Chapitre 7

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Le lundi suivant, le moral un peu dans les chaussettes, Meredith commence la journée avec une double heure botanique.

Ce cours, qui habituellement passionne la jeune fille lui paraît aujourd'hui insupportable.

Le sujet du jour est les plantes aquatiques mais elle n'écoute pas. Elle recopie mécaniquement son cours, sans en retenir ne serait-ce qu'une phrase. Elle ne pourrait même pas dire quel mot elle vient de recopier du tableau.

Au terme de ce supplice, la collégienne remballe ses affaires sans entrain.

Alors qu'elle s'apprête à sortir de la salle avec l'énergie d'un mollusque du troisième âge quand Madame Bombyle l'interpelle.

''Meredith, je peux te parler ?''

L'adolescente acquiesce et se rend au bureau de la professeure. Elle est inquiète, c'est la première fois qu'un prof lui demande de rester à la fin du cours. ''Ma mère m'a appris pour ta grand-mère. Je suis de tout cœur avec elle. Elles sont amies, ma mère et ta grand-mère, tu sais? J'ai reçu un colis pour toi ce matin. Prends en soin.'' La botaniste sort une enveloppe en papier kraft d'un tiroir de son bureau.

''Merci.''

Meredith récupère la lettre plutôt épaisse et s'empresse de rejoindre son deuxième cours de la journée. Elle décide de patienter jusqu'au soir avant d'ouvrir la missive.

Impatiente de savoir ce que contient l'enveloppe, Meredith essaye de tuer le temps pour arriver le plus vite possible au moment de la journée où elle n'aura plus rien à faire et où elle pourra enfin percer le mystère de Gertrude Bombyle.

Heureusement pour elle, ce moment finit par arriver. Assise sur son lit, elle ouvre l'enveloppe de la pointe de ses ciseaux.

Ni Athénaïsse ni Hector ni Naïsse n'est au courant.

Un peu tremblante, elle sort les feuillets de papier épais qui composent la lettre.

L'écriture de l'artisane de baguette est large et ronde, son tracé est hasardeux et un peu tremblant.

Elle commence la lecture.

Chère Meredith,

Tu te rappelles peut-être de moi, je suis Gertrude Bombyle, celle qui t'a vendu ta baguette il y a plus d'un an de cela. Ta grand-mère et moi nous nous sommes rencontrées à Pierre-Grise dans le temps et malgré notre dispute, nous nous sommes réconciliées. Mais je ne t'écris pas pour te raconter ça. Je t'écris car Ernestine est en danger. C'est après qu'elle ait découvert la prophétie que les symptômes sont apparus.

Mais le problème remonte à bien plus tôt, à l'époque de ton arrière-grand-mère. Je vais essayer dans cette lettre de te raconter tout ce que je sais pour faciliter ta mission.

Tout d'abord, Anatolie Onestine, ton arrière-grand-mère, elle a passé sa vie à rechercher le moyen de libérer la Dame Blanche. En parallèle de ces recherches, elle était institutrice dans l'école du village. Toutes ses recherches ont commencé quand elle a découvert que la Dame Blanche avait toujours une baguette sur elle. Elle devait avoir la vingtaine à cette époque-là. Elle a récupéré la baguette et a commencé à faire des recherches.

Enfin bref, à force de chercher, elle a fini par trouver certaines des informations qu'elle cherchait : l'histoire de sa baguette, son utilité et la prophétie. Pour cette dernière, il était déjà trop tard quand elle a réalisé qu'elle était concernée. Elle savait qu'il ne lui restait pas longtemps à vivre alors elle a dicté la prophétie à Ambroise Leverdier, le petit fils d'une de ses amies. Quelques jours plus tard, Ambroise a été retrouvé mort dans sa chambre à Tarabustine. Quelques jours après lui, Anatolie mourrait de vieillesse.

Les théories sur la mort d'Ambroise sont diverses mais celle accepté par la police est celle qui pense qu'il se serait empoisonné en faisant tomber un produit toxique dans son verre. La théorie que la plupart des sorciers ont trouvé plus réaliste est que la Dame Blanche l'aurait empoisonné et celle qu'Anatolie m'a confiée est que c'est quelqu'un qui ne voulait pas que la prophétie sois su qui a empoisonné Ambroise.

Je n'ai bien entendu pas compris ce qu'elle voulait me dire avec ces mots mais je n'ai malheureusement pas eu le temps de lui demander des explications...

Mais j'ai ensuite plus ou moins compris.

Sur son testament, qu'elle m'avait montré, elle voulait que la baguette soit transmise à sa fille.

Sur le testament qu'on a ensuite pu lire lors de son enterrement, il y avait écrit qu'elle voulait être enterrée avec sa baguette.

Comme je sentais qu'il y avait une arnaque quelque part, j'ai échangé Uralie avec une autre baguette noire peu avant l'inhumation.

Tout le monde est tombé dans le panneau et j'ai gardé Uralie avec moi. Je savais que quelqu'un tentait de faire disparaître Uralie car il y a eu des tentatives d'effraction dans ma boutique qui heureusement n'ont pas aboutie grâce à mes fidèles Adelests.

Enfin, une fois la retraite d'Ernestine arrivée, elle a commencé à s'intéresser au travail de sa mère et a découvert que Uralie avait été la baguette de la Dame Blanche et qu'elle pourrait servir à la libérer de sa malédiction.

C'est là qu'elle m'a confié qu'elle regrettait d'avoir enterré sa mère avec sa baguette. Je n'ai pas osé lui dire que c'est moi qui l'avais.

Je crois que j'ai fait le tour de l'histoire de ta grand-mère et de ton arrière-grand-mère.

Maintenant, je vais essayer de te raconter tout ce qu'Anatolie a trouvé sur l'histoire d'Uralie. Elle avait pris des notes dans un langage codé dans ses carnets et comme je sais que tu aidais Ernestine à les décoder je pense que tu vas te souvenir certaines choses...

Anatolie a découvert que la baguette a été utilisé par des sorciers qui se la transmettait de génération en génération du quinzième siècle au dix-huitième siècle. Ensuite, à partir du début du dix-neuvième siècle, il semblerait que ce soit la Dame Blanche qui avait la baguette sur elle avant que ton arrière-grand-mère la récupère en 1946. Il semblerait que seules les personnes ayant une mèche verte puisse l'utiliser. Toi et Anatolie sont les seules que je connais.

Pour finir, je dois te donner un conseil que tu suivras, je l'espère. Entoure-toi de personnes dignes de ta confiance et cache ta mèche.

Je crois pouvoir affirmer qu'il y a une personne ou plusieurs qui cherchent à garder la Dame Blanche sous sa malédiction. Pourquoi ? Je ne sais pas pourtant, je pense que c'est eux qui ont tué Ambroise et qui en ce moment essaye de rendre Ernestine folle.

Je te souhaite beaucoup de courage et de force.

Sache que tu peux compter sur mon aide à tout moment,

Gertrude Bombyle.

Meredith termine cette lecture les larmes aux yeux et troublée. Il y a tant de choses qu'elle ignorait et tant de choses que sa grand-mère ne lui avait pas racontés. Si elle avait su, elle n'aurait pas promis à ses parents de ne pas suivre la prophétie. Elle se rappelle maintenant qu'Ernestine lui avait parlé d'une Laureline dont elle avait trouvé le nom dans le grimoire d'Anatolie.

Tout commence à s'assembler dans sa tête. Laureline connaît la prophétie. Elle cherche la personne concernée pour l'empêcher de réaliser sa tâche parce que pour une raison ou pour une autre, elle veut que la Dame Blanche reste la Dame Blanche et ne redevienne jamais Andromède de l'Astier. C'est cette Laureline qui a kidnappé Timoléon, parce qu'il a une mèche verte, qui a tué Ambroise parce qu'il connaissait la prophétie, qui est entrain de s'en prendre Ernestine parce qu'elle a retrouvé la prophétie.

Combien de temps lui reste t'il avant qu'elle découvre qu'elle connait la prophétie et qu'elle a et la mèche verte et la baguette d'ébène ?

Il est hors de question qu'elle entraine ses amis là-dedans. Trop de personnes sont déjà en danger.

Toutes ces craintes lui donnent la nausée et elle range tremblante la lettre dans sa table de nuit.

Dans l'obscurité, elle lutte contre les larmes pour n'alarmer personne. Tout va bien. Du moins, c'est ce qu'ils doivent tous croire. 

Meredith Clairensac 2Όπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα