Chapitre 9

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« Parfois, Gabriel merde vraiment. Mais ce n'est jamais pire que lorsque ce n'est pas de sa faute. »

— Marie Saint-Clair


Je crois que c'est allé trop vite et que le fait que je ne sois plus aux commandes de ma propre vie m'effraie. Cette semaine passée avec Naël m'a ouvert les yeux sur beaucoup trop de choses pour que ce soit anodin et j'ai la sensation d'étouffer. D'étouffer sous son amour, son attention, son besoin de me rendre heureux... Je ne mérite pas tout ça. Je ne mérite pas qu'il me regarde comme il le fait, je ne mérite pas non plus que ses parents m'accueillent à leur table ou qu'ils pensent que je suis ce qui est arrivé de mieux à leur fils parce que ce n'est pas le cas. Je suis là sans l'être parce que j'ai peur. Peur de décevoir, peur de ne pas être assez.

Je voulais simplement que Flynn quitte cette maison et me voilà enchaîné à une relation idyllique qui n'a aucun sens à mes yeux. J'attends le moment où ça va faire mal, j'attends le moment où il va se rendre compte que Flynn est plus intéressant, mais Naël est complètement aveugle. Il est niaiseux et heureux et j'ai l'impression qu'il ne réalise pas que je ne suis pas quelqu'un de bien.

« Tu m'accompagnes au concert que donne ma mère ce lundi ?

— Concert ?

— De piano, tu sais ?

— Ah, oui. Oui, si tu veux.

— Bien sûr, je veux. »

Il passe un bras autour de ma taille et lorsqu'il niche son visage dans mon cou, j'oublie à quel point j'ai peur. C'est bref, mais le sentiment de béatitude qui m'habite me soulage un moment.

« Ça te dit qu'on fasse des crêpes ? »

Il lève la tête vers moi, surpris par ma proposition. À dire vrai, moi aussi, ça me surprend, alors s'il ne dit pas oui dans la seconde, je vais changer d'avis.

« D'accord, oui ! Il est tard mais...

— Oh allez, on fait rien de mal ! »

Il acquiesce et se lève comme une fusée pour se rhabiller un peu puis rejoindre la cuisine. Il est minuit passé, presque une heure, même.

« Tu connais une recette ? »

Il me demande en sortant à la va-vite quelques ustensiles comme un saladier ou un fouet. Je ne sais pas s'il est surexcité ou simplement heureux, mais le voir s'activer comme ça avec un aussi grand sourire sur les lèvres me donne l'impression d'être quelqu'un de bien.

« Celle de ma mère. », je réponds.

Ma mère. Ma mère qui continue de m'appeler matin et soir. Même si j'ignore chacun de ses appels, chacun de ses messages, elle ne s'épuise pas. Je crois même qu'elle me manque et que je m'en veux d'avoir agi comme un ado complètement débile. Je sais qu'elle m'aime, au fond. Je sais que mon père m'aime également. C'est juste que j'ai du mal à l'admettre parce que moi, je ne m'aime pas. Je me déteste et j'ai du mal à comprendre les gens qui prétendent m'aimer alors, même si je sais qu'ils m'aiment, parfois, je ne les crois pas.

« Tu vas la rappeler ? »

Naël sait lire dans mes pensées. Il me connaît si bien qu'il est capable d'analyser les mécanismes de mon esprit pour deviner ce à quoi je pense. Est-ce que je serais capable de le faire, moi ? S'il regardait le vague avec une expression triste, est-ce que je saurais faire le lien avec ses actuelles pensées ? Je ne crois pas. Et c'est ce qui fait que je ne le mérite pas.

GabrielWhere stories live. Discover now