6. Problème universel

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Avoir un repère dans la vie, une personne ou une chose à laquelle s'identifier et s'attacher était chose normale. Mais découvrir que ce repère ne fut qu'une illusion désorientait facilement. La douleur de l'esprit était d'ailleurs la plus douloureuse et difficile à guérir.

La cité était plongée dans un noir total. La seule source lumineuse était Axa. Du moins, elle ne semblait plus être elle-même. Elle avait atteint un stade où tout était au-dessus d'elle, où elle n'en pouvait plus. Elle ne voulait plus se battre et voulait juste se laisser aller. Plusieurs soldats, les mêmes qui avaient participé à la guerre, les mêmes qui avaient mis en sang et en cendre les nelcaliens couraient vers elle pour l'arrêter dans son élan qu'ils jugeaient dangereux. À peine furent-ils à quelques mètres d'elle qu'ils furent projetés au loin. Des explosions tonnaient de partout alors que les habitants de la cité criaient et suppliaient : un véritable chaos régnait.

Des flèches lumineuses atterrissaient sur la poitrine des soldats qui s'écroulaient au sol, les empêchant ainsi d'atteindre Axa. Certains tombaient dans les flaques de sang, d'autres y baignaient, leur vie à jamais éteinte. Axa, elle, ne bougeait plus. Le monde autour d'elle ne semblait plus exister. Son regard vide plongea néanmoins dans celui de son paternel, bien qu'il ne fût plus qu'un simple inconnu à présent. Ce dernier ne bougeait pas non plus, il s'en voulait terriblement, et voir cette lueur dans les yeux de sa fille le blessait énormément. Il aurait préféré que les choses se passent autrement, mais il était déjà trop tard. Un menton frôla l'épaule d'Axa et la voix de la femme qui avait toujours été avec elle, celle qui l'avait conduite vers sa mère, résonna comme dans un écho lointain.

— Il t'a trompée. Je t'ai dit que les humains n'avaient aucun cœur. Vindicà (Vengeance), vindicà.

Puis elle toucha doucement son bras et le remonta jusqu'à montrer du doigt Hongust qui affichait une expression effrayée. Axa n'était plus Axa. Elle ne savait plus comment réagir, à cet instant son cœur tambourinait dans sa poitrine.

— Luz... insista la voix.

Seules quelques paroles lui revinrent en tête. « Sache que ce que les gens disent que tu es n'est pas ce que tu es, tu es ce que tu décides d'être. Et moi je te le dis, tu es une princesse, une reine, un cadeau de l'univers, et je veux que tu y croies. » Une larme mouilla sa joue droite et, revenant à la réalité, elle eut un petit sourire. Elle tourna la tête sur sa gauche et vit les soldats à terre, baignant dans leur sang.

  À droite, plusieurs créatures semblables à celle qui se trouvait à cet instant derrière elle dégageaient une haine sans pareille : c'étaient les nelcaliens. Ils tenaient en main des arcs et semblaient attendre celle qui se trouvait derrière Axa. Quant à eux, les humains avaient pour la plupart déserté les lieux, leurs cris planant dans la cité. Hongust, son père, un inconnu ou peu importe qui il était à présent, se trouvait en face d'elle, le visage meurtri. Elle se dégagea de l'emprise de la créature et marcha vers Hongust. Lorsqu'elle ne fut plus qu'à quelques centimètres de lui, son sourire s'évanouit. Elle plongea une dernière fois son regard dans ses yeux, lui transmettant à quel point sa nouvelle blessure était profonde, et passa à côté de lui pour prendre le chemin menant à la Troïka. Les nelcaliens l'observaient curieusement tandis que la créature marcha rapidement vers elle.

— Tu vas le laisser s'en tirer ainsi, Luz ? Venge-toi, hurla-t-elle, se rapprochant de plus en plus.

Axa se retourna brusquement et hurla :

— Foutez-moi la paix, merde.

La nelcalienne fut violemment projetée en arrière par une énergie invisible. Elle se releva difficilement, fit signe à ses compagnons et ils ressortirent par un immense trou creusé dans l'un des murs géants de la cité. Axa ne se retourna pas pour les regarder et continua sa marche vers la Troïka. Elle se glissa dans sa chambre et s'installa sur la terrasse. Elle s'assit à terre, soutint son menton avec ses genoux ramenés contre sa poitrine. Ses cheveux avaient retrouvé leur aspect naturel, mais pas ses yeux qui demeuraient verts. Elle revit les soldats dans leur mare de sang. Elle conclut que c'étaient les nelcaliens qui étaient responsables. Elle se rappela les images qu'elle avait vues, les présumées images de la guerre. 

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