Chapitre 38

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Il ne m'a pas vu, il semble perdu dans ses pensées. Quant aux miennes, elles ne savent plus où donner de la tête. La douce fraîcheur de l'endroit n'enlève en rien la chaleur qui s'immisce dans mes pommettes.

La scène me faisant face me laisse sans voix. Les reflets fluorescents des lucioles luisent sur son buste dénué de tissu. Je devrais rester concentré sur son expression vague, mais les gouttes d'eau perlant sur sa peau captent toute mon attention.

— Keira ?

Je sursaute et relève la tête brusquement pour tomber dans son regard surpris. Confus par la suite, ses yeux clignent à plusieurs reprises ; comme s'il réalisait que j'étais bien devant lui.

— Je... Je... Je suis désolé, je ne pensais pas que tu prenais ton bain, je... Je te laisse finir.

Je me précipite vers la sortie mais sa demande de rester fige mes pas. Je n'ose plus me retourner pour le regarder en face. Je n'aurais pas dû venir, j'ai envahi son espace personnel.

— Tu voulais me voir ?
— Non, enfin, oui, je voulais savoir comment tu allais.

Il ricane en douceur avant de s'amuser de la situation :

— Je crois que dans le monde normal, si des personnes veulent se parler, elles se font face, non ? Ça fait quoi de parler au vide ?
— Je ne parle pas au vide je te parle à toi.
— Pourtant je suis derrière toi. Je te pensais plus poli que ça.

Comment ose-t-il ? Outrée, je fais volte-face mais manque de trébucher face à un Peter sorti de l'eau – dégoulinant, entouré d'une serviette nouée à la taille. Mon Dieu ! Mais qu'est-ce que... Prise de panique je me détourne de lui le cœur battant. C'est la première fois que je vois un buste masculin d'aussi près... Pourquoi suis-je à ce point troublée ? Je ne devrais même pas y faire attention, pourtant mon esprit n'arrive pas à se défaire de cette image.

— Tu peux t'habiller s'il te plaît ? Non, je vais y aller. Je t'attends dehors.

Alors que j'essaie de m'enfuir à nouveau de cette grotte suffocante, Peter me retient par les épaules et me tourne face à lui. Un sourire satisfait étire ses lèvres lorsqu'il reprend la parole :

— Je t'ai dit de rester. Tu voulais me dire quoi ?

Plusieurs choses. Par quoi commencer ? La bataille sur le bateau ou la bataille avec son frère ? Le plus important semble être le deuxième sujet. J'inspire un bon coup avant de me lancer.

— Qu'en est-il de Thomas ? Il était différent, ses yeux, son expression semblait vide, il débordait d'une rage comprimée depuis des lustres. Que s'est-il passé lorsque nous sommes partis ?

Le regard assombrit et le visage déformé par l'amertume, il s'adosse à la façade rocailleuse dépourvu de lucioles.

— Je ne sais pas ce qui lui est arrivé... Lorsque nous étions sur le bateau de Crochet, avant ton arrivée, il s'est interposé entre Dan et moi, mais ça n'a pas empêché qu'il me tire dessus.

— Dan ? Mais je ne comprends pas, c'est un Garçon Perdu alors pourquoi te voulait-il du mal ?

— Dan a toujours préféré Thomas. Il le soutenait quel que soit ses décisions. Même quand Thomas a commencé à tuer les autres garçons, il était pour. Il trouvait que c'était la meilleure option, que c'était un honneur de mourir au Pays Imaginaire. Il détestait aussi les filles, pour lui c'était une distraction qui nous déviait du droit chemin. Les rares fois où il y en avait une, elle se retrouvait entre Thomas et moi, et ça le rendait fou. Pour lui ça brisait l'harmonie qui avait été établie. Pour ce point il avait raison, mais sa colère était démesurée. Et quand Thomas a été enfermé sur la montagne il m'en a beaucoup voulu. Il ne le savait pas, mais je savais qu'il cherchait un moyen de le libérer, malheureusement pour lui c'était impossible. Mais une fois Thomas libre, il l'a retrouvé et a voulu m'éliminer, car pour lui j'ai toujours été la menace, celui qui créait tous les bouleversements qui le dérangeaient. Sur le bateau, Thomas essayait de le calmer mais rien à faire, il m'a tiré dessus ; c'est là que tu es arrivée, tu connais la suite.

L'Ombre de Peter (Pause / Réécriture)Where stories live. Discover now