3 - Récit d'un enfant atypique

Depuis le début
                                    

« Tu connais le chemin de la maison. »

Et il me lance ce fameux sourire en guise de réponse, ce sourire qui soudainement me fait tout oublier, l'espace d'un instant. Il ne reste que mon cœur en surchauffe et ta splendide joie qui me coupe le souffle. C'est à moi que tu souris comme ça. Cette pensée, je crois qu'elle me rend heureux. Puis, le reste me revient en tête. Mes souvenirs qui me hantent, ce silence qui m'oppresse, cette solitude qui décompose ma chair, ces cicatrices qui me dégoûtent. Le poids de mes sempiternelles larmes et ces états d'âmes éternels. Cet amour inconditionnel envers lui qui me détruit, me ronge, et me plonge dans un désespoir sans nom. Tout ça me revient en pleine face, et la douleur est similaire à une gifle avec une planche ornée de clous rouillés.

Il m'aide à me relever, et l'on se dirige vers le domicile que l'on a quitté le matin même. Le silence m'accompagne. J'ai envie de lui parler de tout. Mais par où commencer ? Et surtout, vais-je toujours l'avoir avec moi, jusqu'à la fin de mon récit ? Il faudrait déjà que je puisse mettre des mots sur ces sentiments si douloureux, sur ces événements si extraordinaires pour quelqu'un de normal. Peut-être va-t-il être effrayé dès mes premiers mots, et va fuir loin de moi ?

Et je serai seul, encore. Et je serai détruit, encore. Et je serai mort, encore.

On arrive rapidement devant chez moi. J'ouvre la porte et l'on entre en silence. On s'installe, côte à côte, dans le fauteuil qui m'a recueilli lors de ma dernière crise d'angoisse, et sur lequel il y a encore une trace de sang séché. Il regarde ma table, fixement, et je fais de même.

Toujours ce putain de silence qui me colle comme une deuxième peau.

« Alors ? J'ai tout mon temps, alors ne te presse pas et ne te mets pas la pression surtout, Todoroki. Je suis là, et tout va bien maintenant. »

Si tu savais à quel point tes mots sont capables de soigner mes maux. Ta volonté de me détendre est si adorable que si je m'écoutais, tu serais dans mes bras en ce moment, contre mon cœur qui bat la chamade. Un sourire gêné se dessine sur mon visage.

Il y a tant à raconter, que je ne sais pas par quel malheur commencer.

J'ai l'impression que mes mots sont coincés au fond de ma gorge, je sais quelles phrases prononcer et j'ai beau ouvrir la bouche afin de les prononcer, rien ne sort. C'est tellement dur de prononcer ces mots à voix haute, j'ai l'impression que c'est la tache la plus difficile au monde.

Mettre des mots sur mon malheur, ma souffrance et les événements de ma pitoyable vie, c'est les accepter et les rendre réels. Je sais qu'ils le sont, mais l'avouer et les confier à quelqu'un d'autre, ça leur donne une matière tangible dont ils n'auraient pas besoin.

« Je... ne sais pas par où commencer. Pourquoi veux-tu savoir, Midoriya ? Par simple curiosité malsaine ? »

Je sens que mes derniers mots t'ont blessé. Mais je dois savoir. Je ne veux pas te dévoiler les abîmes terribles de mon existence pour que tu finisses par m'ignorer à la fin, comme si l'on ne se connaissait pas. Je ne veux pas te donner tout mon être pour que tu m'abandonnes au final – je t'ai déjà donné aveuglément mon cœur, ne me laisse pas tout sacrifier pour toi. Pas encore.

« Je veux t'aider, Todoroki.. Dès la première fois que je t'ai vu, j'ai senti que tu avais besoin d'aide. Mais tu es si... solitaire, et un peu intimidant, que je ne savais pas comment m'y prendre pour te montrer que je voulais être là pour toi. »

J'écarquille les yeux et le fixe longuement. Ma détresse est-elle si visible ? Et il s'inquiétait pour moi ?

« Comment pourrais-tu m'aider ?

「Born to be a monster」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant