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Le juge frappa la table de son marteau, confirmant la sentence. Emeric n'en croyait pas ses oreilles. Lui, condamné à mort alors qu'il n'avait fait que son travail ? Son incarcération dans le couloir de la mort d'une prison américaine lui donna tout le temps nécessaire pour réfléchir à sa situation catastrophique.

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Emeric Laboret, scientifique de profession spécialisé en toxicologie, avait emménagé une quinzaine d'années plus tôt avec sa femme Amira sur le territoire américain. La paie était bien meilleure et il se sentait plus en sécurité là-bas qu'en France, où le Front National était au pouvoir depuis plusieurs années et menaçait de les expulser parce qu'ils n'étaient pas naturalisés français.

Il avait rapidement trouvé un emploi au sein de la FDA et passait ses journées à étudier des études scientifiques pour autoriser de nouveaux produits chimiques à être commercialisés sur le marché des consommateurs. Enthousiaste au départ, le scientifique s'était vite rendu compte que la majorité de ses confrères étaient grassement payés par l'industrie afin de favoriser la mise à disposition des produits chimiques discutables sur le marché. Tout d'abord indigné par ces pratiques qui lui semblaient injustifiables au vu des conséquences sanitaires, Emeric du faire une croix sur ses principes s'il souhaitait conserver son emploi et ne pas être inscrit sur la liste noire des personnes à ne pas embaucher. Le scientifique poursuivit son travail en approuvant avec répugnance des produits chimiques dont les études montraient un laxisme important dans les conclusions.

Cependant, lorsqu'il découvrit le cas inquiétant du dicloroléhyde, il lui sembla essentiel d'avertir les hautes sphères de l'autorité dans laquelle il travaillait ainsi que la presse.

Il n'aurait pas dû.

Depuis lors, Emeric avait été licencié, poursuivi pour diffamation et, l'industrie craignant qu'il ne dévoile trop sur leurs produits empoisonnés, s'était débrouillée pour le faire accuser de motifs si graves qu'il avait été condamné à mort. Cependant, le scientifique eut de la chance : alors qu'il était dans le couloir de la mort pour deux longues années, car le nombre de condamnés à mort avait explosé, un retournement de situation lui fit espérer de s'en sortir.

Les élections présidentielles s'étaient déroulées dans un chaos sans nom suite à plusieurs attentats et c'était une Afro Américaine, Dorothy Hershfield, qui avait été élue à la grande surprise de tous. Fervente militante pour la paix, elle avait aussitôt prit des décisions pour limiter les dégâts. Hershfield rétablit d'une main de fer les différents points politiques boiteux au sein des États Unis et fit abolir la peine de mort pour le remplacer par un aller simple pour Mars, comme beaucoup de personnes le réclamaient.

Une vingtaine d'années plus tôt, la découverte d'une théorie permettant de construire des vaisseaux spatiaux plus rapides avait permis une expansion sans précédent de l'homme dans l'espace. La Lune était devenue un endroit huppé où les plus riches et chanceux pouvaient bénéficier d'une magnifique vue sur la planète Terre tout en dépensant sans compter leur argent dans des boutiques de luxe et des jeux d'argent. Mars, planète mystérieuse qui intriguait les humains depuis des siècles, avait été étudiée de fond en comble avant d'être délaissée par la civilisation : il était trop difficile de créer un monde suffisamment frais pour que les riches y dépensent leur fortune et certains eurent l'idée d'y créer une prison. En effet, celles sur Terre étaient trop petites pour contenir tous les criminels, qui échafaudaient des plans de plus en plus tordus pour s'échapper et vivre à l'extérieur (en poursuivant leurs méfaits pour certains). Il avait donc été jugé préférable de les envoyer sur une autre planète sans moyen de retour et de les laisser s'auto-réguler avec des moyens technologiques dépassés.

Emeric avait appris un beau jour en bavardant avec d'autres condamnés que le contact avait été perdu depuis longtemps avec le pénitencier là-bas et que l'on ignorait ce qu'étaient devenus les détenus sur Mars. Cela n'avait pourtant pas rebuté les autorités qui, voyant que le nombre de condamnés à mort continuer d'augmenter et qu'ils n'arrivaient pas à accélérer les exécutions, décida d'affréter une vieille navette pour Mars afin de se débarrasser d'eux. Emeric faisait parti du lot. La veille du départ, il dut faire des adieux larmoyants à sa femme et sa petite fille qu'il laissait seules derrière lui.

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