𝒱𝒾𝓃𝑔𝓉-𝒸𝒾𝓃𝓆 𝒹𝑒́𝒸𝑒𝓂𝒷𝓇𝑒

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          Au milieu de l'appartement vide, Elvin regarde autour de lui. Des souvenirs de lui et Andrew remontent à la surface. Il se revoit se disputer, danser, boire le thé. Il se remémore les instants où Andrew rougissait. Un battement de paupière l'aide à chasser les larmes qui remontent. La boîte à musique dans les mains, Elvin sort de l'appartement et ferme à clef, pour la dernière fois. Le camion de déménagement est déjà là, prêt à l'accueillir. Elvin ne veut pas prendre l'avion pour se rendre loin d'ici. Il veut que son voyage dure le plus longtemps possible. Il a donc trouvé une entreprise qui est d'accord de l'emmener jusqu'à la destination, à condition qu'il paie le bateau pour accueillir les véhicules.
          Aveline, les trois croisés, observe Elvin depuis son perron. Elle tend sa main pour prendre la clef qu'elle remettra au propriétaire pour lui. Aujourd'hui, elle s'est promise de ne pas pleurer devant Elvin. Elle tient bon et fait le maximum d'effort pour réussir son souhait. Elle descend les marches pour rejoindre Elvin, puis elle le prend dans ces bras. Elle le garde contre lui et ne le lâche pas. Elvin n'a pas reçu l'amour d'une mère depuis si longtemps qu'il est étonné du geste. Puis, il l'enlace à son tour.
          - Elvin, murmure-t-elle contre lui. Prends soin de toi. Continue de vivre, non pas pour lui, mais pour toi. Tu pourras venir ici aussi souvent que tu le souhaites. Pour Noël, Nouvel an et n'importe quel autre jour de l'année. Tu es... Tu es comme un second fils pour moi, chuchote-t-elle avant d'embrasser sa tête.
          Chamboulé et surpris, Elvin enfouit son visage au creux du cou d'Aveline et la serre avec douceur contre lui. Il ne pensait pas se sentir aussi bien en entendant ces mots. Il se promet de faire des efforts pour elle. Son coeur s'affole dans sa poitrine, mais il ne pleure pas pour autant. Pas maintenant. Il décide, lui aussi, de lui faire un aveu.
          - Aveline, je ne sais pas si je parviendrais à sourire à nouveau un jour. Je sais qu'Andrew aurait voulu que ce soit le cas, mais je ne peux rien promettre. Tu sais, c'était lui mon bonheur. Il était le bon et le seul. Mais je te promets de faire des efforts, quand je me sentirai prêt.
          - Tu y arriveras.
          Une dernière caresse et Aveline s'écarte de lui. Le conducteur du camion semble s'impatienter. Elvin la salue et la remercie, puis il se précipite dans le camion. Ce voyage est une délivrance pour lui. Il est persuadé qu'il parviendra à laisser un poids derrière lui, en quittant ce quartier, cette ville et ce pays. Un dernier signe de main, un dernier regard aux deux portes, puis Elvin demande au conducteur d'y aller. Aveline fait de grands signes au camion. Lorsque le véhicule quitte son champ de vision, un vide profond la prend et plus rien ne la retient dans la rue. Elle rentre chez elle, monte dans la chambre de son fils et se glisse sous les draps de son fils. Elle ne pleure pas, mais un profond chagrin ne la quitte pas. Elvin se concentre sur la route et serre sa boîte contre lui, tout en pensant à Andrew.
          - Alors comme ça, vous partez vivre ailleurs ? Demande le conducteur.
          - Oui, vous connaissez la destination.
          - Et pourquoi ce changement ?
          - Je n'ai pas envie d'en parler.
          - Vous savez, si nous avons plusieurs jours à partager ensemble, il faudra bien faire la conversation, rit le conducteur.
          - Je ne suis pas en état. J'aimerais que vous compreniez cela. Écoutez de la musique, chantez, faites ce que vous voulez, mais ne me posez pas de questions. S'il vous plaît.
          - Bien. Je trouve ça dommage. Le partage humain se pratique de moins en moins.
          - Je crois avoir été assez poli pour vous demander de ne pas m'adresser la parole pour le moment. S'il vous plaît.
          - Très bien.
          Elvin sait très bien qu'il vient de détruire une relation qui aurait pu être autrement que conflictuelle, mais il ne veut pas parler de lui, de son chagrin, de ce qu'il vient de se passer. Habituellement, il aurait fait la conversation à n'importe qui pour parler de n'importe quoi, mais l'habitude n'est plus. Elvin regarde la route et se concentre dessus pour éviter de penser à Andrew. Une boule nerveuse se forme dans sa gorge et son estomac. Il n'a pas envie de se défouler sur un conducteur qui n'a rien fait de mal. Il préfère garder le silence que de s'engueuler avec lui. Pourtant, en pensant qu'il va passer de nombreux jours avec lui, il pense qu'il devrait tout de même mettre les choses au clair, car il sait pertinemment que le conducteur va être curieux à un moment ou un autre.
          - Je n'ai pas envie que vous me parlez de vos expériences ou celles que vous avez connues. Je n'ai pas envie que vous me comparez à quoi que ce soit ou quelqu'un. Et je trouve normal que vous sachez ce qui se passe. Je ne veux pas de conflits. Vous êtes curieux et moi, je suis mystérieux. Entre nous, ça va être le KO si on continue, si je continue à garder le secret et ou vous la curiosité. Je viens de perdre un être cher et je quitte le pays pour m'éloigner de nos souvenirs. Je ne veux pas de vos conseils, ni en parler. Je n'ai pas envie de parler. On peut se poser des questions sur les repas, les pauses pipis ou autres du genre. Mais pas de conversations. Rien.
          - Je comprends. Merci de votre sincérité. Je ferai mon possible pour ne pas échanger de conversations avec vous. Si vous avez besoin de vous défouler, je suis là. J'ai connu ça.
          - C'est gentil de votre part, mais...
          - Vous préférez garder le silence. J'ai compris et je respecte votre choix.
          - Je vous remercie.

C'était luiWhere stories live. Discover now