Chapitre 16

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Tout me revient en mémoire d'un bloc, tout ce que j'ai essayé d'oublier ces trois dernières années.

-Je... J'avais quinze ans à l'époque. Je n'étais pas de ces filles populaires et je ne faisais rien pour. Je me souviens de me tresser les cheveux chaque matin, de mettre des lunettes parce que ça fait plus « studieuse ». Je faisais partie de la catégorie des gens qui se mettent au fond de la classe et qui ne perdent pas une miette du cours, sans participer toutefois. Personne ne me connaissait. Si on disait Kris Carterboats, les autres, même les losers, se creusaient la tête pour imaginer mon visage. Je n'avais pas d'amis. Mes parents me laissaient depuis l'âge de dix ans toute seule dans la grande maison familiale, parfois une semaine entière. Je... Crois que j'étais malheureuse. Mais j'ai oublié cette sensation. Un jour, une fille s'est approchée de moi et m'a dit bonjour. Elle n'était pas du tout comme moi, elle avait un style punk, plein de piercings, des tatouages sur tout le corps. Elle s'est présentée, elle était nouvelle et n'avait pas non plus de pote. Elle s'appelait... Lindsay. On est devenues très vite amies, même inséparables. Les gens semblaient enfin me remarquer un peu. Elle était tellement gentille, tellement drôle... De semaines en semaines, nous devenions de plus en plus inséparables. Jusqu'à... Jusqu'à une fin d'après-midi de juillet.

Les sanglots rendent plusieurs de mes mots incompréhensibles.

-Nous revenions de la bibliothèque. Une bande de jeunes adultes m'a arrêtée et un peu forcée à aller dans une ruelle sombre. Nous protestions toutes les deux mais que pouvions-nous faire ? Ils étaient cinq, cinq hommes. On leur a dit de nous laisser tranquille mais ils ont commencé à nous toucher. Alors Lindsay s'est débattu. Comme une lionne. Elle s'est fait attraper mais m'a laissé le champ libre.

Je tremble si violemment qu'on me croirait sur un tracteur.

-Elle m'a dit... Elle m'a crié : Enfuis-toi ! Et j'aurais dû, ça l'aurait peut-être sauvé. Mais comme une débile, je me suis jetée dans la bataille et j'ai cogné tellement fort... Je crois que j'ai cassé un nez. Ils m'ont finalement bloqué les bras. Alors ils ont décrété que j'étais belle, que j'allais leur convenir, mais qu'ils allaient me punir. Alors... Alors un a pris un couteau et l'a plongé dans la poitrine de Lindsay.

J'ai mal, j'ai si mal...

-Puis ils m'ont violée. Et relâcher. Mais elle avait du sang partout... Partout, partout, partout... Ils sont partis, me laissant seule dans cette ruelle qui puait la mort. J'ai essayé de la ranimer, mais elle était... ELLE ETAIT MORTE ! Et depuis... Depuis je n'arrive plus à ressentir quelque chose. Et tout le monde connait Kris Carterboats.

Je déverrouille faiblement et me roule en boule sur le carrelage. Inutile de laisser fermer... Mais pourquoi je pense à ça maintenant ? Un déluge d'émotions se déversent en moi, parmi lesquels la peur, la tristesse, l'amour... Tout ce qui était bloqué ressort avec une telle violence, une telle intensité... Je dois offrir une triste image avec la robe blanche flottant tout autour de moi, les cheveux ondulant sur le sol et les cils collés par les larmes. J'ai les yeux fermés, sûre que si je les rouvre, je verrais le monde autrement. Si seulement la drogue pouvait arrêter tout cela... Je dois en avoir quelque part, il faut juste que je la trouve. Peu importe si j'embrasse quelqu'un, peu importe si ça me tue, j'en veux. Avant d'avoir pu lever le petit doigt, je sens deux bras fermes m'enlacer et une tête se poser sur mon épaule. Rayen ne dit rien, il me berce. En même temps, que dire ? Pourquoi je lui ai raconté ça d'ailleurs ? Tout aurait pu rester enfouis quelque part dans ma tête et ne jamais ressortir. Tout aurait pu rester comme avant s'il ne m'avait pas embobiné avec son histoire ! Mais je n'ai pas la force de protester, de chasser son souffle de mon cou. Pourtant, j'en ai envie. Je suis trop faible c'est tout. Arrête, Kris, arrête de te tourmenter avec un gars, tu l'as jamais fait ça. Là, ma tête est tellement pleine qu'elle pourrait exploser. Mes pensées ne sont pas cohérentes.

J'ai retrouvé mes sentiments.

Ca fait si longtemps. En fait, ce n'est pas très agréable.

-Ca va ? Demande Rayen.

Tout à coup, je suis au comble de l'euphorie. Je suis comme tout le monde ! Je ne suis plus un put*** de robot ! Je saute au cou du jeune homme.

-Oui, oui ça va ! Je vis, je vis ! Il me suffisait de revivre cette histoire...

Oui mais avais-je vraiment envie de le faire ? Non. Ca a été le deuxième moment le plus horrible de mon existence. Et le même que le premier, en un sens. Et en même temps le plus beau... C'est vraiment bizarre.

-Je crois qu'il faudrait vraiment que tu dormes.

-Peut-être.

C'est vrai, je suis épuisée. Il me soulève et me porte en princesse jusqu'à mon lit où il me dépose délicatement sur le drap. Je ris, parce que je trouve la situation un peu comique. Je sens des effluves de son parfum tandis qu'il me caresse doucement les cheveux. Je ne le repousse pas, j'ai comme... Des papillons dans le ventre ? Impossible. Je finis par m'endormir en me demandant pourquoi Rayen se couche toujours après moi.


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Hey! Chapitre un peu court, je sais, mais c'est parce qu'il y a beaucoup d'informations à retenir.

On comprend que la vie de notre Kris n'a pas toujours été rose...

Comment vous allez?

Vous faites des trucs pendants les vacances?

Bisous baveux

Calixtelb

KrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant