Chapitre 20.

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Le lendemain, je me réveille dans ses bras, avec un tas de questions dans ma tête. Est-ce une bonne idée d’avoir passé la nuit avec lui ? Probablement pas. Il est recherché partout dans le monde pour meurtre et je couche avec lui. Je n’ai aucun regret et si c’était à refaire, je le referais et de la même façon, même si je sais que la plupart des jeunes filles ne seraient pas restées. Par peur sûrement, par dégoût de la personne qu’il est. Il suffit simplement de le comprendre, d’écouter son point de vue. C’est ignoble d’assassiner des humains mais il fait ça uniquement dans le but de construire un monde meilleur et c’est pour cette raison que j’arrive à passer à travers ce secret. Si il commettait des crimes dont l’unique objectif est de voir un corps ensanglanté tomber sous ses yeux par pur plaisir, mon regard sur lui aurait changé depuis bien longtemps.
Je reste un long moment contre son torse, me disant que cela faisait des jours entiers que je rêvais de ce moment sans me l’admettre. Je ne peux pas lutter contre les sentiments que j’éprouve à son égard. Je l’aime et c’est réciproque, je le sens au plus profond de lui. Je ne peux pas le laisser. Je ne le veux pas non plus. Je dois trouver une solution, une idée pour le sortir de là afin de pouvoir vivre ensemble, tranquillement. À présent, je sais ce que je souhaite. Je n’ai plus envie d’être loin de lui, bien au contraire.
- Thomas réveille-toi, dis-je sérieusement en le secouant.

Il bouge tout doucement, se réveillant difficilement. Il n’ouvre pas les yeux, les laissant fermer sûrement dû à la lumière qui traverse la chambre à travers les rideaux mais passe sa main au niveau de mon dos.
- Salut, sourit-il en me tirant un peu vers lui.
- Non pas de câlins, réveille-toi, le secoué-je.
- Si, un petit câlin pour bien me réveiller, marmonne Thomas.
- Debout ! m’exclamé-je en le jetant un coussin sur sa tête.

Il ouvre les yeux aussitôt, se redressant en un quart de seconde. Il est surpris et en même temps, son regard a changé. Il pense peut-être que je l’ai dénoncé ou que je regrette cette nuit. Je sens qu’il n’est pas rassuré.
- T’es malade de me réveiller comme ça, dit-il en fronçant les sourcils.
- Désolée mais on ne peut pas rester ici.
- Comment ça on ne peut pas rester ici ?
- Ton portrait robot est diffusé partout dans le monde, ce n’est plus qu’une question de jour pour te retrouver et il est hors de question que tu sois derrière les barreaux.
- Et tu comptes faire quoi ? Partir en cavale avec moi.
- Évidemment.
- Ne sois pas bête, c’est à moi de partir, pas toi.
- Alors écoute-moi bien, dis-je d’un ton le plus sérieux possible. Maintenant que tu es à moi, il est hors de question que tu partes sans moi et je refuse de vivre loin de toi, d’être séparée de toi alors si il le faut, je m’attacherai à toi avec une corde mais je reste avec toi, que tu le veuilles ou non.
- Calme-toi, répond Thomas en me tirant par derrière, me posant contre lui. Tu restes avec moi. De toute façon je n’ai pas le choix visiblement.
- Arrête de prendre ça à la légère.
- Je ne prends pas ça à la légère Séréna mais ils n’ont jamais su me trouver, je suis plus intelligent qu’eux.
- Thomas, là c’est différent. Il y a un portrait robot.
- Arrête de paniquer, essaie-t-il de me calmer en se mettant assis en face de moi. Plus tu paniques, plus la cavale va foirer, tu comprends ?
- Mais comment tu fais pour être calme ?
- Je viens de te le dire, plus tu paniques, plus la cavale échoue.
- Il faut trouver une solution. On ne peut pas vivre normalement ici. C’est trop dangereux.
- Il n’y a pas de solution chérie. Je vis au jour le jour parce que je sais qu’avec ce portrait robot, ce n’est qu’une question de temps avant que les policiers me retrouvent.
- J’ai une solution, dis-je subitement.
- Tu comptes me déguiser comme dans les films ? Se moque Thomas.
- Exactement.
- Mais c’est ridicule. Tout le monde fait ça, c’est grillé d’avance.
- Tu doutes de mes compétences ?

Il ne répond pas. Je me lève et prend ma douche à une vitesse lumière. J’enfile mes chaussures le plus rapidement possible sous le regard attentif de Thomas qui ne comprend pas.
- Attends-moi si tu pars, finit-il par dire en se levant.
- Non, toi tu restes là.
- Pourquoi ?
- Parce qu’un portrait robot circule. Tu ne bouges pas d’ici.
- Mais.
- Je ne suis pas recherchée, lui annoncé-je. Moi je ne risque rien. Je peux me balader sans avoir peur, ce qui n’est pas ton cas. Vas prendre ta douche et prépare nos valises.
- Nos valises ?
- Fais-moi confiance, je m’occupe de tout.

Je l’embrasse et pars faire quelques courses. J’espère qu’il a confiance en moi, qu’il ne pense pas que je vais m’enfuir en courant ou partir pour le dénoncer parce que ce n’est pas le cas. Je compte vraiment l’aider. Je ne suis pas sûre que cela va fonctionner, que c’est une bonne idée de partir en cavale mais si Thomas se fait arrêter, il finira sa vie en prison. Je ne supporterai pas qu’il soit dan cet endroit. Je dois tout tenter. Je me dis qu’il y a sûrement un infime chance de pouvoir vivre normalement. Je rentre au bout d’une heure trente de courses. J’ai pris tout ce qu’il fallait en faisant attention de ne rien oublier.
- J’ai cru que tu ne reviendrais jamais, avoue Thomas en se levant du canapé.
- Ne dis pas de bêtises. Assis-toi.
- Qu’est-ce que tu vas faire ?
- Tu verras. On n’a pas beaucoup de temps.
- Comment ça ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Toute l’Allemagne est au courant pour toi. Il faut se dépêcher.
- Comment ça toute l’Allemagne est au courant.
- J’ai entendu leurs pensées. Tout le monde a vu ton portrait. Tout le monde est à ta recherche.
- Merde, commence à paniquer Thomas. Je ne pensais pas que ça allait aussi vite.
- Ne t’inquiète pas. On va y arriver.

Je sors tout le maquillage nécessaire, notamment le latex pour modifier une partie de son visage. Thomas fronce les sourcils, ne comprenant pas. Il ne dit cependant rien, se laissant faire. Lorsque j’étais encore à l’école, je détestais les soirées. Toutes ses fêtes que tous les élèves adoraient n’étaient pas destinées pour moi mais Halloween a toujours été ma fête préférée. Je ne sais pas exactement pourquoi. Peut-être parce que je pouvais m’amuser dans ma chambre, à me maquiller, me déguiser en monstre. Et à force d’en faire, je suis désormais plutôt douée, ce qui va me servir aujourd’hui avec le visage de Thomas. Avec du latex et de l’essuie-tout, il est possible de faire des miracles. Au bout d’une bonne trentaine de minutes, le visage de Thomas a complètement changé. Il est méconnaissable.
- Regarde-toi, dis-je en rangeant tout le matériel.

Thomas se lève et s’admire dans le miroir. Il ne dit rien mais je vois dans ses yeux qu’il est surpris par ce que je viens de faire. Je le ressens également.
- C’est impressionnant, s’exclame-t-il. Je n’en reviens pas.
- Tu vois, tu peux te déguiser.
- Séréna, tu ne te rends pas compte ce que tu viens de faire.
- J’adorais la période d’Halloween juste pour réaliser des maquillages comme ça. En version monstre bien sûr.
- Tu peux être fière de toi. Même moi je n’arrive pas à me reconnaître.
- Il faut que tu trouves un nouveau prénom, juste au cas où. Enfiles tes chaussures, on va partir. J’ai pris des sacs à dos, ça va être plus simple.
- Des sacs à dos ?
- Oui, c’est mieux. On ne va pas prendre l’avion, ni le train. On va faire de l’auto-stop, lui avoué-je en mettant nos affaires dans les sacs à dos.
- Mais t’es malade !
- Non, bien au contraire. En prenant le train et l’avion, il faut une pièce d’identité ou un passeport. Je ne sais pas si ils ont ton prénom mais dans le doute, je préfère ne pas prendre le risque.
- Et on va où ?
- Dans un endroit paumé, là où personne ne s’attend à te voir.

Thomas met sa tête entre ses mains, grimaçant. Je me précipite sur lui, me demandant ce qu’il se passe. Grâce aux dons que j’ai, je ressens la douleur et la tristesse qu’il a mais je ne sais pas exactement pourquoi. Je conclue qu’il a peut-être un flash. Je ne l’ai jamais vu dans ce moment-là. Thomas se redresse, complètement paniqué. Il respire fort, le regard dans le vide.
- Non, s’exclame-t-il.
- Thomas, qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce que tu as vu ?
- Un bébé. Il est battu, violé. C’est horrible. C’est en Angleterre.
- Thomas, regarde-moi. Je sais que tu as mal quand tu vois un flash, je sais que ça te touche et que tu veux aider ce bébé mais on ne peut pas aller en Angleterre, tu serais aussitôt mis en prison, même avec le maquillage que je viens de faire. Je sais que c’est dur, je sais que tu vas devoir vivre avec, en sachant que tu ne l’as pas aidé mais là, il s’agit de toi. Tu comprends ?
- Je ne peux pas le laisser, panique-t-il avec les larmes aux yeux. Il souffre. Il a mal. Ce n’est pas humain de vivre de cette manière là. Ça va le traumatiser toute sa vie si par chance il survit.
- Thomas, soufflé-je. Calme-toi. Il faut que tu comprennes que si tu es derrière les barreaux, tu ne pourras plus jamais venir en aide à toutes ses personnes. Partons mais pas en Angleterre. Nous allons partir autre part. Nous allons allés au Vatican. Il y a très peu d’habitants et je pense que personne ne te trouvera là-bas et une fois installée, on trouvera une solution d’aider toutes ses personnes dans le besoin, sans bouger, sans meurtre non plus.
- Qu’est-ce que tu veux faire au Vatican ? C’est en Angleterre qu’on m’attend, s’énerve-t-il en commençant à partir.
- Thomas ! Crié-je, l’arrêtant dans son élan. Fais-moi confiance mais surtout, écoute-moi bien. Le monde entier est à ta recherche. Si tu continues d’être l’archer, tu vas forcément finir derrière les barreaux parce que les gens savent qui tu es. Ils connaissent ton visage et même si avec ce maquillage, tu es méconnaissable, les passants seront attentifs à tout. Ils ont peur de toi parce qu’ils ne connaissent pas pourquoi tu fais ça. Ils ne savent pas que tu essaies de les aider et même si tu leur expliques, certains ne le comprendraient pas. Ils vont faire attention à tout et tu vas finir par être démasqué. Une fois en prison, tu sais que tu n’en sortiras pas. Tu sais que tu finiras ta vie là-bas et à ce niveau là, tu ne pourras rien faire pour aider ces personnes dans le besoin. Ces personnes dans la détresse ont besoin d’aide mais pas de cette manière là. Alors on va partir comme je l’ai dit. On va aller au Vatican parce que c’est dans cet endroit qu’il y a le moins d’habitants et on va écrire envoyer des lettres mais pas aux policiers, ni même aux gendarmes. Ça serait trop dangereux, ils pourraient nous retrouver. On va les envoyer aux voisins. Plusieurs lettres, des messages sur les réseaux sociaux si il le faut. On va faire tout ce que nous pouvons pour dénoncer le malheur des autres et au bout d’un moment, ils seront obligés de nous croire. Avec nos pouvoirs, nous pouvons faire beaucoup.
- Tu vies trop dans ton monde, affirme-t-il gentiment après quelques minutes de silence.
- Peut-être mais on ne laissera pas ses victimes dans leur tristesse. Et je ne te laisserai pas tomber par la même occasion.

Il ne dit rien. Il est sûrement en train de réfléchir à ma proposition. Je vis dans un autre monde, c’est évident mais je me battrai pour cet homme. Je me battrai pour sa liberté même si je sais la difficulté des jours à venir.
- Allons-y, dit finalement Thomas.
- Sûre ?
- Oui, je te fais confiance.

Nous partons donc avec un sac à dos chacun. Je ne suis pas rassurée mais je dois tenter. Si nous partons pas, si nous ne faisons rien, nous serons jamais si une vie à deux est possible. Je ne veux pas passer à côté. Je sais qu’il y a plusieurs couples qui sont heureux en cavale. Je sais aussi que pour beaucoup d’entre eux, le rêve s’est transformé en cauchemar. C’est un coup de poker mais pour cet homme, je prends le risque de tout perdre pour essayer de tout construire à ses côtés.
- Tu étais sérieuse quand tu disais qu’on allait aider les victimes à distance ? Me demande Thomas en me suivant.
- Je n’ai jamais été aussi sérieuse.
- Et tu crois que ça va fonctionner ?
- Je ne sais pas. Je lis dans les pensées, je ne prédis pas l’avenir mais si on n’essaie pas, on ne saura jamais.
- Et si ça ne fonctionne pas, qu’est-ce qu’on fera ?
- Je ne sais pas. Il y a une voiture, lève ton pouce.
- L’auto-stop, c’était sérieux ?
- Évidemment et en plus, c’est gratuit.

La voiture s’arrête. Le voyage commence.

L'archer. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant