CHAPITRE 20 (NV)

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Jonathan

On était samedi et je n'avais pas vu Kalie depuis le match. Vendredi, on s'était échangé quelques mots seulement, on aurait dit qu'elle m'évitait. Ce n'était pas la première fois qu'elle m'ignorait complètement, mais ça, c'était avant toute cette histoire. Encore une fois, Kalie montrait son côté lunatique. Un jour elle voulait « repartir de zéro » et maintenant elle m'ignorait ? Surtout que le courage pour lui dire la vérité commençait à disparaître.

De toute façon, nous devions aller au restaurant et enfin trouver des réponses à nos questions. Ce dernier avait enfin rouvert ces portes et je compris pourquoi il avait fermé. Une bonne dose de rénovations a été faite. Donc, ignoré ou pas, je la traînerai de gré ou de force à ce restaurant et elle sera bien obligée de me dire ce qu'il se passe dans sa tête.

Il était un peu plus de dix heures quand je décidais de sortir de mon lit. En me levant, je me dirigeai vers la salle de bains qui était bien différente de la mienne. Les couleurs dominantes étaient le rose pâle et le blanc ce qui n'était pas vraiment à mon goût. Le seul point positif, c'était qu'il y avait une douche italienne tout au fond à gauche et juste à côté était disposé le lavabo avec au-dessus un placard qui avait des portes recouvertes d'un miroir de part et d'autre.

Je m'avançai vers ce dernier et me scrutai ou du moins scrutai le visage de Kalie. Je m'amusais à dire que Kalie n'était rien d'autre qu'une fille laide et pourtant en vivant dans son corps pendant tout ce temps, je voyais à quel point elle était naturelle. Sans artifices. Ces longs cheveux bruns étaient très épais, mais très beaux, ils sculptaient son visage à la perfection. Ce dernier était devenu plus pâle, ayant perdu le bronzage de cet été. Ces yeux verts pouvaient transpercer n'importe quelle personne.

Quand je l'énervais, elle adorait me regarder avec ses deux petits yeux et étrangement ils me déstabilisaient. Bien sûr, jamais je n'oserais le lui dire qu'elle avait un quelconque moyen de pression sur moi. C'était un petit constat que j'avais fait à une époque. Quand il était là.

La brosse à dents -neuve- à la main, je repensais aux mots de Kalie en ce qui concernait notre relation et le même sentiment de culpabilité remontait à la surface. Une boule se forma dans mon ventre.

— Pourquoi tu ne m'as jamais aimé ?

Je sursautai à l'entente de cette voix qui n'était pas la mienne puis regardai autour de moi dans la salle de bains. Il n'y avait personne. Qui avait parlé ? Est-ce que je perdais la tête ?

— Hé ho ! Regarde devant toi !

Non, mais dites-moi que je rêve.

En regardant droit dans le miroir, je voyais Kalie, la vraie Kalie. Ce n'était pas mon simple reflet, j'en étais sûr. La question était pourquoi elle était dans le miroir ?

— Que... que... bégayai-je.

— Pourquoi tu ne m'as jamais aimé Jonathan ? Pourquoi tu m'as fait ça ?

J'avais fermé les yeux un quart de seconde et elle avait disparu. C'était quoi ça ? En premier des visions et puis ensuite des hallucinations ? Kalie avait peut-être raison. Rester dans le corps de chacun était nocif pour nous deux.

Mais pourtant, j'étais le seul à avoir eu ces symptômes. Kalie semblait en parfait état malgré l'échange de corps. Encore une fois, la chance lui souriait alors que moi, je m'en prenais toujours plein la poire.

Pour couronner le tout, j'avais ce stupide mal de crâne qui revenait, il me fallait de l'aspirine et vite. Je ne voulais pas avoir des visions sordides pour la troisième fois.

Je me mis à ouvrir la porte de l'étagère pour voir s'il y avait quelque chose d'utile. Il fallait vraiment que tout cela cesse. En fouillant comme un acharné, j'avais enfin trouvé une boîte d'aspirine et en pris deux au cas où. Je remplis le verre d'eau qui était placé à côté du lavabo et espérai que ce mal de tête s'en aille.

Après quelques minutes, la douleur était passée. Il était plus judicieux que je m'allonge pendant un moment avant de sortir. Une main sur mon ventre et l'autre sur mon front, j'essayais de fermer les yeux et de reprendre mes esprits.

Mais rien. Je n'y arrivais pas. L'apparition de Kalie, les visions, tout cela était trop. J'eus la force de me lever et d'aller au moins mettre quelque chose sur mon dos. Après avoir fini d'enfiler un t-shirt blanc et un jean noir, je me dirigeai vers la maison d'en face, en d'autres termes, la mienne. Sonner me paraissait ridicule, et pourtant c'était ce qu'il fallait faire. Après la première sonnerie, Damien m'ouvrit la porte et je ne pouvais m'empêcher de m'agenouiller et de le prendre dans mes bras.

En plus d'être bipolaire, j'étais impulsif.

Il ne comprenait pas, mais ça m'était égal, le fait de voir qu'il allait bien et qu'il était en sécurité était tout ce que je pouvais espérer. Je le lâchai et il arbora sur son visage une expression d'incompréhension.

— Kalie, tout va bien ? T'n'as pas l'air en forme.

— Je vais bien mon grand, je dois juste voir Ka... ton frère.

Je me relevai et entrai dans la demeure avec appréhension. Elle était calme. Trop calme. Le décor m'avait manqué. Mon regard se dirigeait à gauche, vers le canapé. La télé en face était allumée et sur la table traînait de la nourriture et de la bière.

Papa.

— Il est où ton père ? souris-je.

— Chai pas... il est parti ce matin très tôt.

Ce n'était pas dur à deviner. Il ne changera jamais.

— Jonathan est dans les toilettes, il revient, dit-il. Tu peux attendre dans la cuisine ! Prends un tabouret, dit-il, avant de grimper les escaliers.

— Merci bonhomme !

Plutôt que de m'asseoir, je déambulais dans la cuisine, juste pour me remémorer ma vie. Il ne fallait pas que je l'oublie. Je me mettais donc à fouiller les tiroirs, à regarder dans les étagères, comme ci c'était chez moi.

— Kalie ? Qu'est-ce que tu fiches ici ?

Faites que je me trompe, faites que je me trompe !

Mais vu que la chance ne tournait pas pour moi, je ne me trompais pas. La personne qui se tenait devant moi n'était personne d'autre que Victoria.

— Je répète, pourquoi es-tu chez mon petit-ami ?

Rends-moi mon corps ! TOME 1 #Wattys2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant