7 Londres

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Je m'endors, c'est comme ça que j'ai décidé de passer le reste de la tournée hors des spectacles. Je fais la sieste toute la journée, la nuit je joue, et j'évite de boire et de me laisser aborder. Ça commence à aller un peu mieux, je suis un peu redescendu, j'ai freiné sur la consommation de clopes, et j'ai décidé de partager ma chambre avec Brian, comme ça je suis sûr que je ne pourrai pas ramener de fille. Même si j'ai envie de me laisser tenter, on ne sait jamais, je m'impose des limites, pour être sûr de ne pas recommencer à faire le con. Nous sommes à Barcelone, et ce soir ( le 13 décembre 1974) est notre dernier concert de l'année. Je sais que je dis toujours que je suis bien partout sauf chez moi, mais en réalité, j'ai plutôt hâte d'arriver à la maison. Nous commençons tous à manquer d'énergie, et même si l'on est vraiment heureux que tout marche incroyablement  bien pour notre groupe, on est aussi contents de rentrer et d'avoir deux mois pour faire une pose. Une fois le concert terminé, nous prenons immédiatement l'avion pour rentrer en Angleterre, les valises sont déjà faites et il n'y a plus qu'à embarquer. Nous en avons pour moins de deux heures de vol, mais je vais quand même tenter de me reposer, de nuit, c'est plus facile. Cette fois, je suis à côté de Freddie. On s'assoupit comme deux idiots, à moitié affalés l'un sur l'autre.

On nous annonce notre atterrissage éminent, ce qui nous réveille. Nous sommes de retour chez nous. Nous descendons de l'appareil, encore tout fatigués, je ne fais pas trop attention à ce qui se passe autour de moi, mais j'ai l'impression qu'il neige, et à côté de l'Espagne, il fait vraiment très froid. Lorsque nous sortons de l'aéroport, je réalise qu'il ne neige pas simplement, tous les toits et trottoirs sont recouverts d'un joli menteau blanc, plus ou moins épais. Les routes sont dégagées, mais brillantes à cause du verglas, et de la fumée s'échappe de presque toutes les cheminées de la ville.
Malgré la température, je décide que je n'ai pas besoin que l'on me ramène chez moi, je vais rentrer tout seul. Je marche, les mains dans les poches, sentant les flocons de neige tomber sur mes cheveux. J'ai besoin de penser un peu, je n'arrive toujours pas à croire que j'ai autant abusé pendant la tournée, franchement, j'ai failli ne pouvoir rouler qu'au joint, pendant quelques soirs, c'était pas mal, mais j'étais vraiment fatigué.

Soudain, je réalise que je suis juste au coin de la rue où habite Donna, il est tard, mais avec un peu de chance, elle sera toujours réveillée, et peut-être qu'elle sera contente de me voir. Alors je prends la direction de sa maison, sans vraiment me poser de question, je repense à son petit visage d'ange, son joli visage d'ange et ses longs cheveux bruns. Je ne suis plus qu'à quelques mètres de chez elle, et je vois de la lumière à ce qui doit être la fenêtre de sa chambre. Elle ne dort pas encore ! Je suis ravi de voir ça, je m'imagine déjà la prendre dans mes bras et lui raconter comment ma tournée s'est déroulée, enfin sans les pires parties, évidemment. Je la vois déjà me sourire et me regarder avec ses grands yeux brillants, parfois, j'ai l'impression qu'elle sort tout droit d'un rêve. Je me précipite vers la porte d'entrée et frappe avec entrain sur le bois, j'attends impatiemment qu'elle m'ouvre. J'entends du bruit, et on m'ouvre enfin, mais j'étais loin de m'imaginer que ce que je vis allait m'arriver. C'est un garçon qui m'ouvre, un jeune homme brun, plus grand que moi, baraqué, et peu habillé. La jeune fille arrive derrière lui en courant, en nuisette. Elle me voir et a l'air paniquée.

" Roger ! Je…!
-Non ne t'inquiète pas c'est bon, bonne soirée. "
Je remets mes mains dans mes poches et tourne les talons, m'éloignant, dos tourné, de la maison, j'entends que la porte se referme violement derrière moi. Je suis fou de rage et je sens la colère faire couler le sang à toute vitesse dans mes veines, je le sens même me brûler, mais plutôt que de m'emporter, crier et frapper quelque chose, comme j'ai l'habitude de le faire, je garde tout pour moi. Je boue complètement de l'intérieur. Je ne comprends pas, je me sens très énervé et je me pose un tas de questions, je n'ai plus envie de rentrer chez moi, et je sais que je vais errer toute la nuit, heureusement que c'est Brian qui a ma valise, je me voyais mal la traîner avec moi pendant des heures. J'essaie de souffler, je me laisse tomber sur les marches d'une bibliothèque, je m'asseois et mets ma tête entre mes mains.

April LadyWhere stories live. Discover now