Le parfum de l'espoir

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    J'ai l'air si lasse, pensai-je, on ne croirait pas que je serai bientôt libre...

    La liberté... J'en rêvai depuis que j'étais gamine.

    Je pris mon sac et sortis de ma chambre sans un regard en arrière. Personne en vue. Étrange... Je pensais trouver une centaine de gardes devant ma chambre pour éviter que je m'évade. Un rictus dégouté apparut sur mes lèvres. S'enfuir ? Seule ? Quelle blague....

    Je laissai un mot à mes parents et à mon frère, au cas où. Et sortis.

    Je respirai un bon coup l'air pur de la Tour et me délectai des rayons du soleil artificiel sur ma peau. Le ciel était d'un bleu profond aujourd'hui. Je marchai tranquillement dans les allées pavées d'or de la Citadelle des Temps. Là où vivaient les quatre Familles, enfin, là où se trouvaient leurs appartements. C'était le lieu le plus grandiose de la Tour, difficile d'imaginer que nous étions à des milliers de kilomètres au-dessus du sol.

    Des dômes de verre, des pavillons recouverts d'or, des jardins somptueux.... Du luxe et du faste à ne plus y croire. Et au fond, le palais des Malkam. Beauté architecturale au sein même d'une Tour dont la réalité dépassait l'imagination. Personne ne pouvait entrer ici, mis à part nous, les Familles de Créateurs.

    Mais je connaissais tout cela, je jouais ici avant même de savoir marcher, c'était ma maison. Je me souvenais des après-midis à flâner avec Iris quand nous n'avions pas le droit de descendre nous amuser ailleurs, des moqueries de Galaad, des jeux avec Morgan et Sofian et des regards d'Ayaan.

    Je traversai une allée de rose d'un doré saisissant lorsque je faillis percuter quelqu'un.

    Sofian.

    -Excuse-moi Era, je ne t'avais pas vu venir.

    Sa voix douce et calme me ramena trois ans arrière, lorsque nous formions encore un couple. Mon ventre se serra douloureusement. Nous nous retrouvions souvent à une terrasse de café, pour manger une glace, Sofian savait que j'adorais ça, et m'en ramenait le plus souvent possible. Je me souviens quand nous nous embrassions, dans l'aile ouest, près du chêne. Les souvenirs affluèrent, et je dus prendre une profonde inspiration pour m'empêcher de pleurer. Mauvaise idée, son odeur arriva jusqu'à moi, cette délicieuse odeur de citron, celle de son parfum.

    Pourquoi m'as-tu abandonné Sofian ? Pourquoi ?

    -Ce n'est rien, répondis-je en faisant un geste évasif de la main.

    Sofian Razane n'était pas parfait. Loin de là. Il était arrogant, charmeur, manipulateur et opportuniste, mais il était tellement plus gentil qu'Ayaan, et que tous les autres habitants de la Tour d'ailleurs. Il m'avait aimé. Et moi aussi. Son grand frère, Morgan, restait le plus honnête de nous tous, mais il n'avait d'yeux que pour Iris, qui l'ignorait depuis des années et ne m'écoutait jamais lorsque je lui disais qu'il devait surement l'aimer.

    Il passa une main dans ses cheveux noirs coupés courts et me regarda, l'air un peu gêné. J'avais oublié à quel point il était beau, avec sa peau dorée et ses yeux... Ses magnifiques yeux bleu foncé de la couleur de l'océan.

    -Bon, je vais te laisser... au revoir, Era.

    -Pourquoi m'évites-tu, Sofian ?

    Il s'arrêta, comme frappé par la foudre.

    -C'est comme ça depuis 3 ans et tu ne m'as jamais donné la moindre explication.

    Il se retourna lentement, les yeux baissés.

    -C'est de ma faute ? chuchotai-je, la voix brisée.

    Je ne savais pas ce qui me donnait soudain autant de courage. En trois ans, je n'avais jamais osé lui demander. Peut-être était-ce en raison de ma fuite prochaine, du fait que je ne le reverrais probablement jamais et que je voulais clore ce chapitre de ma vie une bonne fois pour toutes.

    -Non ! s'exclama-t-il soudain, tu n'y es pour rien. C'est moi. Je... enfin... nous ne pouvions pas être ensemble, voilà tout.

    Il leva enfin ses yeux bleutés vers moi, la souffrance et le regret s'y lisaient.

    -Ayaan, lâchai-je dans un souffle.

    Sofian ne répondit rien, mais son regard parlait pour lui.

    -Il ne voulait pas que tu continues de me fréquenter, continuai-je, parce que... parce qu'il me voulait.

    Sofian regarda à droite et à gauche, comme une bête traquée puis il me prit soudain dans ses bras. J'enfouis ma tête au creux de son épaule et fermai les yeux.

    -Ayaan et Galaad te surveillent Era, me chuchota-t-il à l'oreille. Constamment. En ce moment même, des dizaines de membres de la garde d'élite des Malkam sont cachés un peu partout ici et te suivent à la trace. Ayaan veut te faire croire que tu es libre de tes mouvements, mais c'est faux ! Ton frère lui-même te traque. Prends-garde à toi.

    Et il me relâcha, me décocha un petit sourire triste et tourna les talons, me laissant là, sans savoir quoi faire de ces révélations. Rien. Continuer. Survivre, avait dit Arianna.

    Je me remis en marche et atteignis l'ascenseur privé des Eléazar. Direction mon lieu de prédilection pour réfléchir : la forêt.

La Tour d'Ivoire - Tome 1 Where stories live. Discover now