Le vampire

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Ysaline se précipita dans la ruelle sombre, certaine de pouvoir échapper à son poursuivant si elle disparaissait assez vite de son champ de vision. A sa grande surprise, elle s'arrêta juste avant de se casser le nez sur le mur se trouvant au fond de la ruelle, transformant l'espoir de s'échapper en conviction qu'elle n'en réchapperait pas. Celui-ci s'élevait à plusieurs mètres du sol et était impossible à grimper à cause d'une mousse verte glissante qui le recouvrait jusqu'en haut. Elle était prise au piège.

Un rire sinistre et caricatural retentit derrière elle. Son poursuivant savait qu'elle était bloquée, réduite à attendre de se faire attraper comme une proie impuissante. La pleine lune sortit alors de derrière les nuages, illuminant le nouveau venu. Très grand et maigre comme un clou, sa peau parcheminée était blême et rendue argentée à la lueur de l'astre nocturne. Il portait des vêtements noirs accentuant son visage cadavérique. La seule touche de couleur qu'il arborait provenait du liquide écarlate dégoulinant de sa bouche sur son menton. Une odeur métallique caractéristique envahit alors l'atmosphère tandis que l'homme approchait : du sang.

- Petite proie, murmura-t-il d'une voix rauque. Délicieuse petite proie, à quelle sauce vais-je te manger ?

Aucun doute possible, il s'agissait d'un vampire. Ysaline était agacée par le pathétisme du personnage, le rendant moins effrayant qu'il voulait paraître, mais cela ne l'empêchait pas d'être nerveuse. Elle était épuisée, ayant mal dormi depuis des jours, et elle refusait de rester des heures dans le froid à se faire contempler tel un bonbon appétissant.

- Oh, mais je ne vais pas te faire du mal tout de suite, poursuivit le vampire, perdu dans son monde sanglant. Papa Scarpelini va d'abord te rendre aussi belle qu'une poupée. Oh oui, une magnifique poupée que je pourrais manipuler à ma guise.

- Je ne ressemble pas à une poupée, rétorqua Ysaline, et je vous préviens que je n'ai pas l'intention de me laisser faire. Si vous continuez à me faire perdre mon temps, vous allez voir de quel bois je me chauffe.

La réponse n'eut pas l'air de satisfaire Scarpelini, qui grogna en montrant des canines bien aiguisées. Ysaline évalua d'un coup d'œil les armes qu'elle possédait : son couteau d'argent était accroché à sa ceinture, mais ce dernier était plus efficace sur les loups-garous. Les herbes qu'elle avait ramassé n'avaient aucun effet répulsif contre les vampires et hormis son agilité, elle n'avait rien sur elle qui lui permettrait de s'en sortir rapidement. A moins de réussir à le décapiter avec le couteau ou de lui enfoncer un objet similaire à un pieu en bois dans le cœur, la sorcière aurait du mal à s'en débarrasser définitivement. Dans le cas contraire, sa vie deviendrait nettement plus compliquée : tout le monde savait à quel point les vampires étaient rancuniers.

Sans attendre qu'elle soit prête, Scarpelini l'attaqua brusquement tous crocs dehors, obligeant Ysaline à se jeter sur la droite afin de l'éviter. Le vampire se prit les briques de plein fouet avant de s'effondrer sur le sol. L'épaule meurtrie par le choc contre le mur, la sorcière grimaça lorsqu'elle sortit le couteau d'argent de son étui. Le combat allait être compliqué à gérer avec la douleur. Pourquoi n'avait-elle jamais sa baguette magique ni son matériel sur elle lorsqu'il le fallait ?

Le vampire ne mit pas très longtemps à se remettre de son étourdissement et se releva à une vitesse prodigieuse. Cependant, le choc l'avait rendu méfiant et il étudia sa proie sous toutes les coutures. Ils se tournèrent autour tel deux lions s'observant avant la bataille. Scarpelini n'était pas stupide : le couteau d'argent dans la main d'Ysaline lui causerait des dégâts significatifs et ce malgré sa tolérance au métal mou.

Il fonça droit sur la main tenant le couteau afin de l'arracher. La sorcière para son attaque avec un bras avant de brandir son arme. Scarpelini planta alors ses canines dans son poignet et le cassa d'un coup sec de la tête. Ysaline hurla de douleur avant de donner un coup de pied dans le genou du vampire pour se dégager. Il y eut un nouveau CRAC et un autre hurlement de douleur, masculin cette fois. Un éclat argenté vola dans les airs et retomba plus loin dans un bruit métallique. Son adversaire chuta au sol devant elle, son visage blafard crispé de douleur.

Maintenant son poignet cassé contre elle, Ysaline réfléchit à toute allure sur ses options. Elle avait perdu son couteau et la douleur de sa blessure l'empêchait d'avoir les idées claires. C'est alors que le pic en bois pointu qu'elle portait dans ses cheveux tomba dans le creux de son bras, libéré par la bataille. Une idée lui traversa l'esprit : le bâton pouvait peut-être se substituer à un pieu et tuer ou ralentir suffisamment le vampire pour lui permettre de s'enfuir. Elle n'avait de toute façon pas d'autre choix. Saisissant le morceau de bois dans sa main valide, la sorcière fit face au vampire qui venait de se relever péniblement, le genou en miettes.

Quelques secondes plus tard, Ysaline se retrouva agenouillée devant le corps de Scarpelini, son pic à cheveux dépassant de la poitrine de ce dernier, sans trop savoir ce qu'il s'était passé. La respiration haletante, elle ne releva la tête que lorsqu'un chat noir bien connu fit son apparition à ses côtés. Satan regarda d'un air hautain le corps du vampire avant de lui faire un petit commentaire mental acerbe à propos de Scarpelini. Ysaline soupira. Comment faisait-il pour s'échapper de chez elle alors que les issues étaient verrouillées et protégées par du fer ? En plus, il ne connaissait pas la ville ! Le dédain du chat disparut lorsqu'il vit la main de la sorcière pendre dans un angle bizarre.

- Qu'est-ce que... mais tu saignes ! Et ton poignet est cassé !

- Ce n'est pas très grave, marmonna Ysaline avant de retirer le pic du corps encore mou devant elle. Tu vois que ça sert les pics à cheveux ?

Le chat resta bouche bée une poignée de secondes, fixant le morceau de bois pointu englué d'hémoglobine. Il n'en revenait pas de voir que les pics à cheveux, qu'il tournait régulièrement en dérision, pouvaient s'avérer utiles.

- Tu es complètement malade.

Ysaline se mit alors à rire de manière incontrôlée. Le taux d'adrénaline dans son sang diminuait et elle avait besoin d'évacuer la pression. Elle mit un moment pour se calmer avant de sortir de la ruelle d'un pas titubant, accompagnée par Satan qui surveillait les environs.

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Ne jamais sous-estimer la dangerosité des pics à cheveux ! Dommage que cela ne tienne pas dans mes cheveux, c'est toujours pratique si jamais je croise un vampire un jour... quoique, est-ce que cela pourrait vraiment marcher ? Qu'en dites vous ?

Cohabitation forcéeWhere stories live. Discover now