19. Fronde

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Il y a une fronde dans la salle-à-manger. Ce n'est plus simplement un refus, et ce n'est pas encore une émeute.

Seulement deux enfants, assis l'un à côté de l'autre, bras croisés, et refusant de manger leur plat préféré (un gratin de pâtes dont la proportion crème et fromage ferait faire un arrêt cardiaque au moindre nutritionniste)

Bon il faut avouer, le gratin, la crème entière, le fromage, c'était déjà une offre de paix. Ou un pot de vin.

Simplement cela ne fonctionne pas.

« Allez les enfants, on va être en retard... »

Les valises sont dans l'entrée, le train part dans deux heures, ça va être compliqué mais tout peut être rattrapable.

« On n'ira pas chez tonton. »

Soupir des parents. Aucun des deux bambins n'a parlé, mais le message est clair.

« C'est chez lui qu'on fête Noël aujourd'hui. Tous ensemble... »

Les mots de trop.

L'aîné hausse un sourcil. Le plus petit explose : « C'est pas vrai ! On sera pas tous ensemble ! Vous avez dit qu'Antoine serait pas là et c'est pas juste ! »

« Antoine et son père ont des problèmes mais il est chez un copain ! »

« Même pas vrai d'abord. »

Les bras se croisent à nouveau, et le mutisme reprend.

Papa soupire à nouveau, ses épaules s'affaissent.

Maman a déjà son portable en main.

Ils le savaient déjà que cette fronde ne pouvait pas être abattue. Ils ont trop bien élevé leurs enfants.

« Bon, Raphaël, je sais que tu parles avec Antoine sur whatsapp. Appelle-le, il viendra ici pour Noël. »

Papa enfile son manteau. Serait-il assez têtu pour aller quand même à la gare et rejoindre son frère sur Paris ?

Quand le plus petit le regarde avec l'air d'un inquisiteur de cinq ans, papa rassure : « On n'a pas fait de sapin, puisqu'on ne devait pas être là. Tu viens m'aider à le choisir ? On prendra un cadeau pour Antoine aussi. »

Maman finit par envoyer un message à son beau-frère.

Elle est soulagée aussi.

Ça fera râler dans la famille, mais tant pis.

De Silvie : Nous avons raté le train...

Elle efface, reprend.

De Silvie : nous passons Noël avec Antoine. Si tu n'es pas capable d'accepter ton fils et préfère le virer de chez toi, c'est ton problème.

Elle est fière de ses enfants, moins d'elle-même. Au moins ils pourront un peu se rattraper.

Writober 2019Where stories live. Discover now