Chapitre 2

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Des flammes, des flammes, encore des flammes, toujours des flammes, elles dansent devant mes yeux, ondulent, virevoltent, innocemment, comme si elles étaient inoffensives alors qu'en fait, elles détruisent tout sur leur passage, comme les tsunamis qui engouffrent ces villes sous l'eau, les cyclones qui balaient chaque obstacle de sa traversée. Je cris, je hurle, de vive voix, à plein poumons, mais cette fois-ci, personne ne m'entend, personne ne vient me sauver. Le brasier me calcine, me transforme en cendres, je m'envole dans un courant d'air.

Puis je me réveille.

Je suis toujours à l'hôpital. J'ai un masque qui me distribue de l'oxygène et régule ma respiration. Ma température corporelle a l'air normal, je n'ai ni chaud, ni froid, bien que l'air ambiant qui caresse ma peau ne la porte à l'ébullition. Je baisse les yeux, lève mes bras, elle est brûlée, à vif, au moins au deuxième ou troisième degré. Qu'en est-il de mon visage, de mes jambes, du reste de mon corps ? Suis-je défigurée, mutilée ? Combien de temps aurais-je ces monstrueuses cicatrices ? Des larmes s'écrasent bientôt dans mon cou. J'explose en sanglots. Pourrais-je vivre normalement après ça ? Me reconstruire ? Comment vais-je faire pour m'en sortir, alors que j'ai tout perdu ? Je n'ai plus rien, je n'ai plus personne. Pourquoi je suis encore en vie, alors ? Pourquoi m'a-t-on sauvé ? Ai-je encore un espoir, un avenir ? Je n'en vois pourtant aucun.

Je laisse retomber ma tête sur la droite du côté de la porte, une main effleure la mienne.

Il y a quelqu'un à mon chevet.

Un jeune homme à la peau de porcelaine. Sous son chapeau, un casque de boucles ébènes dissimulé. Un sourire tendre déforme ses lèvres. Je bondis dans mon lit et me redresse vivement. C'est officiel, je suis toujours en train de rêver. Je bats des cils, le fixe, jette mon regard dans la pièce, le reporte sur lui. Je bombe même un sourcil, sa main se referme sur la mienne mais je la retire par réflexe et la ramène contre moi, il plisse alors les lèvres.

-Calmez-vous, commence-t-il d'une voix douce en s'inclinant vers moi, je ne suis pas là pour vous faire du mal. 

Son ton m'apaise immédiatement. Je sens mon rythme cardiaque ralentir dans ma poitrine et mes muscles se détendre. Mon front se déplie. Je penche la tête, ce qui lui arrache un sourire. Il porte alors son regard sur le bouquet de fleurs posé sur la table de nuit. Je ne l'ai même pas remarqué.

-Elles vous plaisent ?

C'est un bouquet de pivoines roses et blanches. Il est énorme, je n'en ai jamais vu d'aussi beau. J'hoche la tête, un faible rire, mélodieux, s'échappe de sa gorge. 

-La prochaine fois, j'en apporterai un autre encore plus gros. Il ne comble pas assez la pièce, c'est drôlement triste ici.

Alors que je m'apprête à retirer ce truc en plastique qui m'empêche de parler, il m'arrête dans mon élan. Je fronce les sourcils.

-Vous ne pouvez pas l'enlever tout de suite. L'air de vos poumons n'est pas encore assez pur. Vous avez ingérer beaucoup de fumée. Ils en ont encore besoin.

Les nouvelles vont vite ici apparemment. Comment sait-il ça ? Il s'est renseigné à mon sujet ? Puis d'abord, pourquoi est-ce qu'il est dans ma chambre ? Je sais qu'il visite beaucoup d'hôpitaux, mais en général, il va voir des enfants malades, en fin de vie, des orphelins, il leur distribue des jouets, des peluches, égaye leurs misérables journées.

Je ne suis pourtant pas une enfant.

Je ramène mes bras à ma poitrine et repose mon dos contre l'oreiller en soupirant. Quel est l'intérêt de sa présence si je ne peux même pas lui répondre ? J'ai l'impression d'être Dark Vador dans la Guerre des Etoiles avec ce fichu masque, en plus l'élastique me serre beaucoup trop, ça me fait mal. Je me plonge dans ses grands yeux bruns et le supplie du regard.

-Bon, d'accord, se résigne-t-il en faisant la moue, mais pas plus de cinq minutes. 

Il le retire délicatement et je peux enfin respirer par moi-même. Comme s'il lisait dans mes pensées, il se lève et me rapporte un verre d'eau, j'hydrate rapidement ma gorge et me pince les lèvres. Son visage me fascine, à vrai dire. Il dégage quelque chose de mystérieux, comme une sorte d'aura magnétique, je ne sais pas comment le décrire.

-Ça va mieux ?

-Beaucoup mieux, merci, je réponds de ma voix enrouée

Et il me sourit une nouvelle fois, de cette façon si particulière, je n'ai jamais vu un sourire aussi beau et lumineux que le sien, contagieux. Je sens ma bouche se courber. 

-Comment vous appelez-vous ? m'interroge-t-il finalement. Les médecins n'ont pas su me dire votre prénom.

-Kathleen, je toussote.

Je crois que j'ai encore besoin d'eau.

-Moi c'est Michael, je suis ravi de faire votre connaissance.

Je lui lance un regard amusé. Il est connu de la Terre entière et pourtant, il se présente encore, comme si je ne savais pas qui il était. Je suppose que ça lui permet de se sentir comme le commun des mortels, comme un simple être humain.

-Vous devez vous demander ce que je fais ici, n'est-ce pas ?

Il m'a arraché les mots de la bouche au moment où j'allais lui poser la question. Sa réponse me laisse sans voix.

C'est lui qui m'a sauvé.

I AM INNOCENT - Michael JacksonWhere stories live. Discover now