Chapitre 4

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Les fins de vacances ont toujours ce drôle de parfum, celui du regret mêlé à une étrange mélancolie, une nostalgie. Le dernier vendredi au camping est le dernier pour tout le monde, familles comme équipe d'animation. Sur le terrain de football, Joanne regarde avec un sourire triste les enfants jouer à la balle au prisonnier. Pour cette journée particulière, elle a tenu à leur laisser le choix de leur activité de l'après-midi. Et alors qu'elle reste debout à les observer courir de chaque côté du terrain en graviers, elle se remémore les souvenirs de l'été qui viennent de s'écouler. Mine de rien, elle s'est beaucoup attachée durant ces deux derniers mois, que ce soit aux vacanciers ou aux membres de son équipe. Même Deborah, curieusement. Mais le manque le plus blessant est celui de Louise. Deux jours après la découverte de sa trahison, elle reste toujours sans nouvelles d'elle. Pas un message, pas un appel, rien du tout. Seulement des souvenirs teintés d'une amertume qui a du mal à passer.

Elle s'était jurée de ne plus s'attacher à quelqu'un, raison pour laquelle elle avait été très réticente à l'idée d'entamer cette relation sans attache, juste pour le plaisir. C'était ce qu'elles s'étaient dit. Et voilà où cela les avait mené. Joanne croise ses bras en grimaçant. Sa poitrine lui fait mal, son cœur brisé crie à l'aide. Il la supplie de le laisser tranquille, au moins quelques mois. Elle lève les yeux au ciel pour empêcher les larmes qui viennent de lui monter de couler sur ses joues. Elle ne veut pas alerter les enfants ni les inquiéter.

- Allez, c'est l'heure ! Il faut ranger ! fait-elle en tapant dans ses mains.

Cinq heures de l'après-midi viennent de sonner et cela lui permet de se soustraire à ses pensées noires. Elle indique aux adolescents et enfants le carton où ils rangent tous leurs chasubles dans un joyeux remue-ménage avant de les autoriser à se disperser dans le camping pour retrouver leurs familles pour une dernière soirée. Au moment où elle prend le carton dans ses bras, la plupart des petits vacanciers déjà partis, elle sent une petite main tirer sur son short. Elle baisse le regard pour croiser celui d'une petite fille aux beaux yeux bleus, la petite Elise.

- Je pars ce soir, dit-elle ce soir. Maman m'a dit que je pouvais te faire un câlin, tu veux ?

- Oh ma puce, bien sûr.

Emue, Joanne pose immédiatement son carton au sol et s'accroupit en ouvrant ses bras. La petite fille s'y enfouit et son parfum de bébé l'enivre. Elle la serre contre elle. Deux semaines que l'enfant était au club et elle était de toute évidence une de celles qu'on remarque par sa gentillesse et sa curiosité. C'était vraiment quelqu'un qui allait lui manquer, au moins pendant un temps. Le métier d'animatrice était dur pour cette raison : on croise tellement de personnes formidables et mémorables qu'on finit toutes par les oublier, unes à unes. Mais les souvenirs, quand ils se décident à refaire surface, sont les plus doux qui soient.

- Tu seras toujours aussi gentille quand on se reverra ? demande l'enfant au creux de son oreille. Je reviens l'été prochain.

- Oh ma puce, répète Joanne, un sanglot dans la voix. Je ne serai pas là l'année prochaine.

Elle se recule pour regarder la petite fille dans les yeux. Elle lui sourit, essayant de passer outre les larmes qui menacent.

- Mais oui, je te promets d'être toujours gentille, lui dit-elle en lui prenant la main. Et toi, tu me le promets aussi ?

L'enfant hoche de la tête. Son animatrice la prend une dernière fois dans ses bras avant qu'Elise ne se décide à retrouver ses parents, qui l'attendent à l'entrée du parking. De loin, Joanne répond à leur signe de la main et à leurs sourires, puis elle se baisse pour reprendre son carton plein de chasubles dans les bras. Elle se rend ensuite à la laverie pour les mettre dans la machine. A partir de là, elle ne les reverra plus et cette bête pensée la rend toute chose. En sortant de la pièce, elle croise encore quelques parents qui la remercient pour son bon travail, des enfants la serrent dans leurs bras et puis, ils reprennent déjà la route. Le soir, au barbecue organisé par la directrice, très peu de personnes sont encore présentes. Tout prend une nouvelle saveur et elle finit la soirée en larmes quand elle reçoit de nouveaux remerciements de la part de tout le monde.

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant