Prologue

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Dans un monde perdu, la petite Axa, celle qui était née dans une mare de sang, était vivante. Ses joues mates mouillées par les larmes portaient encore les traces de la bataille, des cicatrices meurtrissaient son corps et ses cris résonnaient jusqu'à l'horizon. C'était une survivante de la Troisième Guerre mondiale. Ce monde n'était plus le sien, n'était plus le même. Tout avait été dévasté et un autre monde avait pris naissance. Du haut de ses six mois, Axa était d'une beauté sans pareille. Sa peau claire et ses yeux en amande légèrement étirés agrémentaient ses autres traits splendides. Un petit groupe d'humains avait réussi à s'en sortir, mais les trois quarts de la race humaine avaient été exterminés. 

La raison ? La guerre : celle des libertés, la guerre sainte, le tout facilité par l'invasion de la technologie. Elle avait tout détruit sur son passage, du moins presque. Les gliders de secours, réservés par l'armée, atterrissaient sur la nouvelle terre, celle qui ne leur appartenait pas, celle qu'ils avaient détruite au même moment que la leur : la planète Nelca. Aucun habitant en vue, aucune vie, aucun son. Les humains sortaient des gliders (Vaisseaux) et se répandaient sur la nouvelle terre. Leurs corps étaient en piteux état, leurs regards vides, leurs peaux recouvertes de cicatrices, d'ecchymoses ou de blessures atrocement profondes et graves. Leur mémoire était à jamais marquée par cette interminable guerre qui avait duré une vingtaine d'années.

Les enfants étaient regroupés, les femmes également, tout comme les hommes. Tous voulaient de recommencer à zéro sur cette nouvelle terre qui n'était pas la leur, tous essayaient d'oublier leurs souffrances et leurs pleurs. La planète Nelca était plus petite que la Terre et l'air y était à peine respirable. Elle semblait inhabitable, pourtant certains y vivaient avant eux. Ces habitants étaient des nelcaliens, une race entière dont les Hommes s'étaient servis pour s'entretuer. Tous se souvenaient que la Troisième Guerre mondiale, la plus mortelle d'entre toutes, avait débuté en 2990 et qu'elle s'était terminée en 3010. 

Tout avait commencé par l'assassinat de José Luis Pierrot, simple ouvrier qui s'était battu pour sa liberté. Il avait été la cause du déclenchement de milliers de revendications, d'affronts, d'émeutes ainsi que de la guerre sainte menée par les religions qui, au départ, inspiraient la tolérance et la paix. Or, parce qu'elles voulaient devenir la seule religion acceptable, des guerres avaient éclaté et achevé l'humanité.

Lors de cette guerre, une nouvelle arme découverte par les Russes avait fait son apparition. Elle était appelée le sang des nelcaliens. Ce sang était inflammable et explosif lorsque certaines conditions étaient réunies et les humains qui s'en étaient rendu compte dans leurs multiples recherches. Pour remporter la victoire, ils s'en étaient servis sans scrupule, sans une pensée pour la race qu'ils détruisaient. 

Les humains étaient-ils réellement une race faible et impulsive ? Ils avaient réduit en cendres des milliers d'hommes de la planète Nelca. Ceux qu'ils n'avaient pas tués, ils les avaient amenés sur la Terre, sans pitié et, surtout, sans remords. À présent, plus un seul ne se trouvait sur Nelca, alors que les humains s'emparaient de la planète. Il y avait des innocents, mais aussi des coupables. Et un seul coupable pouvait causer la perte de milliers d'innocents.

Un soldat traversa la foule pour rejoindre le lieutenant Hongust qui se tenait à distance d'eux.

— Qu'allons-nous faire à présent ? demanda-t-il au lieutenant.

Le lieutenant Hongust tourna légèrement sa tête vers le soldat qui s'adressait à lui. Son visage neutre était partiellement brûlé et son expression ne laissait transparaître que du regret. Lui qui était si fort, si intelligent, celui que personne n'avait écouté, mais qui avait sauvé tout le monde tenait dans sa main le petit bébé qui venait de naître six mois plus tôt.

 Il détourna son regard pour le plonger dans les yeux si intrigants du nouveau-né, qu'il n'avait osé abandonner. L'enfant pleurait dans ses bras. Sa petite bouche tremblante ne cessait d'émouvoir l'homme, qui s'était attaché à elle, à son âme pure.

— Nous allons nous reconstruire, répondit-il de sa voix rauque avant d'observer les milliers de personnes qui l'entouraient et qui semblaient toutes perdues.

Il avait le cœur brisé, il était déçu et en colère. Il avait perdu toute sa vie, toute sa famille, sa femme et ses filles. Peut-être était-ce parce qu'il les avait perdues qu'il s'était attaché à ce petit bout de femme qu'il tenait dans ses mains. Il ne savait pas s'il allait pouvoir rebâtir un monde pour ces gens, mais il allait essayer, il le devait. L'air de cette planète était encore plus ou moins respirable, mais c'était tolérable. 

Était-ce un signe qu'ils pouvaient reconstruire ? Par contre, il faudrait protéger cette nouvelle société, afin qu'elle ne soit pas détruite, comme la Terre l'avait été. Pour ce faire, une seule et unique religion devait s'imposer, qui unifierait les habitants et leur permettrait de remercier la créature céleste qui leur avait permis de survivre. Ce monde devrait être à l'abri des technologies les plus extravagantes et poussées, il n'y aurait aucune distinction de race et on proposerait une éducation nouvelle. Il pourrait réaliser ce dont il avait toujours rêvé pour sa race, ce serait un nouveau commencement.



La planète aux yeux vertsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant