CHAPITRE 14 (NV)

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Jonathan

Enfin le week-end. Cela faisait un peu plus d'une semaine que Kalie et moi on travaillait sur nos vies respectives. Le coup du restaurant qui demeurait fermé m'étonna un peu, un timing parfait. Même si je ne l'admettais pas aussi facilement devant Kalie, l'attente semblait très longue de mon côté également.

Assis sur la chaise en face de son bureau, j'essayais désespérément de comprendre les maths. Il y avait déjà quelques questions auxquelles la réponse m'avait paru évidente, tout ça grâce à Kalie qui m'aidait de temps en temps.

Aujourd'hui, elle ne se trouvait pas chez elle, enfin chez moi. Elle et Justin étaient partis aux arcades ce qui paraissait normal, aux premiers abords. Deux mecs qui s'éclataient à jouer à des jeux vidéo et allaient manger un morceau, rien de plus normal. Même si c'était moi qui devrais y être.

Quant à moi, je restais cloîtré dans ma chambre n'ayant absolument rien à faire. Cynthia n'était même pas là à cause de son boulot d'infirmère et Tim, le père de Kalie, était tel un fantôme ; on en entendait parler, mais il ne se trouvait jamais là.

Plus le temps avançait et plus mon ennui grandissait. Moi qui croyais que la vie de Kalie allait être une partie de plaisir, je ne me doutais absolument pas ce vide qui régnait chez elle. Maintenant que j'y pense, elle devait passer son temps avec Sydney et revenir tard le soir où elle voyait sa mère.

La différence, c'était qu'il fallait que j'en passe du temps avec Sydney, mais je ne pouvais pas, je trouvais ça trop bizarre. Je suis dans le corps de la meilleure amie de la fille avec qui j'avais passé une nuit. Rien que de me prononcer cette phrase intérieurement me donnait la gerbe.

Au fond, je m'en voulais que Kalie ne sache pas la vérité sur qui était vraiment son amie, mais après est-ce que ce sont mes affaires ? Une partie de moi pense que oui et l'autre non. Je n'ai jamais été proche de Kalie, mais je ne pense pas qu'elle méritait ça.

Je gloussai intérieurement. Depuis quand je me préoccupai de ce que Kalie méritait ou non ? Je n'étais pas du tout la personne adaptée pour juger quoi que ce soit la concernant. Plus je repensai à ce problème et plus je me sentis... coupable.

En chassant mes pensées dures à gérer pour le moment, je me levai puis déambulai dans la chambre. Qu'est-ce que j'me faisais chier. Et si je fais un ptit tour en voiture ? Mauvaise idée, je ne pense pas que ma tête ressemble à celle de Kalie.

Décidément, à part réfléchir et m'énerver, je ne savais rien faire d'autre. Le miroir de la vanité attira mon attention.

— Bordel... murmurai-je.

Est-ce que je m'y ferais un jour d'être dans son corps ? Non. Mais le pire, c'était que sa beauté naturelle avait disparu totalement. Sa peau lisse d'habitude devenait rouge et sèche à cause de la fraîcheur et Kalie semblait prendre très soin de sa peau. Ses cheveux dansaient de partout, ils ne restaient pas en place et étaient sans doute emmêlés.

Mon regard dévia quelques secondes sur le tiroir à moitié entre-ouvert et cela me stressait terriblement. J'essayais de le refermer, mais impossible. Ne voulant pas coopérer, je tirai avec un peu plus de force et réussi enfin à le faire céder.

L'intérieur semblait normal, sans encombre. Je fis passer ma main et cherchai à tatôn ce qui le bloquait. Là, au fond, il y avait quelque chose. Je tirai l'objet et semblait surpris un quart de seconde.

Bien sûr que Kalie possédait un journal intime. Un gros journal intime.

J'allais le reposer quand il s'entre-ouvrit et je pus voir mon prénom. Non, je devais savoir ce qu'elle avait écrit. Mauvaise idée, me cria ma conscience. À ce moment-là, ma curiosité prit le dessus et je l'ouvris. Oui, c'est mal, mais elle n'en saura rien et puis c'était l'excuse parfaite. Je devais savoir la vie de Kalie puisque j'étais Kalie.

Si ça peut soulager ta conscience...

Je l'ouvris donc à la page concernée et promis que c'était l'unique page que j'allais lire. De toute façon, le contenu me paraissait évident ! Des injures à mon égard et elle devait aussi écrire à quel point elle me détestait.

Mes yeux parcouraient les premières lignes, rien de bien intéressant. Elle décrivait sa journée et puis vint le moment où elle me mentionna :

« Aujourd'hui, j'ai discuté avec Jonathan en rentrant des cours. Comme d'habitude, il est toujours aussi sympa, je ne sais pas parler avec lui ne me dérangeait pas, il avait des choses à dire en fait. On n'a pas trop l'occasion de se parler pendant les cours, je ne le vois jamais. Mais c'est pratique qu'il vive à côté de chez moi. Et puis, la chance, il a une bagnole. Et moi alors ? Mes parents me traitent vraiment comme un bébé. En fait, c'est ça qui faisait la différence, il avait l'air mâture Jonathan. Novembre 2015. »

Je tournai la page.

« Cher... Bref, on s'en fiche ! La mère de Jonathan est partie. On les entendait se battre dans le quartier jusqu'à pas d'heure. C'est vraiment pénible et ça doit l'être encore plus pour les deux autres. Damien et Jonathan. Les pauvres... On est à quelques jours de Noel et pas une décoration de mise. D'habitude, ils avaient la maison la plus décorée selon les voisins. Décembre 2015 »

Mes doigts n'obéirent plus à mon cerveau, je tournai une autre page.

« C'est quoi son problème à Jonathan avec moi ? Depuis quelques semaines, il n'arrête pas de me faire des blagues que je ne trouve absolument pas drôles. Selon Sydney, qui aime bien, châtie bien. Elle m'a mis cette idée dans la tête que Jonathan essayait de se rapprocher de moi. C'était le cas ? Et si... Si Jonathan voulait vraiment sortir avec moi, je dirais quoi moi ? Il a déjà une copine, alors il veut quoi de moi ? Janvier 2016 »

Puis une autre.

« Qu'est-ce que... qu'est-ce que j'ai fait pour mériter autant de haine de sa part ?! L'enfoiré. Et dire que je me laissais bercée d'illusions. Il me harcelait et pas pour déclarer une flamme débile. Non, il avait un malin plaisir à me torturer pour rien. D'accord, sa mère est partie, mais pourquoi s'en prendre à moi ?! Ma famille a été un soutien pour lui. Je ne comprends rien. Je l'aime pas. Février 2016 »

« C'est qu'un connard. Jonathan Byler est un connard de première. Si seulement je pouvais le crier sur tous les toits. Il a osé éloigner Lucas de moi. Il a osé lui dire que j'avais une MST. Non, c'est un cauchemar... J'en ai marre de lui. Je veux m'en aller. Avril 2016 »

C'était la dernière page que j'ai lu. Elle possédait des parties plus sèches que l'autre et l'encre était effacée, comme si on avait versé de l'eau dessus. Ou pleurer. Une boule se forma dans ma gorge. J'avais été illogique et cruel envers elle, même si le dernier point mentionné dans son journal n'était pas vraiment une erreur de ma part. Mais lui révéler toute l'histoire serait admettre des choses trop confuses pour le moment.

La façon dont elle me voyait à son arrivée et la façon dont elle me voyait maintenant avait changé à quatre-vingt-dix degrés. Je savais que c'était ma faute, mais je devais être encore trop con pour l'admettre. 

Rends-moi mon corps ! TOME 1 #Wattys2020Où les histoires vivent. Découvrez maintenant