Partie 1 - « La mort n'arrête pas l'amour. »

Depuis le début
                                    

Mes parents sont au courant de tout. Ils me voient périr. Riad sait. Il vient tous les jours que Dieu fait à mon chevet pour me dire qu'il ne m'en veut pas, que ce n'est pas de ma faute, qu'il sait ce que je ressens... Il répète encore et toujours la même chose. J'ai envie de lui hurler de se taire. Il ne sait absolument pas ce que je ressens. Personne ne le sait !

La culpabilité est une peste. Elle te bouffe de l'intérieur jusqu'à l'os. Elle ne souhaite que ta disparition... J'aimerais tellement disparaître.

2 mois, je crois, sont passés depuis qu'il s'est donné la mort. En fait j'ai plus vraiment la notion du temps, j'ai juste une certitude : le temps est passé et ne s'est pas arrêté.

Je ne parle plus, je perds du poids à vu d'œil mais je ne pleure pas. Du moins plus. La seule fois où mes larmes ont coulé c'était ce soir-là. Depuis mes yeux sont anesthésiés. Même quand je me réveille en sueur après avoir revu la scène : je ne pleure pas.

Aujourd'hui, pour la première fois je sors. Je comprends très vite que la rentrée a sonné sa cloche depuis un moment. Tous les jeunes portent des sac à dos, ils reviennent sûrement manger. Il est midi, le soleil est au rendez-vous. Ce temps-là me manque. L'insouciance que je vois dans leur regard m'allait bien à moi aussi.

Je sens qu'on m'observe. Je presse le pas pour ne pas avoir à discuter avec qui que ce soit.

Une seule chose m'a motivé à sortir : elle. J'avais besoin d'aller la voir. J'avais besoin de retrouver quelqu'un qui ressent la même chose que moi voire pire.

Mes membres m'ont ramenés jusque dans son quartier. Les tours sont les mêmes. Elles n'ont pas changé depuis ce soir-là. Toujours aussi terne et en manque de couleur... Je regarde les habitants avancer les uns derrière les autres. Je les vois tous vivre et respirer comme si rien avait été retiré de leur cité. Un frère a disparu et ils ont l'air de ne pas s'en soucier. Comment font-ils pour survivre à ce drame ?

Le temps ne s'est vraiment pas arrêté.

J'avance lentement vers son bâtiment. Les jeunes empêchent le mur de s'effondrer comme d'habitude. Ils discutent de tout et de rien. La tête baissée, je passe devant eux. Je veux me faire discrète mais malheureusement je ne suis pas passée inaperçue. Je les entends murmurer.

- C'est la meuf de Mam's.

- T'es sûr ?

- Ouais ouais. Elle était avec lui une fois. Ils sont montés ensemble chez sa daronne.

- Chaud wAllah...

Je monte les escaliers. Ces mêmes escaliers qui ont été témoins de notre réconciliation et de ma déstabilisation.

Je m'arrête à l'endroit où ça s'est passé. J'essaie de me rappeler en détail de ce moment-là. Je me retrouve dans la même position que quand je lui disais n'être pas présentable pour rencontrer sa mère. Je ferme les yeux pour le voir. Tout ce qui peut me le rappeler, je le prends. Mes yeux s'embrument. Je contiens mes larmes. Ma bouche tremblote. Je le sens déposer un baiser sur mes lèvres. J'essaie de le retenir. Ma main droite tente de le toucher. Une larme roue sur ma joue. Des bruits de pas me sortent de mon état onirique. J'essuie lentement cette larme. Il me manque... et je suis en train de devenir folle.

Je souffle et reprends la montée des escaliers.

J'arrive devant cette porte. C'est mon cœur qui guide ma main. Je sonne. Amina m'ouvre ; la petite dernière de cette grande famille. Elle me sourit avec toute l'innocence du monde et crie :

- Maman c'est la copine de Mamadou, je crois qu'il l'a encore ramené.

Quand elle a sorti cette phrase, j'ai senti mes joues s'humidifiaient.

Kilo-drames TOME II Où les histoires vivent. Découvrez maintenant