Chapitre 1

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 - J'ai bien peurs que ça ne soit compliqué Mademoiselle Florendeau. Vous comprenez bien qu'avec ce type de demande je vais être dans l'obligation de vous rediriger. Je ne vois pas comment je pourrais justifier ça à ma direction.

L'agent qui comme son badge l'indique, ce prénomme N. Bourgeoit c'était tellement perdus à pianoter longtemps sur son clavier d'ordinateur qu'elle en avait réussi à effritée ma concentration. Je m'étais moi aussi égarée longtemps, mais dans mon monde à moi. Celui-là même ou naissent et grandissent mes rêves. Le réveille est brutale et même si je m'attendais un peut à ce type de réponse je n'en arrive pas moins à cacher ma grimace de contrariété. Pas possible alors ? Je reste muette assise sur ma chaise, comme si mon silence pouvait subitement changer le cours que prenait la discussion. Madame Bourgeoit, petite femme rondelette, au carré sombre plongeant me fixait derrière ses lunettes, attendant qu'une éclaire de lucidité me prenne. Chose qui, j'ai bien peur, n'arrivera pas.

- Alors on ne peut pas faire comme si.... Je n'avais rien dit ? T'entais-je avec un petit sourire que j'aurais voulus mis suppliant, mis malicieux.

- Non Mademoiselle, nos discussions sont déjà dans mon ordinateur. Je ne peux faire machine arrière.

Chose fausse, on est bien d'accord là-dessus. Si elle avait voulu elle aurait largement pu supprimer ce que je lui avais négligemment confiée.

- Mais vous avez un poste d'agent de service de libre. Un 30h. Vous travaillerais cinq jours par semaine avec une coupure de deux heures le midi.

Je ne l'écoute déjà plus. Son baratin sociétal ne m'intéresse pas. Je suis déjà repartie dans le tréfonds de mes rêves qui semblent impacté par cette petite scène vécus ici et maintenant. Pas possible hein ? Je lève les yeux au ciel en me demandant ce que la vie attend de moi. Je pensais pourtant que c'était une bonne direction à donner à ma vie. A moins que ce ne soit une ultime épreuve ? Histoire de voir si je suis vraiment capable de passer toutes mes peurs pour réaliser mon rêve ?

Après ce lamentable échec je finis enfin par quitter les locaux de Pole Emplois, un gout un peu amer dans la bouche. Je suis plutôt habituée à ce genre de rengaine, j'ai ce don inouï de ne pas coller à la société. Ce petit truc qui fait que dès que je me force à rentrer dans le moule, quelque chose cloche. Sois-je termine avec une maladie incongrue, soit je finis en dépression poste traumatique, soit... mon patron ce lasse de mon esprit revêche. La vie semble constamment m'obliger à sortir des sentiers battus. A aller explorer encore plus loin mes limites, seule endroit unique où je me sens vivre et vibrer.

C'est un acte de courage d'être différente. Quoi que je dirais que finalement, on n'a pas vraiment le choix. Déjà petite, j'ai mis un temps fou à m'approprier mon corps humain. J'étais pourtant une des premières à parler, marcher, courir, siffler même. A deux ans à peine j'appelais déjà les oiseaux. Merci papy pour ce don du ciel d'ailleurs. Est venus ensuite le temps où au lieu de jouer à la poupée comme une sage petite fille, je préférais m'écorcher les genoux au sol à me prendre pour une panthère ou un loup, selon la convenance. Causant beaucoup de soucis à mes parents qui n'étaient pas en capacité de comprendre qui j'étais. Plus tard, au collège par exemple, j'avais ce que j'appelais des amis imaginaires. Mais c'était surtout une panthère noire que je voyais me suivre un peu partout. Elle sautait sur les bureaux de mes camarades de classe et me regardait avec désinvoltures. Elle semblait constamment me demander pourquoi je perdais mon temps ici. Ses yeux me disaient aussi que je ne risquais rien, qu'elle était là et qu'elle veillait sur moi.

La période sombre est arrivée ensuite, drame familiale sur drame familiale, je me suis forcée à entrer dans le moule. Je me suis éteinte petit à petit. Brisée. Mutinée. Muselée. Jusqu'à n'être plus que l'ombre de moi-même. C'est une fatale dépression qui m'en a sortie. Et ma tante aussi, qui était chamane. Tu sais, celle qui parle aux esprits.

C'est grâce à elle que j'ai connus mes premières trances. Et c'est grâce à elle que j'ai embrassé le monde du spirituel.

Jusqu'à aujourd'hui. Ce fameux jour où j'ai cru naïvement une nouvelle fois que la société m'aiderait à avancer. Quoi que tout bien réfléchis, je n'ai pas besoin d'elle. Cette vilaine matrice crée par l'humain pour le contrôler. Je parviendrais à avancer sans elle. J'irais au Japon, en touriste ou en formation, peut m'importe. Quelque chose m'appel là-bas, c'est inéluctable. Comme le Ying appel le Yang.

Je grimpe dans ma vielle voiture courageuse pour prendre la direction des écuries. J'ai là-bas mon rêve. Mon vrai rêve qui m'attend. Mon moteur crachote à peine quelques secondes avant que mon portable ne vibre sous un appel téléphonique. Lui aussi est dans un sale état même si on me l'a vendu soi-disant incassable. Bref. J'attrape l'engin et hésite à répondre. C'est une amie, Caty, responsable des écuries, où je comptais me rendre, qui essaie de me contacter. Comme je sais qu'elle a souvent un truc à me demander je m'y reprends à quatre fois avant d'enfin décider de lui répondre.

- Ouais Cat' ? Que-ce qui ce ....

- Kiba ! Regarde vite les infos c'est la catastrophe ! Rentre vite ! Vite !

Et elle raccroche. Me laissant pantoise sous les questions qui se bouscules subitement dans ma tête. Cat est une superbe nana, mais qui est souvent dans l'énergie de la panique. Ça m'oblige sans cesse à relativiser. Mais là, elle me semble vraiment paniquée. Et ce n'est pas normal.

Sans vraiment comprendre, j'entends un crie dehors et vois plusieurs personnes courir dans la rue. Mon moteur tourne et c'est le seul bruit qui me parvient à présent. J'observe ces gens dévaler le trottoir pour rentrer chez eux, les yeux exorbités comme s'ils avaient le diable aux trousses. Dans ma tête tout semble alors ralentis. Une peur, insidieuse me prend au ventre. La peur de ne pas comprendre. La peur du quelque chose de grave. Mais quoi ? J'enclenche la première et fait crisser mes pneus sur le basalte pleins de pluie. L'hiver qui touche à sa fin ne m'a jamais paru aussi glaciale et quitter la ville ne m'a jamais paru aussi urgent non plus. 

SatinkaWhere stories live. Discover now