— Tu ne sais pas ce que tu dis.

— Bien sûr que si ! T'es toujours là, à me traiter comme un gosse et au pieu ça me convient parce que j'aime ça, mais j'ai plus envie d'être un fantasme.

— Alors qu'est-ce que tu vas devenir ? Un conjoint ? Tu prends la place de Fabio et tu te tapes toutes les soirées chiantes auxquelles je suis convié ? Tu prends sa place dans mes réunions de famille, dans les déplacements pro auxquels je ne peux pas assister ? Tu deviens un homme d'affaire et tu gères l'argent du foyer ? Tu paies les factures, tu assures avec le comptable ? Les assurances ? Tu gères les employés de mes hôtels en Italie ? »

Je me tais parce que je me sens affreusement stupide, maintenant. Je suis un moins que rien et je ne pensais pas que William le pensait aussi. Je baisse la tête, honteux.

« T'es bon dans ce que tu fais, pour l'instant.

— Quoi ? Baiser ?

— Arrête, Gabriel. Si tu as envie de prendre sa place, je te la donne. Je te forme cette année et je te donne sa place. Mais quand on se verra, on aura tellement de choses à régler que baiser, comme tu dis, ça deviendra secondaire. On se disputera parce qu'on ne sera d'accord sur rien jusqu'à ce qu'on n'ait plus du tout envie de se retrouver dans le même lit. Et tu sais ce qu'il se passera, alors ? »

Je secoue la tête alors qu'il saisit délicatement mon menton pour m'obliger à le regarder.

« Alors quelqu'un prendra ta place actuelle. Tu auras ce que tu veux, tu seras devenu Fabio, mais tu ne seras plus mon échappatoire et mon fantasme. Tu seras la réalité et tout ce que j'aimerais fuir. Alors Gabriel me manquera et j'irai en chercher un autre ailleurs. C'est ce que tu veux ? »

Je secoue la tête alors qu'il me sourit.

« T'es pas un secret et ta place est bien plus importante que celle de Fabio.

— Mais c'est avec lui que les gens pensent que tu es.

— Oui. Alors qu'ils savent que c'est toi que je rejoins entre chaque réunion parce que t'as encore fait un caprice pour m'interrompre.

— Tu penses qu'ils savent qu'on couche ensemble ?

— Tu les penses stupides à ce point-là ? »

Je considère sa réponse quelques instants ; je ne sais pas tellement quoi en penser. C'est assez déroutant et, vu sous cet angle, les choses me plaisent davantage.

« Bon bah... on va visiter les cailloux, alors ?

— Excellent choix. Va t'habiller avant que tu ne deviennes trop désirable pour qu'on sorte. Je nous commande le petit déjeuner. »

Je lève les yeux au ciel en riant et je vais chercher des vêtements dans la penderie. Finalement, aujourd'hui sera une belle journée. La dernière en Grèce, mais je sais qu'on reviendra un jour, parce qu'il aime cet endroit.

. . .

Le retour chez nous s'est fait dans un silence presque parfait ; je crois que la nostalgie de cette semaine de rêve nous frappait déjà alors j'ai apprécié ces quelques heures d'avion à ses côtés, encore dans notre bulle.

Bulle qui a violemment éclaté lorsque je suis entré dans la suite de l'hôtel et que ce connard de Fabiolito m'y attendait, assis sur le lit. Je crois que je me suis figé quelques instants, peut-être même que j'ai oublié comment respirer. William avait une réunion chez un créancier qu'il n'avait pas pu décaler.

« T'as quelque chose à me dire, peut-être.

— C'est bon, Fabiolito. Tu devais t'en douter, inutile d'en faire un drame.

GabrielWhere stories live. Discover now