Les jubilations de l'Ambassadeur

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Un bruit sourd derrière la porte le réveilla. Qui donc venait le déranger de si bon matin? Mais était-ce vraiment le matin? Il se redressa de son lit, se frotta les yeux puis le visage à la barbe râpeuse. Il bailla bruyamment et s'écria:
- Ouais? C'est pourquoi?
- Une visite, Monsieur l'ambassadeur.
- Ne peut-elle pas être reportée à plus tard?
- Je le crains, Monsieur, dit le domestique circonspect.
Archibald se leva, s'étira et ouvrit la porte en pyjama. Derrière le petit domestique se tenait la haute stature de Thorn, droit et le regard ténébreux.

- Monsieur l'intendant? Fit Archibald, tant surpris qu'amusé. Voilà bien un moment que je ne vous avais vu ici, dit-il accompagné d'une large courbette.
- Je dois vous entretenir d'une affaire de toute urgence, lâcha Ophélie avec la voix glaciale en regardant le domestique s'éclipser discrètement. Ophélie n'aimait guerre se trouver seule à cet endroit qui lui rappelait de désagréables souvenirs. Le lieu ainsi que l'homme devant elle, accoutré de ce même pyjama ligné noir et rouge.
- Voulez-vous entrer? Proposa l'ambassadeur avec un large sourire.
- Non! S'écria l'intendant. J'attendrai dans votre bureau.
- Si vous êtes si pressé, allons-y de ce pas, fit Archibald en attrapant son chapeau pour le visser sur sa tête ébouriffée. Il le précéda et l'invita à le suivre.
Ophélie était choqué que l'homme ne daigne pas se changer, comme si cela l'amusait de déambuler en sautillant dans les couloirs de l'ambassade ainsi accoutré en sa compagnie. Enfin, en compagnie de Mr l'intendant.

Une fois arrivés dans ce qui lui tenait lieu de bureau, mais qui n'était en fait qu'un des nombreux salons, Archibald pria son digne visiteur de s'assoir sur un des sofas. Il prit place dans celui d'en face, les jambes en tailleur, les coudes plantés sur ses genoux et les mains soutenant sa tête, curieux et amusé.
- Vous le savez, cela me fait toujours plaisir de vous recevoir, cher Mr Thorn, même si d'habitude ce n'est pas de si bonne heure! Voulez-vous quelque chose à boire? À manger? A consommer sur place ou à emporter?
Ophélie fronça les sourcils, déformant par la même grimace la grosse cicatrice du visage de Thorn. « D'habitude »?
Voyant que l'intendant s'enfonçait dans son mutisme, l'ambassadeur reprit, encore plus hilare:
- Voyons ne faites pas le timide! Nous nous connaissons vous et moi depuis si longtemps. Nous avons partagés tant de choses!
Ophélie sentit ses joues devenir cramoisies ce qui motiva son interlocuteur à encore plus la taquiner.
- Mademoiselle votre fiancée se porte bien?
- Oui, mais ce n'est pas d'elle que je suis venu m'entretenir.
- De votre mariage alors? Les préparatifs se passent comme vous le voulez?
Archibald jubilait à mesure qu'il voyait accroître l'embarras de l'homme en face de lui. Vous vouliez me demander d'être votre témoin? Ou d'être celui qui procédera à votre échange de dons je suppose?
- Non, je...
- Je sais! Vous souhaitez que j'organise votre enterrement de vie de garçon! Oui c'est ça! Archibald se leva, joyeux et enthousiaste. Bien que nous savons, vous et moi, que vous n'êtes point novice en la matière...
Il lui fit un clin d'œil. Ophélie regarda autour d'eux afin d'être certaine que personne ne puisse entendre, puis repensa à la toile et une goutte de sueur glacée se mit à perler le long de son interminable colonne vertébrale. Elle tressaillit.
- Qu'avez-vous mon cher? Auriez-vous peur que cela se sache?
Ophélie opina de la tête très subrepticement.
- N'ayez crainte! Pourquoi croyez-vous que je poste ce gélurin vissé continuellement sur ma tête et cette mèche de cheveux aussi longue? Par coquetterie peut-être ? S'exclama-t-il en riant.
Ophélie ne comprenait pas où il voulait en venir et plissa les yeux.
- Mon tatouage! Tant qu'il est bien caché, mes petits secrets sont préservés!
Ophélie était abasourdie. Cela voudrait donc dire que la toile pourrait ne rien savoir de cette fameuse nuit?
- Oh! Et à propos de secret, je dois avouer que la dernière fois était particulièrement... cocasse!
Ophélie se leva et s'écria:
- Ça suffit! Puis, perplexe ajouta: La dernière fois?
- Oui mon cher, c'était disons... different des précédentes !
Puis Archibald prit un air songeur.
- Mais j'ai remarqué que VOUS êtes différent depuis quelques temps, et je crois ne pas me tromper en songeant qu'une certaine petite demoiselle n'est sûrement pas étrangère à cet état de fait!
Archibald jubilait.

Ophélie, elle, passait par un bon nombre d'état d'esprit. La surprise, le soulagement, l'effarement, la honte, le remord, l'angoisse... Elle ferma les yeux, inspira et se ressaisit en pensant à Renard. Elle se racla la gorge et expliqua d'une voix grave à l'ambassadeur le but de cette visite matinale. Bien que surpris par cette demande incongrue, il l'agréa et libéra le pauvre Renard sérieusement amoché.
Renard, lui, regardait hagard Mr L'intendant sans comprendre un traitre mot de ce qu'il lui arrivait.

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