Chapitre 7 : Doriane

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Nous regardons avec des yeux horrifiés les informations défilées sur l'écran. Nous reconnaissons vite le directeur et nos camarades à l'école qui se font embarquer par la police dans des camions blindés. Tous ont des menottes aux poignets pour éviter toute fuite et révolte. Je vois ainsi les soldats pousser violemment les enfants de la garderie dans une voiture à part sous la colère de M.Wafer qui leur crie dessus. Puis la chaîne change d'information sans parler de nos camarades du chalet, peut-être qu'ils ont réussis à s'enfuir. Je l'espère...

C'est dans un silence de mort que retentissent les larmes de mes camarades. Moi, je suis folle de rage. Je monte m'enfermer dans la chambre où dort Ambre pour ne pas exploser à la vue de tous. C'est fou comme les personnes peuvent être aussi fermées à autrui lorsque l'on est différent ! Je ne comprends pas que les "humains" aient si peu d'humanité ! Nous n'avons rien fait de mal pour mériter un tel traitement.

J'inspire et j'expire plusieurs fois pour me calmer, puis redescends pour aider à faire à manger. Je rencontre à mon passage dans la cuisine ma mère. Je lui lance à peine un regard et me penche sur les placards pour récupérer des couverts.

- Ma chérie-

- Non je ne suis plus ta fille depuis longtemps, ne m'appelle pas comme ça.

- Mais je t'appelais comme ça quand tu étais petite.

- C'était il y a 14 ans. Maintenant tu es une inconnue.

- J'ai pensé à toi chaque jour, tu ne sais pas à quel point te croire morte m'a détruite ! 

- C'est toi qui m'a tuée !

- Mais je le regrette ! Je ne m'en suis jamais remise ! Alors lorsque je t'ai reconnu grâce à ton tatouage, tu ne peux pas imaginer combien j'étais heureuse !

- Et moi pas ! J'aurai voulu ne plus jamais te revoir !

- Ne dis pas ça ! Je veux renouer avec toi !

- C'est trop tard pour ça ! Il fallait y penser avant de me lâcher du haut de cette falaise !

- Je n'étais pas moi-même ! L'alcool et la dépression m'y ont poussés ! Cela a été une partie douloureuse de ma vie et malheureusement mes gestes ont précédé ma pensée !

- Ah ! Parce que pour moi ça a été facile ?! Facile de voir tous les enfants et leurs parents me rejeter ?! Facile de voir mes parents chaque jour se disputer par ma faute et finalement se séparer ?! Facile d'avoir été abandonnée par mon père ?! Facile d'avoir une mère ivre qui me battait tous les jours ?! Facile d'avoir presque été tuée par la seule sur qui je pouvais encore compter ?! T'y as pensé à ça ?! Ce que ça fait quand tes parents ne veulent plus de toi au point de préférer te voir morte ?! Et bien, maintenant tu as le temps d'y réfléchir !

Je serre mes poings et ravale mes larmes de rage qui manquent de glisser sur mes joues. Je me retourne et pars m'asseoir dans le salon en évitant les regards évidents de mes camarades. Alice me rejoint pour me faire un câlin mais je la repousse doucement ayant besoin d'être seule pour évacuer ma colère et mon stress. 

Le repas se passe dans le silence, ma mère et sa nouvelle famille étant restés dans la cuisine pour manger de leur côté. D'un coup, Paul repousse sa chaise en se levant vivement et tape des mains sur la table.

- Il y a forcément quelque chose que l'on peut faire pour aider le autres !

Personne ne réagit, mais je réalise vite que le mieux à faire est de ne pas agir. Paul, qui attend toujours une réponse, s'agace de notre manque de réaction.

- Bon! Oui, non, merde ?!

- On t'a bien entendu Paul, mais il faut y réfléchir sérieusement et la tête à froid.

Blaise conclu sa phrase en indiquant à notre papillon de s'asseoir. Ambre relève la tête vivement.

- Je suis d'accord avec Paul! Il faut agir au plus vite !

- Ambre... tu dis ça parce que tu te sens coupable. Mais ce n'est pas ta faute...

Oui... Ce n'est pas sa faute... C'est celle de la fromagère... Et tous les autres de son espèce. Ces saletés d'humains qui ne voient qu'eux, qui nous maudissent en secret, et qui nous font enfermer à cause de préjugés ! C'est leur faute !

- ça ne sert à rien d'aller les chercher...

Tous mes camarades me regardent avec un air ahuri. Paul reprend la parole.

- Comment ça ne sert rien ?

- Ce serait contre les volontés de M.Wafer, et en plus c'est trop dangereux et on ne sait pas où c'est.

- Tu rigoles j'espère ?

- J'ai l'air de rigoler.

- Mais on va pas laisser les autres pourrir en prison!

- Parce que tu veux les y rejoindre ?! Ces saloperies d'humains t'auront attrapé bien avant que tu n'atteignes la ville d'à côté !

- Mais je m'en fous ! Au pire on sera ensemble !

- Parce que tu crois qu'ils vont sagement nous mettre dans une cellule commune ?!

- De toutes façons toi tu comprendras jamais parce que t'as jamais eu de famille !

Paul regrette immédiatement ce qu'il vient de me cracher à la gueule. Il tente de s'excuser mais je ne l'écoute pas. Je pars en courant dans la rue sous les appels des autres qui ont assisté à notre dialogue sans un mot. 

Comment a-t-il pu me dire ça alors que je suis autant brisée que lui ?! L'école est ma famille ! Ce lieu a été toute ma vie. Elle a accueilli toutes mes joies et mes plus gros fous rires ! Si seulement j'avais empêché Ambre de manger ce foutu morceau de fromage ! Personne n'aurait eu de problèmes, Ambre ne se serait pas sentie coupable, les élèves ne se seraient pas fait attraper, Paul n'aurait pas eu cette idée, et je ne me serais jamais disputée avec lui. 

Tout ça parce que nous avons toujours dû nous cacher des humains pour ne pas les effrayer ! Tout ça parce que nous sommes nés différents ! Tout ça parce que les humains ne nous tolèrent pas même avec notre existence qui a toujours été secrète ! Tout ça pour EUX !

Je continue mon chemin en ignorant tout ce qui m'entoure dans cette ruelle sombre où seule la lune éclaire les pavés de la route. Mon regard se pose sur un homme se tenant devant moi avant que je ne me m'arrête totalement. Il me sourit avec un air désolé avant de me montrer un tatouage sur son épaule. Je le fixe avec tristesse alors qu'il s'approche et me souffle une question qui m'intrigue.

- Veux-tu te venger ?

Animalis Viventem [TERMINE]Where stories live. Discover now