Chapitre 16

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La nuit est assez agitée, l'alcool faisant travailler son foie plus que de raison. Elle passe donc une partie de son sommeil à moitié éveillée, des rêves très sombres venant la perturber. Fort heureusement, elle ne travaille plus, elle n'a donc plus besoin de mettre un réveil pour sortir du lit à cinq heures du matin. Tout son corps malade et fragile se satisfait de cette chance : elle l'étire de tout son long, faisant craquer les os de sa colonne vertébrale avec délice. Puis, après quelques étirements dans tous les sens, elle redevient molle, le visage collé sur l'oreiller, lourd et endormi. C'est le paradis, songe-t-elle en soupirant d'aise. Elle replonge dans un sommeil réparateur, souriant déjà à l'idée de pouvoir lézarder aussi longtemps qu'elle le voudrait, quand la sonnette de l'interphone de son immeuble résonne dans son petit appartement. Le bruit strident lui vrille les tympans, la faisant grogner de mécontentement. Pensant pouvoir s'en échapper aussi facilement, elle se cache sous la couette. Avec un peu de chance, la personne perdra patience et finira par partir, la laissant tranquille. Quelques secondes passent et la sonnerie s'arrête. Rien d'autre que le silence envahit désormais son petit studio. Elle l'a échappé belle, elle peut désormais repartir. Il n'est pas encore six heures. Peut-être qu'elle dormira jusqu'à midi, avec un peu de chance. Elle se tourne de l'autre côté de son lit, là où les draps sont frais et agréables, quand la sonnerie retentit à nouveau. Elle rouvre les yeux, cette fois très agacée. Elle ne pourra pas y échapper cette fois et si elle ne répond pas mais que son visiteur persiste, elle va se faire taper sur les doigts par ses voisins.

- Fait chier ! jure-t-elle dans sa barbe en rejetant ses draps et en sortant ses jambes du lit.

Très peu contente d'être tirée ainsi de son repos qu'elle estime avoir grandement mérité, elle se lève en traînant les pieds et se tenant la tête, encore douloureuse après la soirée de la veille. Il fait nuit noire à l'extérieur et elle ne distingue rien avant que ses doigts ne trouve l'interrupteur de sa petite lampe de chevet. Son chemin s'éclaire mais elle papillonne des yeux tant la luminosité soudaine est douloureuse. Elle arrive près de sa porte et décroche le combiné et appuie sur le bouton qui déverrouille la porte du bas, sans même demander à l'interphone l'identité du malotru qui vient la déranger, et elle retourne déjà vers son lit avec l'espoir que ce n'était qu'un voisin ayant oublié ses clefs. Mais trois coups secs à sa porte réduisent à néant cet espoir qu'elle nourrissait vainement et elle fait demi-tour en soupirant, avec toute la mauvaise volonté du monde. Elle ne réagit presque pas quand elle voit Tom sur le seuil, encore dans le brouillard de l'alcool non dissipé. Le jeune homme reste poliment debout sans broncher et ils se regardent un moment, comme des chiens de faïences, avant qu'elle ne remplisse ses devoirs d'hôtesse en demandant :

- Vous voulez entrer, peut-être ?

- Merci, fait-il comme si c'était l'autorisation qu'il attendait.

Il passe à côté d'elle pour pénétrer dans l'appartement ancien qui est la demeure de la jeune femme. Son pas est pressé, impatient, un peu frustré, et le voir se déplacer aussi vite lui donne le tournis, elle qui a encore du mal à garder l'équilibre, nauséeuse. Comment fait-il pour être aussi efficace et réveillé si tôt le matin ? Elle ne peut pas rester debout, incapable de faire autant d'efforts si vite, et retourne sous sa couette pour calmer le pivert qui s'amuse à taper contre les parois de sa boîte crânienne. L'acteur se poste près de la fenêtre, l'air assez préoccupé, puis sourcille vers elle quand il la voit retourner prendre ses aises.

- A ta place, je ne retournerai pas me coucher, dit-il d'une voix anxieuse.

- Expliquez-moi juste ce que vous faites chez moi à l'aube, marmonne-t-elle en glissant sa tête sur l'oreiller.

- Je voulais venir te voir avant que la presse ne revienne faire le pied de grue chez toi, lâche-t-il comme s'il énonçait un bulletin météo, ses doigts repoussant le rideau qui masque la vitre pour regarder au-dehors.

Those Ocean Eyes [FR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant