3 - Récit d'un enfant atypique

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Je ne sais pas quoi faire. Je sens sa main tiède sur mon omoplate, mais si je relève ma tête, il verra mon horrible visage déformé par les sanglots, et je crois que j'ai de la morve qui coule le long de mon menton. Bref, pas mon aspect le plus élégant. Et je ne sais pas quoi dire.. J'en ai assez de mentir sans arrêt, de voir le contraire de mes pensées sortir de ma bouche sous forme de mots faux et hésitants. De plus, mentir une nouvelle fois à Midoriya pourrait déchirer le peu de tissu cardiaque qu'il me reste d'intact, c'est-à-dire pas grand chose..

Ainsi, je reste là, la tête contre mes genoux qui tremblotent, en écoutant avec appréhension la respiration saccadée de l'homme que j'aime, en essayant de contrôler les pleurs incertains de mon âme et les doutes insatiables de mes songes. Je ne sais pas combien de temps dure cette latence. Je ne perçois que nos deux respirations, incertaine pour l'un, erratique pour l'autre. Et je ne sais qu'une chose.

Il est là, avec moi.

Je m'essuie rapidement le bas du visage avec mon pantalon – un peu dégueulasse oui je sais, mais je préfère salir un vêtement afin qu'il ne me voit pas plein de morve, vision qui devrait être assez effrayante. Je lève mes yeux inondés vers sa mine inquiète.

Qu'est-ce qu'il est beau.

Il me demande la raison pour laquelle je suis dans cet état, et je suis paralysé par la proximité de nos deux corps. Il n'est qu'à quelques centimètres de moi, je peux humer son odeur et la reconnaître, je sens mon cœur s'apaiser alors que j'entends sa respiration si proche de mes oreilles. Il semble de plus en plus troublé, probablement à cause du silence que je lui impose. Sa mine embarrassée est adorable, mais je me sens mal de le mettre dans cet état.

« C'est difficile à expliquer.. »

Une lueur passe dans les prunelles de ses yeux sombres, je pense qu'il est heureux d'enfin entendre une réponse. Je ressens une chaleur soudaine qui enlace tendrement mon vieux cœur en miettes, et cette sensation me stupéfait. Puis, je recommence à paniquer, et je sens que tu remarques cette angoisse au fond de mes pupilles. Putain, qu'as-tu fais à mon cœur ? Je vais encore chuter et m'empaler sur des milliers de petites aiguilles empoisonnées, je vais encore défaillir et avoir envie de mourir.

Ne ranime pas ce cœur déglingué si soudainement, je t'en supplie.

« Todoroki.. ? »

Tu approches lentement ta main vers mon visage, comme tu le ferais avec un chaton effrayé. Mon cœur est en train de commencer un concert de hard rock, et ses battements rythment ma respiration erratique et la montée de ma panique. Sa main se pose sur mon cuir chevelu, et pendant que je le regarde avec interrogation, il commence à me gratter la tête. Les traits de mon visage expriment tout le trouble qui m'envahit, je sens mes joues brûler de l'intérieur, mais étrangement ton action me calme.

Pendant de longues secondes (ou minutes ? Je perds la notion du temps dès qu'il est à quelques mètres de moi), je reste abasourdi devant sa tendresse et son visage souriant, alors que sa main chaude joue avec les mèches bicolores de mes cheveux. Néanmoins, il semble troublé par mes silences. Il est vrai que généralement, les gens normaux n'y sont pas habitués.

Midoriya, si seulement tu savais tout ce que mes silences voulaient dire.

« Peut-être que tu veux en parler ailleurs que dans la rue.. ? »

S'il pouvait entendre mes songes, il saurait que je ne veux pas lui en parler. De mon amour inconditionnel envers sa singularité qui me détruit, qui me ronge, qui me plonge dans un désespoir sans nom. De mes états d'âmes éternels et du poids de mes larmes que je me traîne depuis que je suis en état de penser. De ces cicatrices qui me dégoûtent, de cette solitude qui décompose ma chair, de ce silence qui m'oppresse, de ces souvenirs qui me hantent. Je ne veux pas lui en parler. Mais je ne veux pas qu'il parte.

「Born to be a monster」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant