[Catastrophe chimique à Rouen - 1/4] Le jour où tout a explosé

355 51 76
                                    

Si vous lisez ces lignes un peu par hasard, voici le contexte : le 26 septembre 2019, dans la nuit, un spectaculaire incendie s'est déclaré dans une usine pétrochimique de Rouen. Je vis à Rouen, en centre-ville, à 2 km de ladite usine. Un colossal panache de fumée toxique s'est élevé dans le ciel et la population s'est calfeutrée, dans l'attente d'informations qui ne sont pas venues.

On dirait le scénario d'une nouvelle série apocalyptique. Pourtant, il n'en est rien, et les lignes ci-dessous racontent une histoire vraie. Mon histoire.

Pas l'histoire d'une héroïne, mais celle de l'une des victimes d'une décision de merde, prise par des gens plus soucieux de leurs portefeuilles que de la vie humaine. La trame classique de l'injustice sociale comme vous la vivez vous-mêmes tous les jours, parfois même sans en avoir conscience.

Une usine classée Seveso seuil haut en raison des produits très dangereux qu'elle y traite, entourée par des quartiers résidentiels abritant des dizaines de milliers de personnes, on se doute que c'est bancal. Les Rouennais s'en doutaient.

Mais comme vous tous, on a beau savoir qu'une usine pétrochimique en centre-ville, ça fleure l'idée de merde, on est surtout pris par notre quotidien et on n'imagine pas vraiment que les choses puissent déraper.

Le dérapage, pour nous, ce fut jeudi 26 septembre, vers 3h du matin.

Note pour ceux qui liront ces lignes : raconter mon histoire ne me fait pas perdre mon sens de l'humour. Vous avez le droit de réagir comme vous le désirez, vous avez le droit de voter sans que ce soit pris comme un "oh trop chouette, vite, la suite, la suite ! C'QUAND QU'Y'A DES MORTS LÀ ?", mais plutôt comme un "OK, j'étais là, j'ai lu ton témoignage : maintenant, je sais". Témoigner, c'est participer à la transmission de la vérité dans son ensemble, et c'est important.

 Témoigner, c'est participer à la transmission de la vérité dans son ensemble, et c'est important

Oops! This image does not follow our content guidelines. To continue publishing, please remove it or upload a different image.

Jeudi 26, aux alentours de 7h30

Sans surprise, je suis en retard. Je sors de ma douche, vacillante, un violent mal de crâne qui me vrille les tempes pour me rappeler que je n'ai plus 20 ans et que désormais, les cuites au vin rouge, ça s'assume dans la douleur.

Je meurs de faim, je suis encore alcoolisée, mais je m'active pour aller au boulot : c'est ça, être adulte.

Comme tous les matins, je jette un œil à mes notifications Wattpad, puis je check la conversation Messenger avec mes collègues co-voitureurs. L'un d'eux demande à notre conductrice si "[elle] ne va pas avoir du mal à passer". Je pense à des bouchons, mais l'heure m'étonne : Vio ne part jamais aussi tôt de chez elle (et heureusement, parce que mes cheveux dégoulinent encore). Par précaution, je passe la vitesse supérieure.

Et soudain, en tournant la tête vers ma fenêtre, je réalise qu'un énorme nuage noir masque la lumière du ciel.

Sur le coup, je n'ai pas eu peur. La ville allait bien, vous voyez ? Rien n'avait explosé, les rues n'étaient pas pleines de gens paniqués : il n'y avait rien d'autre qu'un énorme nuage de fumée.

Vie d'autrice - RantbookWhere stories live. Discover now