Chapitre 22

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Depuis la période qui avait suivi Noël, Mara se sentait libre comme le vent. Chaque matin, elle regardait son horaire, et allait au cours qui était écrit. Ces cours étaient souvent extrêmement amusants mais aussi dangereux. En cours de métamorphose, ils avaient appris à transformer des arbres de la forêt en arbres animés et avaient pu, grâce à ça, aménager une clairière sans avoir à couper quoi que ce soit. Certains arbres avaient demandé la permission de garder une possibilité de bouger et Chester avait passé un contrat avec eux. Les élèves, stupéfaits, avaient regardé leur directrice signer un contrat avec un vieil aulne qui avait été déclaré "Chef du Peuple des Arbres". On appelait maintenant la forêt les Pa. Peu à peu, le mot avait dévié vers les Pans. Les arbres étaient très satisfaits de ce surnom et les élèves de la HES avaient découvert que les Pans étaient de très bons orateurs mais aussi d'excellents amis lors de coup difficiles. Leur grand âge leur avait amené une grande sagesse et ils arrivaient à conseiller n'importe qui sur n'importe quoi, tout en restant plutôt objectifs dans leurs propos. 

Depuis, il n'était pas impossible d'engager une conversation avec un arbre. Ni de passer des journées entières en leur compagnie. Il y avait même des élèves qui racontaient que les Pans ronflaient, ce qui faisait beaucoup rire dans les couloirs.

En cours d'arithmancie, ils avaient déchiffré certains textes laissés par des peuplades lointaines, et Mara n'avait absolument rien compris. Elle s'était contentée de faire ce qu'Eliza lui chuchotait de faire. Dans l'absolu, elle aurait dû essayer de s'intéresser à la branche, mais elle n'y parvenait pas. Pour une raison qui lui était inconnue, l'idée de savoir qu'il existait déjà quelque chose avant ce qu'elle-même connaissait la rendait assez mal à l'aise. Elle avait rencontré le même problème en cours d'Histoire ou de Sociologie. Elle aimait beaucoup les sujets actuels et plutôt impersonnels, mais dès qu'on en venait à faire la biographie d'un Sortcelier particulier, elle perdait ses moyens. Pourtant, au début d'année, elle n'avait pas du tout eu ce genre de problème. Elle en avait parlé avec ses amis qui mettaient - tout comme elle - cette mystérieuse affaire sur le compte de la fatigue et d'un certain manque de discernement.

Puis, ils avaient appris à construire un lien avec un Pegasus. Appledore s'était remis de ses frayeurs et avait retrouvé Mara avec bonheur. Il avait d'abord renâclé quand elle était montée sur son dos, se souvenant sûrement de ses récents aventures et des heures de peur qui s'en étaient suivies pour lui, les Pegasus étant très sensibles. Enfin, il s'était calmé quand Mara l'avait bichonné, lui caressant du mieux qu'elle l'avait pu l'encolure et lui avait chuchoté des mots à la sonorité douce et calme aux oreilles. Puis, ils avaient fait un tour du domaine afin de repérer quelques éventuels problèmes. Mara trouvait tout ça amusant: les élèves réparaient le domaine tout en apprenant un peu plus chaque jour. En Sorcellerie, par exemple, ils avaient nettoyé tout le château tout en s'entraînant à combattre les forces obscures: un groupe avait été chargé de faire de tous les déchets des armes ou des combattants, et l'autre de les détruire puis de les faire disparaître. Elle était dans le camp des assaillants et elle avait entièrement immobilisé Cédric à l'aide de poussières coagulées. Il avait fallu l'aide de trois autres élèves pour mettre hors d'état de nuire l'arme puissante de Mara, qui avait fini par exploser de rire, perdant toute sa concentration.

Depuis plusieurs mois, chaque matin, les élèves se réveillaient avec appréhension: ils ne connaissaient plus l'ennui ou le stress. Juste un bonheur euphorique ou une déception immense selon ce qui leur était proposé. Mais, malgré tout, il régnait une atmosphère de profonde joie dans tout le bâtiment.

Quand vinrent les vacances d'été, il n'y avait guère d'élèves qui étaient totalement content de s'en aller de la HES. Bien sûr, chacun attendait impatiemment de revoir sa famille, et Mara la première. Mais quitter ce lieu qui, pendant un an, leur avait tout appris leur semblait invraisemblable. Surtout que des amitiés très fortes s'étaient forgées au fil des épreuves entre les jeunes gens qui s'enlassaient désespérément avant de s'en aller le cœur lourd. Certain ne reviendraient plus jamais là et c'était pour eux un déchirement de quitter ce lieu qui les avait accueillis pendant de nombreuses années. 

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