Thorn et le miroir

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Challenge a.fanarts.promise semaine 3

Thorn dormait mal. La conversation de la veille avec sa fiancée perturbait sans cesse son sommeil. Il se retourna dans son lit et fut surpris de l'entendre grincer. Son lit ne grinçait jamais. Il n'aurait jamais pu oublier cela. Il n'oubliait jamais rien. Il étendit son bras et celui-ci rencontra un mur, humide et puant.

Il ouvrit péniblement les yeux mais sa vue était trouble. Était-il malade? Non, Thorn n'était jamais malade. Il essaya malgré tout de se repérer. La pièce semblait exiguë et sombre et rien ne lui était familier, ni les odeurs ni les bruits qu'il percevait à présent. Il s'interrogeait sur ce qui pouvait bien lui arriver et comment il avait pu aboutir dans cet endroit inconnu. La seule solution logique était qu'il avait été drogué et emmené dans une sorte de cachot. Qui avait pu faire cela? Il s'en souciait peu. Depuis son ascension au sein de l'administration du Pôle, son statut d'Intendant avait fait de nombreux envieux et encore plus de mécontents.

Comme il ne voyait guère, Thorn referma ses yeux et se concentra sur son ouïe. Des bruits de pas précipités et d'autres lassifs résonnaient dans ce qui devait être un couloir. Des claquements de portes, des bruits de clés et des voix, uniquement masculines. Il huma l'air, chargé de beaucoup d'humidité. Cela sentait le savon, la sueur et le linge sale.

Il se mit à bailler. Thorn ne baillait jamais. Pourquoi se sentait-il si faible? Il découvrit avec étonnement qu'il portait des gants, il en ôta un et se frotta le visage. Là ce fut comme si il touchait quelqu'un d'autre. Il ne retrouva pas sa grande cicatrice, souvenir de son cher demi frère qui avait failli jadis lui coûter son œil. À la place, il trouva un œil enflé, tuméfié et douloureux. Au lieu de sa mâchoire anguleuse et barbue, il fut surpris de la trouver douce comme fraîchement rasée. Intrigué, il continua son auto-inspection. Ses cheveux avait poussé, beaucoup poussé. Ils étaient complètement emmêlés dans une natte informe. Depuis quand était-il enfermé et resté inconscient dans cet endroit lugubre?

De plus en plus inquiet, il se redressa vivement. Sa tête tournait fortement, probablement dû au poison qu'on lui avait administré. À moins que ce soit l'alcool? Non, Thorn n'acceptait jamais d'en boire.
Assis sur le bord du lit, il fut surpris de ne pas toucher le sol avec ses pieds. Une forte douleur l'assaillit et il se frotta les côtes, il devait en avoir au moins une de fêlée. Il remarqua alors qu'il portait un linge de corps ridicule et inconfortable. Dans le brouillard qui semblait l'entourer, il distingua peu de choses, une porte à sa gauche et une sorte de miroir sur le mur opposé.

Il se leva péniblement et trébucha sur une bassine en zinc qui trainait à même le sol qui émit un son de ferraille. Tout semblait grand tout à coup. Là il ne comprit pas ce qu'il vit à travers le miroir. Il crut un instant regarder à travers une fenêtre ou un tableau. Était-ce son sentiment de culpabilité qui venait troubler la réalité où était-il toujours en train de faire un cauchemar?

Ce qu'il avait devant ses yeux ressemblait à une silhouette féminine, il s'approcha et le reflet en fit pareil. La forme ressemblait de plus en plus à sa fiancée et l'angoisse augmenta. Hantait-elle tant ses rêves au point de s'imaginer la voir devant un miroir?

Il avança son visage jusqu'à toucher le miroir de son front mais au lieu de rencontrer la surface lisse et froide de la paroi, il sentit une onde légère se former depuis l'endroit du contact. Il recula vivement. Que lui arrivait-il? Cela ne pouvait être une création d'un Mirage. Personne à la Citacielle, hormis Bérénilde, Ophélie, la tante de celle-ci et lui-même, n'était au courant du pouvoir animiste de sa fiancée.

Quelle était cette sorcellerie?

Il baissa les yeux, en proie à une certaine panique, et tata les objets disposés sur une sorte de tabouret faisant office de table de chevet. Il y trouva ce qu'il n'osait espérer trouver: une paire de lunettes. Il la prit des deux mains et eut soudainement des visions supplémentaires au cauchemar qu'il vivait déjà éveillé. Il aperçut d'abord très subrepticement le chevalier en pyjama assis sur le lit lui sourire sardoniquement, puis il sentit une grande confusion d'émotions qui ne lui étaient pas familières. Ces visions stoppèrent quand les lunettes furent posées sur son nez. Cessa également la vue trouble dont il était victime depuis son réveil.

Là, devant lui, se tenait Ophélie, l'œil au beurre noir comme la veille et les cheveux défaits. Il continua son inventaire, debout face au miroir. Petite mais la silhouette bien féminine, les pieds nus et les yeux cernés. Il fronça les sourcils. Ses bras étaient recouverts de contusions qu'elle avait omit de lui signaler lors de leur conversation. Il bougea afin de s'assurer que les gestes qu'elle faisait étaient bien similaires aux siens. Il passa la main dans ses cheveux, sur sa joue, dans sa nuque et l'image reflétée en faisait tout autant. Dans ses mouvements incongrus il se retrouva les deux mains posées sur sa poitrine, il rougit alors violemment et cessa de suite le geste qu'il jugea obscène.

Le regard que lui envoyait l'image d'Ophélie était plein de surprise et d'incompréhension mais également d'une chose qu'il n'avait jamais vu dans ses yeux, une forme de désir ou d'affection. Chose qu'il savait impossible. Il était dès lors témoin de sa propre affection envers elle.

Dans sa tenue débraillée, elle semblait si menue et si fragile. Il lui avait prédit qu'elle ne tiendrait pas l'hiver. Mais, même si elle était sérieusement amochée, elle était bien toujours là, en vie, alors que le printemps arrivait. Mais à quel prix?

Il soupira et prit conscience que si lui se trouvait dans cette situation invraisemblable et très inconfortable, il y avait de fortes chances qu'Ophélie la vive aussi. Il balaya des yeux la petite pièce insalubre, probablement sa chambre de domestique. L'organisation de la Citacielle et le peu d'intérêt que portait Archibald pour son personnel était révoltant. Il ne se priverait pas, le moment venu, de le lui signifier.

Sur le bout du lit était étendu l'unique vêtement disponible, la livrée de Mime Mirage. Il la prit et grimaça. Il aurait voulu se faire une toilette mais sa décence et le respect qu'il vouait à sa fiancée l'empêchait de se dévêtir et de se - ou de la - laver. Il mit son deuxième gant et enfila donc avec réticence l'uniforme qui le transforma immédiatement en Mime. L'effet était, il devait l'avouer, saisissant car rien d'Ophélie ou de Thorn ne transparaissait.

Il s'approcha de la porte, l'entrebâilla et découvrit une partie de la fourmilière des sous-sols de la Citacielle. Comment allait-il rejoindre son intendance sans ses clés et sans pouvoir parler? Il se demanda alors comment elle, elle ferait. Il referma la porte à clé et mit celle-ci autour de son cou.

Il se positionna alors en face du miroir, respira un grand coup et tendit une main vers la surface qui se mit à onduler.

Le thème de cette semaine était: les personnages changent de sexe.

La Passe Miroir Challenge A Fanarts Promise 1.0Where stories live. Discover now