ℋ𝓊𝒾𝓉 𝒹𝑒́𝒸𝑒𝓂𝒷𝓇𝑒

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          Notre semaine d'examen de fin de semestre est carrément un désastre pour la moitié des élèves de ma classe et du bahut, j'en suis sûr. Mais pour moi, c'était un jeu d'enfant, même dans les matières que j'aime le moins. Elvin a su relever le défi comme un chef, même en chimie ! J'ai passé tellement d'heures à l'aider que j'ai presque oublié de réviser pour moi. Habituellement, je brille est marche dans la lumière. Je me mets en avant et j'ignore les autres. Cette année, pour Elvin, je fais partie de ceux qui marchent dans les ombres des autres pour les laisser profiter de la lumière. Je sais que je risque des problèmes si je me fais trop remarquer, mais je sais également qu'Elvin risque d'en avoir s'il ne réussit pas. Alors, je me suis sacrifié en donnant toute ma personne pour lui. Je me trompe en parlant de sacrifice. Je lui rends service, c'est tout.
          Nous n'avons pas parlé de mes aveux durant ce mois, car nous avons établi un nouveau contact lui et moi. Nous nous écrivons tous les soirs pour nous confier. Il m'a avoué qu'il suit des cours de théâtre et de chant pendant que je me prépare pour les Olympiades. Il veut aller dans une université artistique et il a déjà regardé des adresses qui sont dans le même état que le mien. Son rêve est de se produire à Broadway ou à Londres. Je n'ai pas compris quelle était la différence bien qu'il m'ait un peu expliqué, mais tout ce qui compte, c'est que ça lui plaît. Dans tous les cas, on risque d'être séparé, car New York, ce n'est pas la porte d'à côté. Il y a un Broadway au Massachusetts, mais ce n'est pas la même chose qu'à New York ou à Londres. J'essaie de suivre les conseils et de profiter de l'instant présent. Rien ne s'est produit entre lui et moi. Juste quelques caresse de sa part et un ou deux bisous sur mes joues. Je n'ai pas franchi de pas et je me suis véritablement concentré sur nos examens.
          - Andy, je crois que j'ai réussi ce dernier examen !
          - Elvin !
          - Pardon, Andrew... C'est dommage que tu n'aimes pas mes surnoms. Enfin bref ! Je t'invite à manger, ce soir ? On doit fêter la fin des examens !
          - Je suis désolé, mais je préfère fêter la réussite et non la fin, de nos examens.
          - Ne gâche pas ma mauvaise humeur, sinon, je te punis !
          Non pas ça ! Il m'a promis de m'embrasser si je le contrarie. Heureusement, j'ai réussi à tout faire pour ne pas recevoir de baiser de sa part. Il m'embête avec ça et sérieusement, je ne sais pas s'il va le faire ou non. Je n'ai jamais osé franchir la limite.
          - Non. Écoute, pas ce soir. J'ai... J'ai...
          Merde à la fin, ce bégaiement me tape sur le système ! Et mes joues qui rougissent me mettent mal à l'aise ! Quand est-ce que cette phase va passer ?
          - Quoi ? Tu as quelque chose de prévu ?
          - J'ai rendez-vous avec ma guilde pour vaincre un boss.
          - Rien que ça ! Sourit-il. Bon, d'accord. Il n'y a pas que toi en jeu, mais d'autres victimes des jeux-vidéo, rit-il. Mais demain soir, tu es à moi ! D'accord ?
          - D'accord.
          - Même si tu n'as pas fini ta quête d'aujourd'hui avec ta guilde, tu leur dis que demain, tu es disponible que jusqu'à dix-huit heures.
          - C'est très gentil de ta part de me laisser la journée.
          - Je sais, ça vaut au moins un bisou !
          - Tu peux toujours rêver, Martins ! Râlais-je.
          - Ouah ! Tu ne plaisantes pas du tout ! Il rit quand même, ce qui me soulage. Bon, je t'accompagne jusqu'aux portes de l'établissement et je file m'entraîner. Le spectacle est difficile à jouer et je veux exceller. Noël arrive à grands pas !
          - C'est dans deux semaines. Tu vas réussir à tout retenir ?
          - Mais oui, tu verras ! Je dois juste entraîner mes pas de danse.
          - J'ai envie de voir, avouais-je spontanément.
          - Vraiment ?
          Je réponds oui de la tête et je le vois déjà sautiller dans les couloirs, ravis de voir que je m'intéresse à lui. Oui, je peux être curieux, parfois.
          - Lundi après les cours, ça te tente que je te montre une scène ?
          - Avec plaisir.
          - Ah ! Crie-t-il à me faire sursauter. J'ai tellement hâte ! Merci Andrew !
          Il me serre dans ces bras et embrasse ma joue, une fois encore. Sa joie se transmet, mais je reste calme. Il file à sa salle de répétition une fois que j'ai franchi les portes de l'entrée du bâtiment. Je souris malgré moi, car j'adore le voir comme ça. Au début, ça m'irritait, mais maintenant, je le comprends. Je tourne la tête en direction des élèves du club de foot et je peux voir celui qui m'agressait en début d'année. Il tourne tout de suite la tête après avoir grimacé. Je tourne ma tête et j'aperçois un professeur surveiller la coure depuis sa fenêtre. Il ne se cache pas. Il me protège. J'accélère donc mon pas pour rentrer chez moi, de peur de me faire quand même agresser. Quand Elvin n'est pas là, j'ai toujours peur. J'ai tout de même réussi un exploit, j'arrive à la maison de plus en plus vite. Même avec la neige qu'il y a aujourd'hui, j'arrive à la maison sans difficulté.
          - Andrew vient m'aider ! Dieu merci, tu es rentré !
          - Qu'est-ce qu'il y a maman ? Paniquais-je, en la rejoignant au salon.
          - Je n'arrive pas à descendre sans que le sapin se pète la gueule !
          - Ça n'a pas de gueule un sap...
          - Pi ! Hurle-t-elle. J'ai mal aux muscles, ça fait au moins un quart d'heure que je suis là, alors tes réflexions, tu peux te les garder pour toi !
          - Oui, oui ! Je t'aide ! Pardon !
          Je la tiens fermement par la taille et la soulève pour la poser au sol. Mes exercices de musculation m'aident beaucoup. Depuis que j'ai commencé, j'ai bien progressé. Je ne serai jamais aussi musclé qu'Elvin, mais je sais que je peux m'approcher de son niveau.
          - Ça va, maman ?
          - Quelle force ! Merci. J'essayais de mettre l'étoile.
          - En t'appuyant contre le mur, sur le bord du canapé ? C'est dangereux comme activité.
          - Je pensais que tu allais rentrer plus tôt.
          - Oui, moi aussi. Tu connais Elvin, quand il me parle, c'est un moulin à paroles. Je suis incapable de l'arrêter.
          - Alors, c'est bien lui ?
          - C'est quoi ce sourire et cette question ? L'interrogeais-je en lui prenant l'étoile des mains pour la placer.
          - L'élu de ton coeur.
          Je manque de m'effondrer, merci le mur d'exister ! L'élu de mon coeur. Oui. Non. Enfin, peut-être. Et puis c'est quoi cette question sans prévenir ? Elle abuse ! Sérieusement, c'est quoi son problème ? Elle va trop vite ! Et c'est vrai que ce n'est pas difficile de comprendre qu'il n'y a que lui dans ma vie actuellement.
          - Bon ! Le sapin est prêt ! Et si, on l'allumait ?
          - Andrew, m'appelle-t-elle tristement.
          Je me concentre sur l'embranchement des lumières pour allumer le sapin. Avant je mettre la prise en place, je prends une longue respiration et ferme les yeux. Avec Elvin, je communique par message. Mais avec ma mère, j'essaie de souvent faire en sorte qu'elle ne voit pas mon visage. Et dans cette situation, je trouve que je me débrouille plutôt bien.
          - S'il te plaît, maman, je n'ai pas encore pris ma décision. Je ne suis sûr de rien pour le moment. Alors, ne continue pas à espérer quoi que ce soit. Ni pour maintenant, ni pour Noël, ni jamais. Et ne prétend pas que c'est lui l'élu, car tu sais très bien qu'il est mon seul entourage avec toi. La question ne devrait pas se poser. C'est évident. Il n'y a que lui.
          - C'est étrange comme cette évidence est semblable au nez qu'on voit sur un visage.
          - C'est quoi cette comparaison bidon ? Dis-je, en me relevant après avoir branché la lumière.
          - Laisse-moi résumer. Tu trouves que c'est évident qu'Elvin soit l'élu, car il est ton seul ami ?
          - Oui.
          - Alors, pourquoi ne trouves-tu pas évident qu'il est également plus qu'un ami pour toi ?
          - Que...
          - C'est uniquement parce que tu n'arrives pas à accepter la situation ou simplement parce que tu ne l'aimes pas, au fond de toi ?
          - Ça ne te regarde pas !
          - Tu as peur.
          - Non ! Pas du tout, je suis simplement réaliste et je pense à mon avenir. Et puis, je te l'ai dit, je ne suis pas prêt !
          - Et, tu le seras quand, Andrew ? Le dernier jour d'école ? Avant que vous ayez le temps d'en profiter un minimum ? Il t'attend, Andrew. Il t'attend de tout son coeur. Cela fait presque quatre mois que vous êtes toujours ensemble. Vous parlez tout le temps, vous passez du temps ensemble, vous faites tellement de choses... Il vous reste que six mois avant d'aller à l'université. Profite de ta vie d'adolescent, enfin !
          - Arrête ! Tu crois que je ne sais pas qu'il m'attend ? Tu crois que je ne le sais pas qu'il est peut-être en train de souffrir à cause de moi ? Je sais ce que je lui fais subir, et ça ne m'enchante pas. Mais une peur, c'est difficile à contrôler ! Tu devrais le savoir ! Pour toi, c'est peut-être facile de tout plaquer du jour au lendemain pour aller dans un autre état ! Seulement moi, quand il s'agit de prendre une décision aussi importante, c'est toute mon âme qui est en jeu ! Je suis plus qu'effrayé de me lancer dans une relation amoureuse ! Et ce n'est pas uniquement parce que j'y connais rien ! Ni parce qu'on sera peut-être obligé de nous séparer. Je n'ai pas envie de prendre cette décision à la légère, car il compte énormément pour moi ! Si je prends la décision de sortir avec lui, je prendrai la décision de finir ma vie avec lui et de l'épouser quoi qu'il arrive ! Je veux qu'il soit mon unique relation amoureuse et pas qu'une amourette de jeunesse ! Je suis extrêmement chanceux que quelqu'un m'aime malgré qui je suis, alors je ne veux pas prendre de décision sur un coup de tête ! Je refuse de dire un jour que c'était lui mon âme soeur, mais que je l'ai ignoré pour ma carrière. Et je sais que je ne me pardonnerai jamais d'avoir refusé sa présence dans ma vie, mais c'est un choix difficile. Alors, s'il te plaît. Merci de vouloir m'aider, mais c'est ma décision.
          Après lui avoir hurler ces mots à contre-coeur, je monte dans ma chambre en vitesse. Je la laisse seule à la lueur du sapin qui, je l'avoue, est sublime cette année. Je me change pour me mettre en tenue d'intérieur et je me place derrière mon ordinateur pour jouer à mon jeu vidéo. Je sais que j'ai l'air d'un prince qui doit prendre une décision cruciale : devenir roi ou non. Mais il est le seul en dix-sept ans d'existence qui m'aime pour qui je suis et mon physique ingrat. Bon, d'accord, je n'ai plus de bouton et je vais changer de coupe de cheveux pour Noël. Je veux lui faire une surprise. Je veux lui plaire encore plus... Je sais que ma décision est prise, je sais ce que je veux. Mais la peur me paralyse, ce n'est pas de ma faute. Je suis peut-être un idiot, mais c'est comme ça. Dès la première semaine de janvier, je vais enlever mes bagues dentaires et il ne restera plus que mes yeux à soigner. Je voudrais me faire opérer.
          J'ai pris la décision de modifier mon apparence, car j'en ai marre d'être un souffre-douleur. Je ne veux pas que ça continue à l'université, car malgré que ce soient des études supérieures, les élèves ne sont pas forcément matures. Et puis, je ne veux pas faire de l'ombre à Elvin. J'aimerais me tenir fièrement à ces côtés et je veux qu'il soit fier de me montrer aux autres. Je sais que le physique ne compte pas. Mais ça a toujours été un poids chez moi. Et même si, pour la première fois de ma vie, quelqu'un m'aime comme je suis, je veux quand même changer. L'acné et les bagues dentaires, ce n'est pas un choix. Mais, c'est vrai que les cheveux, les lunettes et les muscles, oui. J'espère qu'Elvin ne m'en voudra pas...

C'était luiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant