2.Seule

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Fourmillement envahissant tous ses membres, nausée permanente, mal de crâne carabiné et puissant sentiment de culpabilité furent les premiers compagnons d'Axa dès que son cerveau fut reconnecté à la réalité. Elle se sentait très faible, comme vidée de son énergie, et avait un poids plus lourd que l'univers sur le cœur. Elle ouvrit difficilement ses yeux cernés et fut éblouie par la lumière du soleil. 

Elle les referma, frappée par des souvenirs qui lui revenaient : du sang, des gémissements, des grognements, l'envie croissante de tuer tout être humain. Elle voulut refouler ce flux de souvenirs, mais il était déjà trop tard et les sentiments de culpabilité et de mal-être qu'elle éprouvait étaient immenses. Certaines réalités deviennent trop présentes lorsqu'elles prennent la forme de souvenirs, s'incorporant au cerveau. Ainsi, elles se montrent alors plus dangereuses qu'une éruption volcanique. C'est ce que vivait Axa après ce qu'elle avait vécu.

Elle rouvrit douloureusement les yeux, prenant conscience du lieu où elle se trouvait. Elle était encore dans un lit d'hôpital. Elle s'y était retrouvée tant de fois que c'en était devenu un rituel depuis son enfance. Cette fois, elle était reliée à plusieurs appareils. Elle se rappelait parfaitement ce qui s'était passé avec Cody, mais c'était comme si ces souvenirs ne lui appartenaient pas, comme s'ils n'étaient pas les siens, mais ceux d'une tout autre personne. Elle ne se voyait pas commettre de telles atrocités. 

Un cliquètement signala que la porte s'ouvrait puis le docteur Ben, deux infirmières et évidemment Hongust firent leur apparition dans la chambre neutre et stérile. Axa plongea son regard dans le vide, sachant pertinemment ce qu'ils pouvaient penser d'elle en cet instant.

— Et Cody ? demanda-t-elle d'une voix faible.

Ses compagnons froncèrent les sourcils, déstabilisés par sa question.

— Votre ami est actuellement dans le coma. Son état est des plus critiques, répondit le docteur Ben sur un ton de reproche.

Elle fit un léger sourire factice en entendant « votre ami ». Ces mots n'étaient guère représentatifs de la véritable nature de leur relation, mais son sourire disparut très vite.

— Je suis un monstre, déplora-t-elle. Pas vrai ?

— Non, miss Axa, vous êtes juste une personne... troublée.

— Une malade mentale, vous voulez dire ? répliqua-t-elle sèchement.

— Non. Écoutez, tout ira bien. Tout est sous contrôle.

— Tout est sous contrôle ? s'égosilla-t-elle. J'ai peut-être tué ce mec et vous osez me dire que tout ira bien ? Esp...

— Ça suffit.

Tout bruit s'estompait lorsque la voix grave de son père retentissait.

— Tu ferais mieux d'écouter ce qu'on te dit et de te reposer.

Elle ne répondit rien, s'étant aperçue que ce qui s'était passé avait de nouveau creusé un fossé entre son père et elle. La distance entre eux s'était de nouveau élargie. Elle se mordit l'intérieur des joues et serrait les dents pour refouler les larmes qui menaçaient de couler.

— Mesdemoiselles, prenez soin d'elle, finit le docteur avant de s'en aller avec le gouverneur.

Axa se contenta de baisser ses yeux qui affichaient un air de détresse.

— S'il vous plaît. Dites-moi la vérité, supplia-t-elle les infirmières.

— Nous n'avons rien à vous dire, demoiselle. Désolée, affirma l'une des infirmières.

Après lui avoir prodigué quelques soins, elles se retirèrent de la pièce, la laissant seule. Elle souhaitait du plus profond de son être comprendre tout ce qui lui arrivait, ce qui s'était réellement passé ou tout au moins ce qu'on lui cachait. Elle ferma les yeux, inspirant puis expirant tout l'air contenu dans ses poumons. Une conversation lui vint à l'oreille, comme si elle écoutait à travers les murs.

La planète aux yeux vertsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant