La Passe Miroir Challenge A Fanarts Promise 1.0

Roseline

Roseline était pensive dans ce train qui les menait vers les Sables d'Opale. Bercée par le tangage régulier et le ronronnement de la machine, Berenilde s'était endormie, une main nonchalamment posée sur son ventre rebondi. Cette femme avait tellement le talent d'être gracieuse, même en dormant depuis des heures sur une banquette de train, que cela en devenait exaspérant!

Roseline avait déjà caressé de ses mains animistes tous les magazines qui traînaient dans le wagon, au point qu'elle était tentée à présent de les déchirer pour les restaurer à nouveau.
Son regard se posa sur ce dénommé Renard, ce drôle de domestique que Mr Thorn avait engagé pour les escorter. De tous les chiens de garde que comportait la Citacielle, elle se demandait pourquoi le fiancé de sa filleule avait choisi un tel énergumène. Certes, il était bâti comme une garde-robe mais ses cheveux roux comme un poêlon de cuivre et ses taches de son lui donnaient un air enfantin qui n'effrayerait pas un chaton. Avec les enlèvements de nobles au nez et à la barbe des gendarmes, ce n'est pas avec une telle escorte qu'elles seraient en sécurité.

Puis son regard se dirigea naturellement vers Ophélie. Celle-ci se tenait en retrait, seule sur sa banquette, droite et rigide comme un manche de balai, les pieds ne touchant pas le sol du wagon. Qu'est-ce qu'elle avait changé depuis qu'elles avaient quitté Anima, et encore plus depuis ces dernières semaines! A vrai dire, Roseline ne la reconnaissait plus.

Même enfant, Ophélie n'avait jamais été très bavarde, à présent elle ne faisait plus que des phrases courtes, voir des réponses monosyllabiques. Roseline avait aussi noté que sa nièce avait récemment attrapé un accent du Pôle qui lui faisait parfois rouler les R d'une manière assez peu élégante. Cet accent était même plus prononcé que celui de Berenilde, plus proche à vrai dire de celui de son fiancé. Cependant ce dernier était bien trop souvent absent pour l'en influencer.

Ce qui chagrinait le plus la tante était que sa protégée prenait de plus en plus de distance avec elle et tout ce qui concernait Anima. Ophélie n'utilisait plus les expressions animistes et en arrivait même à ne plus les comprendre. Roseline fut saisie lorsqu'un jour Ophélie lui demanda de lui expliquer une phrase issue du livre que lui avait envoyé son grand oncle.

Bon, certes, elle était toujours aussi maladroite et lisait encore parfois par accident. Roseline avait surpris sa nièce se mettre à rougir lorsque elle pliait ses propres sous-vêtements!
Mais tous ces changements n'étaient pas négatifs. Elle ne mâchouillait plus par exemple les coutures de ses gants et ne frottait plus ses lunettes avec son jupon. Au grand soulagement de Roseline, la nouvelle Ophélie ne laissait également plus traîner ses affaires et au contraire rangeait celles-ci avec beaucoup d'application. Elle ne flânait plus affalée dans les canapés mais se tenait maintenant comme une vraie jeune dame, le dos droit et les mains sur les genoux.

Le plus surprenant changement fut celui qu'elle apportait dorénavant à sa présentation. Était-ce là l'influence de la gracieuse Berenilde jumelée aux réprimandes incessantes de sa tante? Roseline l'ignorait. En effet, Ophélie prenait le temps chaque matin pour faire sa toilette et en sortait toute fraîche, les cheveux soigneusement peignés et la tresse impeccable. Roseline n'était plus la bienvenue dans sa chambre qu'elle fermait à double tour toutes les nuits. Cela avait un peu chagriné son chaperon au début mais la transformation de sa nièce de jour en jour lui rappelait qu'elle n'était plus une enfant. Même son écharpe hideuse à laquelle elle tenait tant, elle s'en était débarrassée sans aucun état d'âme!

Non, sa petite Ophélie d'Anima n'était plus la même et Roseline songea à ce qu'en penserait la famille qui les attendait à destination. Elle frissonna en se demandant déjà comment faire face à toutes les questions qu'ils poseront sur ce qu'elles avaient vu ou vécu durant ces longs mois et ce qu'elles pouvaient dire ou non.