Chapitre 20 - Partie II

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— Elle savait tout ce qui allait se passer... Vraiment tout ?

Je hoche la tête en direction de Roxane, qui scrute à présent ses ongles, le visage de plus en plus humidifié par ses larmes.

— Tout ce qu'il est humainement possible de prévoir dans les actions de son mec, oui. Elle le connaît mieux que personne.

Elle demeure muette, incapable de mettre des mots sur ses émotions. Elle passe ensuite une main sur son cou meurtri, secoue la tête négativement puis, contre toute attente, vient se blottir contre moi. Je déplace les quelques mèches de ses cheveux encore collés contre sa joue et resserre mon bras autour de ses épaules. Cet instant de douceur et de quiétude m'incite à libérer un peu plus ma conscience de ses multiples tourments :

— Tu sais, le jour où je t'ai rencontrée, je ne pensais pas que tu allais prendre une place aussi importante dans ma vie. Je ne te connaissais pas et pour moi, tu faisais partie de ce monde que je n'ai jamais compris et que je ne comprendrais jamais. Robin a fini par savoir qui tu étais grâce à ton portefeuille que Desmond avait récupéré cette nuit-là, dans la ruelle. Il m'a alors demandé de gagner ta confiance, pour...

Mon cœur se serre dans ma poitrine. C'est là, il faut lui dire, maintenant. Nerveusement, je restreins un peu plus l'étreinte de mon bras, priant intérieurement pour que cela suffise à la retenir près de moi, quoi qu'il arrive. Roxane reste immobile, murée dans ses larmes silencieuses. Sa main gauche joue avec la pointe bouclée d'une mèche de mes cheveux, visiblement peu alertée par mon état de nerfs. Je prends une inspiration tremblante et articule alors, d'une voix fébrile :

— Écoute, Robin n'est pas seulement un chef de gang, un tueur et un trafiquant de drogue. Il a beaucoup d'autres activités plus sordides encore, mais la plus importante, depuis ces dernières années, c'est le recel d'œuvres d'art à des hommes politiques, des agents fédéraux corrompus ou des chefs de gang alliés.

— Pourquoi tu me racontes tout ça ?

La voix enrouée par les larmes, elle appuie sa main contre mon torse et relève la tête vers moi. Les battements dans ma poitrine s'intensifient au fur et à mesure que la vague d'angoisse qui monte en moi me submerge jusqu'à me noyer dans mes propres remords.

— Parce que ce soir, Robin va récupérer ce que je n'ai pas eu le courage de récupérer avant lui. Roxane, il veut la toile de Klimt qui est chez toi.

Sa main s'affaisse sur ma poitrine et je crispe la mienne sur son bras pour la maintenir un peu plus fort. Terrorisé à l'idée de voir tomber le couperet sur mes erreurs, je ferme les yeux et poursuis mes aveux dans la précipitation :

— C'est pour elle que j'aurais dû gagner ta confiance. C'est elle que j'aurais dû te voler depuis le départ. Mais je n'ai pas pu parce que... parce que tu es devenue plus précieuse à mes yeux que n'importe quelle œuvre d'art au monde.

Roxane ne répond pas, toujours parfaitement immobile et son silence m'est de plus en plus insupportable. Je la redresse et la positionne de manière à lui faire face au moment où elle finit par balbutier :

— Tu voulais voler le tableau de mon père ? C'est pour ça que tu t'es intéressé à moi ? Pour rien d'autre ?

Je pose mes doigts tremblants sur la ligne de son visage empreint d'une profonde tristesse. Contre toute attente, elle reste figée dans le néant absolu. Aucun éclat de voix, aucun cri ne s'échappe de ses lèvres... Au lieu de cela, son absence totale de réaction, ancrée dans le silence pesant qui règne dans la pièce, est encore plus lourde à encaisser que n'importe quelle scène de violence légitime. Rassemblant les dernières bribes de courage qu'il me reste, je décide alors de briser cette spirale infernale et de mettre mon cœur à nu, une bonne fois pour toutes.

Le Dernier Vol des Oiseaux de Sang | TERMINÉEWhere stories live. Discover now