[Catastrophe chimique à Rouen - 2/4] Reine des cendres

Depuis le début
                                    

Comment pourrait-il en être autrement ? On nous a menti éhontément pour Tchernobyl et son fabuleux nuage qui passait pas la douane. On nous a menti pour AZF. On nous a menti, en 2013, pour la fuite de mercaptan chez Lubrizol (toujours le même, oui) dont l'odeur avait incommodé jusqu'à nos voisins anglais.

On nous ment systématiquement, c'est un fait. À ce stade, ce n'est pas crier à la conspiration, c'est juste faire état d'un mode opératoire testé et approuvé par la classe politique depuis des décennies.

On nous ment, en toute tranquillité, en nous disant que les fumées ne présentaient pas de grave danger pour la santé à long terme.

En même pas quelques heures, le préfet avait déjà eu le temps de boucler une batterie complète d'analyses poussées pour nous affirmer que tout va bien.

Le temps d'écrire un chapitre de Les Carmidor, ce type peut nous garantir que la fumée n'est pas dangereuse sur le long terme. Je suis presque déçue qu'il ne nous ai pas dit qu'elle était même très bonne pour les troubles respiratoires.

"Les analyses n'ont pas révélé de toxicité aiguë", qu'il disait. Là comme ça, c'est rassurant, mais si on se penche sur ce que cela signifie, on se rend vite compte que la toxicité aiguë, cela signifie prendre une respiration dans un gaz et mourir sur-le-champ.

Je confirme, je suis toujours vivante. Donc, tout va bien ?

Mais alors qu'enfin, le feu semble maîtrisé et que le panache de fumée s'estompe, vient la pluie.

La pluie noire.


Jeudi 26, vers 15h

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Jeudi 26, vers 15h

Je lève les yeux vers un ciel presque dégagé. La fumée est plus claire, moins dense, elle finit presque par se fondre avec le ciel couvert.

Je fais un tour sur Twitter et sur les actualités. "Le feu brûle toujours, mais il est circonscrit". Les matières dangereuses ont, selon nos sources si fiables, été mises à l'abri. C'était sûrement des palettes et des cures-dents qui brûlaient, jusque là.

Je n'avais jamais vu un feu de palettes aussi noir. Gilets jaunes, prenez-en de la graine !

Pourtant, alors que le ciel semble s'éclaircir, le réseau de transport en commun annonce, après une matinée à maintenir son service, que tous les bus et les métros s'arrêtaient jusqu'au lendemain. Les usagers sont en colère : comment rentrer, désormais ? Les transports avaient amenés ceux qui n'avaient pas d'autre alternative que d'aller travailler, et maintenant, ils n'ont aucune de solution pour rentrer.

Sauf à parcourir plusieurs kilomètres, à pieds, dans une ville encore couronnée de panaches toxiques.

Le préfet se désolidarise de cette décision. Non pas parce que cela condamne des gens à se confronter à un extérieur gravement pollué, mais parce qu'il "ne comprend pas cette décision que rien ne justifie".

Vie d'autrice - RantbookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant