sait les sacrifices qu’il doit faire si il tient à sa liberté.
- Je vais poster ça, me dit Thomas avec les colis.

Il a toujours son maquillage sur la tête. Heureusement, avec sa barbe qui pousse, j’ai de moins de moins de travail à faire sur son visage. Il porte des lentilles de couleurs pour changer son visage au maximum. Je pars en même temps que lui, allant faire les courses. Je reçois un message de Thomas, voulant que je rentre le plus rapidement possible. Ce n’est pas dans son habitude de m’envoyer ce genre de message, ce qui ne me rassure pas. Avec mon sac de course à la main, je rentre à pied, croisant un homme.
- L’archer est toujours recherché mais les policiers ont avancé sur leur enquête : il s’appelle Thomas.

Je m’arrête brusquement en entendant les pensées de cet homme. Il a prononcé son prénom. Pire que ça, son nom de famille juste après. Le nom complet de Thomas est à la portée de tout le monde. C’est sûrement à cause du patron de Thomas. Il a dû le reconnaître sur le portrait robot et il en a profité pour dévoiler son identité. Je comprends immédiatement pourquoi Thomas voulait me voir rentrer au plus vite. Tout se complique si son nom au complet est révélé aux yeux de tous. Thomas n’a plus rien à son nom : tout est désormais au mien mais ça n’empêche pas que ça devient dangereux pour lui. Je me dépêche de rentrer et vois Thomas tourner en rond dans l’appartement.
- Ton identité est dévoilé, lui dis-je en posant les courses.
- Comment tu le sais ? Demande-t-il paniqué.
- J’ai croisé un homme qui a parlé dans ses pensées.
- Ça craint chérie.
- Qu’est-ce qu’on fait ?
- Je ne sais pas.
- Ils ne pourront pas te retrouver.
- Je ne suis pas aussi sûr que toi.
- En un mois, ils savent beaucoup de choses. Il faut qu’on arrête d’aider les autres.
- Quoi ?
- On sait jamais. Ils pourraient nous retrouver avec l’ordinateur. Ne prenons aucun risque.
- Est-ce que ça va aller ?
- Je n’ai pas le choix de toute manière.

Voyant sa tristesse de mettre un terme de venir en aide aux autres, je le prends dans mes bras, essayant de le rassurer comme je le peux. Ça complique absolument tout.
- Séréna, dit subitement Thomas en s’écartant de moi.
- Quoi ?
- Tu es en danger toi aussi.
- Non, moi je ne risque rien.
- Détrompe-toi. Tu me suis depuis longtemps. Les policiers vont forcément regarder toutes les caméras dans chaque ville où je me trouvais. Tu étais forcément avec moi à un moment donné. Tu es toi aussi en danger.

Je réalise que Thomas dit la vérité. Ils vont finir par tout construire de ce puzzle. Les gendarmes vont retrouver les caméras de surveillance et ils vont finir par me voir. A ce moment-là, je serais autant recherchée que lui. Ce n’est plus qu’une question de jour avant qu’ils finissent par nous retrouver. Je comprends que ce mois où nous vivons tranquillement allait devenir un cauchemar.
- J’ai une idée, affirme Thomas.

Je le regarde partir, me disant de l’attendre ici. Avec son maquillage, il peut encore aller où il veut. En revanche pour ma part, c’est plus compliqué. Ne sachant pas si les gendarmes sont au courant de mon existence, les habitants du Vatican me reconnaîtront immédiatement. Je l’attends donc tranquillement ici, en sentant mon cœur battre à vive allure. Je ne suis pas rassurée. Je pensais que nous allons pouvoir vivre normalement, refaire notre vie mais ce n’est pas le cas. Je me demande comment font ceux qui sont en cavale pendant plusieurs années. Comment font-ils pour ne pas se faire prendre ? Peut-être qu’ils sont moins recherchés que Thomas.
Une heure plus tard, Thomas revient avec une mallette. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir.
- Prépare les valises, me dit-il. Je reviens, il manque quelque chose.
- Attends Thomas, on va où là ? Qu’est-ce qu’on fait ?
- Fais-moi confiance, je m’occupe de tout.

Je ne dis rien, le laissant partir chercher quelque chose dont j’ignore l’existence. Il y a un mois, il a eu confiance en moi. C’est à mon tour maintenant de l’écouter et de le suivre sans rien dire. Je commence à faire les valises comme il me l’a demandé et m’arrête brusquement en fixant la mallette qu’il a ramené. J’hésite un instant et finis par m’installer sur le canapé, l’ouvrant. À l’intérieur se trouve deux enveloppes. Les mains moites, j’ouvre celle qui se trouve à gauche. De l’argent liquide avec un billet d’avion. Je ne regarde pas la destination mais ouvre la deuxième enveloppe avec le cœur battant. Une lettre s’y trouve avec l’écriture de Thomas. Je tremble mais commence à la lire.

Séréna, j’ai dû réfléchir en peu de temps pour trouver une solution à ce problème. Tu sais comme moi que nous manquons de temps et que ce n’est qu’une question de jours avant d’être retrouvé. Je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit. Je refuse. Alors j’ai pris une décision. C’est probablement la plus grande décision de toute ma vie. À l’heure où tu liras cette lettre, je serais au commissariat en train de me dénoncer. Tu ne risques rien. Je ne parlerai pas de toi. Tu ne seras pas impliquée dans cette affaire. Je fais ça dans l’unique but de te sauver. De sauver ta vie. Le billet d’avion n’a pas de destination. Tu peux aller où tu veux avec lui. Je fais ça pour toi.
Je t’aime.

Je me lève brusquement, sortant de l’appartement. Je cours et arrive sur la grande place. J’ai l’impression que toute la ville est présente. Le cœur battant, je me faufile entre les passants pour savoir ce qu’il se passe et vois plusieurs gendarmes ainsi que Thomas qui a enlevé tout son maquillage. Les larmes aux yeux, je l’observe se faire arrêter sans rien pouvoir faire. Je commence à avancer, voulant dire quelque chose, voulant l’aider mais il me regarde droit dans les yeux, me faisant non d’un signe de la tête.
- Ne fais pas ça, laisse-moi faire. Je le fais pour nous. Si tu es toi aussi en prison, il n’y aurait plus rien qui me donnera de la force pour résister à tout ce calvaire. Je t’aime. Je t’aime comme un fou.

Ses pensées me font mal au cœur parce que je ne peux plus rien pour lui. Il va finir sa vie en prison. Je voudrais l’aider mais je veux lui apporter du soutien lorsqu’il sera derrière les barreaux. Je viendrais le voir aussi souvent que je le pourrais. J’ai peur pour lui. J’ai peur de ce qu’il va se passer.

L'archer. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant