April Lady

10 A Night At The Opera Tour

[ 27 Janvier 1976 ]

Nous venons tout juste d'arriver aux États-Unis afin de poursuivre notre tournée, à vrai dire, nous avons atterri hier, aujourd' hui est notre première date de concert. Jim Beach, notre manager, que Freddie a rebaptisé Miami, nous demande de venir dans les coulisses. Il nous dit qu'il a une nouvelle équipe à nous présenter pour s'occuper de nous. Il nous fait faire la connaissance de nouveaux techniciens.
" Et une dernière chose, voici votre nouvelle assistante, Donna Wright. "
La jeune fille s'approche timidement sans lever les yeux vers moi. Je me decompose, et Brian en fait de même, lorsqu'il entend ce nom. Freddie, qui est au courant de la situation mais ne connaissait pas son prénom, se montre aussi accueillant que d'habitude.
" Bonjour Darling, on est vraiment ravis de faire ta connaissance et de travailler avec toi ! "
Il l'enlace et Deaky en fait de même. Nous approchons donc tous pour la serrer dans nos bras chacun notre tour. Je me sens tendu à l'idée de l'avoir contre moi. Notre contact est très bref et froid, je me dépêche de retourner à mes occupations pour ne plus l'avoir trop proche de moi. Je me demande comment je vais faire pendant la tournée, et je cherche déjà des solutions pour la croiser le moins possible.

Je me prépare dans les coulisses, la porte s'ouvre et se referme aussi vite, je suis sur mes gardes mais il s'agit simplement de Brian. Il me regarde, tout affolé.
" Rog, ne me dit pas que c'est elle…!!
- Si c'est elle ! Putain pourquoi faut que ce genre de merdes m'arrive !? "
Nous essayons de relativiser.
" Par contre…elle est vraiment très mignonne. "
Dit le guitariste. Je hoche la tête, un peu fier,mais actuellement, le physique de Donna est bien le cadet de mes soucis. J'installe ma batterie avec John, qui remarque que je suis tendu, j'essaie de lui faire croire qu'il s'agit du trac, mais il n'est pas dupe et se doute bien qu'il y a quelque chose. Cependant, il ne me questionne pas plus, ce qui m'arrange. Je fais la balance de ma batterie et pars me préparer pour le concert, espérant que le temps passe vraiment vite. Je vais dans les loges et me retrouve vite seul, alors que les garçons partent faire les réglages sur scène à leur tour. La petite brune est là, en train de s'affairer à faire je ne sais quoi.

J'essaie de faire comme si elle n'était pas là, mais je détourne parfois mes yeux pour les poser brièvement sur elle, si bien qu'à un moment, nos regard se croisent. Nous changeons directement de centre d'intérêt, gênés. Bordel, comment un truc pareil peut se produire !? Il n'y avait clairement qu'une chance sur des milions pour que ça arrive. Je me concentre sur mon reflet dans la grande glace des loges, je surprend une des oeillades discrètes de Donna, j'essaie d'ignorer et de m'occuper de ma tête, je ne sais pas encore ce que je vais faire de mes cheveux, si j'essaie de les faire ressembler à quelque chose ou si je leur laisse leur aspect décoiffé limite sauvage. Je prends un peigne lorsque j'entends derrière moi une voix complètement insensible :
" Tu devrais les laisser comme ça, ils sont très bien. "
Je sais que c'est elle qui s'est adressée à moi, et pour une raison que j'ignore, je prends son avis en considération, et décide de simplement passer mes doigts dans ma chevelure un peu en bataille. Je regarde vers elle et nous échangeons une sorte de demi-sourire.

Je me lève, complètement prêt, je laisse la place aux autres, il ne reste plus qu'une chose à faire, j'entends Freddie chanter des vocalises dans l'autre pièce, et je lui reponds avec d'autres vocalises, c'est nécessaire que nous echauffions nos voix. Nous montons enfin sur scène, tout est prêt et nous sommes tout juste à l'heure, j'ai clairement envie de donner le meilleur de moi-même ce soir, le public est en délire et on a clairement toute son attention. Je veux remplir mon rôle à la perfection. Je chante de tout mon corps et m'investis à 100% derrière la batterie, Brian Freddie et Deaky sont aussi excellents ce soir. Le concert est tout juste exceptionnel, il n'y a pas de doute possible. Je sens que l'on me fixe, je veux dire, il y a beaucoup de personnes qui me fixent dans la foule, juste devant moi, mais là, je sens que le regard vient de ma droite, des coulisses. Je regarde, je crois qu'il s'agit de notre petite assistante, nous nous sourions légèrement et je me remets à fond dans mon jeu. Je crois que je suis toujours en colère après ce qui s'est passé, mais je comprends maintenant, avec un peu de recul.