Il pleut, l'air est gris. Le ciel est morne. Dehors, les passants toussent. Le claquement de leurs pas résonne déjà au loin. Un lampadaire grésille, quelques fenêtres de bureaux sont restées éclairées toute la nuit. Une chaussure solitaire a été abandonnée dans le caniveau et recouverte de givre. Je n'y prête que peu attention. Le silence m'asphyxie alors que je longe les trottoirs éventrés par les travaux. Je marche en ligne droite, le long des bâtiments, j'ai encore trop peu dormi la nuit dernière, trop occupée à penser. Mes cheveux sont gras à en faire des tartines. Des courbatures semblant venir de parties de mon corps ne possédant pas de terminaisons nerveuses me font une démarche saccadée. J'ai l'oeil qui tremble, un peu hagard au petit matin. Le vent souffle un peu, juste assez pour avoir froid. Je ne sais pas où je vais. Je ne prends pas une simple ligne de bus en direction du travail, je ne vais nulle part. Mais tout en restant en mouvement. Mon cerveau s'évade dans le ciel, mes yeux scrutent le trottoir. Les oiseaux se sont brisé les ailes sur les vitres des gratte-ciels. Je peux lire les augures à même le sol sur les pavés de la ville. Deux mésanges et un rouge-gorge aujourd'hui. J'y vois une sorte de fin du monde. Une fin tacite.
Les immeubles bougent, le mondes'éveille. La boite aux lettres du coin de la rue chante en espagnol. Les cailloux rampent le long de mes jambes, effacent mon engourdissement. La pluie me brûle pendant que les passants tentent de se cacher sous les plaques d'égout. Les voitures crachent du lave glace bleu turquoise et le parsèment dans le ciel. Leurs pots d'échappements sentent la guimauve. Des bulles courent après le métro, s'éclatent sur les portiques. Il pleut toujours. Mes cheveux tombent, et laissent la place à des fleurs sur ma tête. Le vent essaye de jouer aux billes avec mes yeux. Deux arbres me tendent un tract, que je refuse. Les routes tournent sur elles-mêmes. Mon portable envoie des SMS. Il s'est installé sur un banc pour mieux écrire. Et il pleut.
Ce soir, les grenouilles danseront dans nos assiettes. Elles nous riront au nez puis essayeront de nous manger.
C'est là ma malédiction. Tout ce que j'ai conté, sans relâche trouble mes nuits avortées. Ce soir encore, tout va recommencer. Je le sens déjà. Il est minuit. Il pleut, l'air est gris.
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Introspection random
PoetryUn ensemble de poèmes entassés, un peu comme dans ma tête...
