Those Ocean Eyes [FR]

Chapitre 17

- Pourquoi tu m'aides alors que tu me détestes ?

Elle avait laissé échapper ses mots hors de sa bouche sans la moindre volonté de les retenir. Le visage contre la vitre de la voiture, le regard perdu devant elle, regardant la route défiler à mesure qu'ils fuyaient vers la banlieue lointaine de Londres, elle se demandait, depuis qu'elle était entrée dans le véhicule, pour quelle raison Tom Sutton, l'homme qui l'avait renvoyé sans le moindre égard pour son bon travail effectué, s'évertuait désormais à la sauver d'une situation dans laquelle il ne risquait finalement pas grand-chose s'ils demeuraient tous deux silencieux. Alors elle avait posé la question qui la taraudait tant et elle avait arrêté de le vouvoyer. C'était auparavant une marque de respect pour cet être qui était jadis son patron et qui n'est maintenant plus que... Quoi exactement ? Un homme qu'elle avait sauvé du froid glacial deux nuits ? Elle avait besoin de se positionner par rapport à lui. Par rapport à eux.

- Je te ne déteste pas, finit par laisser échapper Tom, sans se tourner vers elle, concentré sur sa conduite. Je t'aime même plutôt bien.

Il sourit mais ne voit pas les deux sourcils de Joanne se hisser très haut vers son front. Comment ça, il « l'aimait plutôt bien » ?

- Tu m'as tiré de biens des mauvais pas, continue-t-il en prenant une sortie. Tu m'as aidé quand j'en avais besoin et c'est à mon tour de t'aider. Une sorte de... Loi du Talion. Œil pour œil, dent pour dent. Vois ça comme un juste retour des choses.

Elle ne répond pas tout de suite, pensive. Elle se passe la langue sur sa lèvre inférieure, ne sachant pas trop penser d'une telle déclaration. Il est si différent du premier Tom qu'elle a rencontré et ce, depuis leurs retrouvailles inattendues à Londres, dans le bar de Clara. Comme s'il y avait eu un Tom avant, en France, et un Tom après la rupture avec Amanda, de retour en Angleterre. D'ailleurs, si on ne lui avait pas raconté les potins, elle n'aurait jamais parié sur une relation entre les deux acteurs. Elle avait eu l'impression que l'amour n'était allé que dans un sens...

- Tu n'as pas été tendre avec moi, en France, dit-elle finalement, sur le ton des reproches. Tu as même été un sacré idiot.

« Idiot » n'était pas réellement le mot qu'elle avait en tête mais elle se trouvait dans sa voiture, avec lui au volant et aux commandes, traversant une ville qu'elle ne connaissait pas. Elle ne voulait pas prendre le risque de le froisser, voire de le vexer, et qu'il se venge à l'abandonnant à son sort au milieu de nulle part.

- C'est juste qu'il y a tellement de jeunes qui veulent faire ce métier. Et ils ne se rendent pas compte de la merde que ça peut être, explique-t-il durement. C'est vraiment un beau métier de merde. Tu crois que tout va être rose, que la célébrité s'acquiert facilement et que c'est le but de toute une vie mais non, loin de là. Très vite, tu souhaites ne l'avoir jamais connu. Les journalistes qui te suivent. Les voyages dans tous les recoins du globe pour les tournages, la promotion des films, l'éloignement de ta famille... Le sentiment que chaque personne qui s'intéresse à toi ne veut en réalité que se servir de ton nom ou de ton argent pour obtenir sa propre gloire. Vraiment, je ne souhaite ça à personne.

- Alors, pourquoi tu ne te retires pas ? demande la jeune femme sur le ton de l'évidence. Si tu ne vois que les mauvais aspects et que tu ne supportes plus.

- Pourquoi tu veux faire ce métier, Joanne ?

Il la prend de court et elle s'interrompt dans ce qu'elle voulait dire, refermant la bouche. Elle n'avait jamais formulé à voix haute, en sa présence en tout cas, le désir de devenir actrice. C'était le genre de pensées qu'elle réservait à son journal ou à certaines personnes de son entourage - même si la dernière à qui elle s'était confiée l'avait trahi. Elle le regarde donc, un peu bête, demeurant silencieuse. Il ne pouvait se tourner vers elle mais elle sentait qu'il attendait une réponse. Une réponse qu'il connaissait déjà.