Chapitre 6

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Tu te souviens sans doute de ma petite sœur. Dans les albums photo de la famille il n'y a qu'elle, je ne suis pas là. Puis elle disparaît peu à peu et je la remplace. Mais je la sentais toujours là. Sans la voir, je pouvais l'imaginer à jouer dans ma chambre, à regarder des téléfilms sur le canapé avec mes parents, à faire le poirier contre le mur du jardin, à ne voir que ses fines mèches bouclées dans le miroir qui est trop haut pour elle. Je ne suis pas schizophrène. J'aime juste à l'imaginer. À imaginer mon moi petite en tant qu'individu à part de moi. Comme étant ma petite sœur. Elle se blottit contre moi la nuit, je l'accompagne dans le bus matin et soir, elle m'embête lorsque je suis avec des amies, elle insiste pour faire un défilé de mode quand tu es là. Je sais que je l'imagine, je ne la vois pas, je sais que ses paroles sont dans ma tête. Mais j'aime bien. Avec toi c'est différent. Je ne te vois pas, je ne t'imagine pas, je ne t'entends pas. Je te sens juste dans mon cœur. J'ai parfois l'impression que tu es mon cœur. Ce gros poids dans la poitrine, qui sans lui je ne pourrais fonctionner. Je n'ai pas tenté de me disséquer car je veux te garder en moi. Je suis tellement effondrée par ton départ que je t'ai enchaînée à vie dans mon corps. Et puis quelque fois j'ai besoin de te faire prendre l'air. Tu fais s'affoler mon cœur, je ne contrôle plus ma respiration, tu veux me rendre triste pour voir autre chose que ma peau et mes nerfs à vif. Et là je te vois. La crise d'angoisse s'arrête alors, et je pleure simplement pendant des heures. Je t'ai trahie, tu me fais maintenant souffrir. Pourtant je t'aime, et j'accepte la punition. Je me perds dans le chagrin. J'aurais dû te dire je t'aime ce jour-là.

Je dois te demander pardon.Where stories live. Discover now