(Suite d'un texte du Horla)

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{Donc, je faisais semblant d'écrire, pour le tromper, car il m'épiait lui aussi ; et soudain, je sentis, je fus certain qu'il lisait par-dessus mon épaule, qu'il était là, frôlant mon oreille.} 

(extrait du Horla, suite de texte inventée)

Percevant ainsi sa présence, je me retournai, le cherchai des yeux, mais je ne vis rien d'autre que le vide. Apercevant dans ce mouvement mon massif miroir, je m'y observai comme de coutume. Mais je fus frappé par la peur : mon reflet ne s'y trouvait pas. Je voyais bien dans la glace mon bureau d'acajou, mes cahiers et mon porte-plume, mais, moi, je n'y étais pas. Pris de panique, je cognai de mes poings l'armoire. Je frappai de toutes mes forces, de toute mon énergie, de toute mon âme contre le pauvre meuble, tentant de faire réapparaître mon reflet. Puis je compris. Le Horla l'avait dévoré ! Il avait mangé mon image, l'avait grignotée de toutes parts ! Je fus alors envahi par une terreur incommensurable, incontrôlable, qui m'assaillait tout entier. Secoué de tremblements, je me laissai choir sur le sol, pleurant toutes les larmes de mon corps, accablé, comme perdu. Des heures durant, je me lamentai sur mon sort, pleurant, gémissant comme un possédé. 

Mais tout à coup, une énergie nouvelle s'empara de moi. Je me levai et, empli d'une force vengeresse, je chamboulai complètement ma maison : les assiettes de porcelaine volèrent ; les lits furent saccagés ; les rideaux, déchiquetés. J'étais semblable à un cyclone, dévastateur, reversant tout sur mon passage, car telle est la puissance de la tristesse, du chagrin d'avoir perdu quelque chose de cher à son coeur. Et je sais, désormais, qu'un jour je me vengerai de cette créature invisible qui me hante, et qui a volé mon bien le plus précieux : une part de mon être...

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