Chapitre vingt-neuf ➳ PDV Connor

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Je la regarde profondément durant de longues secondes. J'embrasse son front avant de me lever et de récupérer mon téléphone, aveuglant au passage Abbie avec le flash. Je m'excuse et passe une main dans mes cheveux sans la quitter des yeux.
– Prépare-toi. Tu as des affaires à prendre ou un truc comme ça ?
Elle me regarde et arque un sourcil, l'air de dire « tu es sérieux ? », et je me gifle mentalement pour avoir posé une question aussi stupide.
Bien sûr que non, une séquestrée n'a pas d'affaires à récupérer, abruti.
– Désolé,
grimace-jeJe vais sortir, sonner l'alarme incendie à côté et les flics vont débarquer. Après ça, ça va être la cohue générale et je viendrai te chercher. Si quelqu'un défonce la porte avant que je ne sois revenu, tu hurles, ok ?
Abbie hoche la tête sans dire un mot, ne cachant pas sa surprise, les yeux écarquillés. Je tourne les talons et m'apprête à sortir de la pièce, la main sur la poignée, lorsque sa voix s'élève dans mon dos :
– A tout de suite.
Je lui réponds par un clin d'œil et sors.
Elle est incroyable.

Maintenant, l'alarme incendie. Le coeur battant la chamade, je me dirige tout droit vers la fameuse, le regard dur. Je n'échappe pas aux regards interrogateurs et méfiants, ni même au type qui me dit « Pourquoi t'as l'air prêt à tuer quelqu'un, mec ? ».
Je ne réponds pas et rit.
Ignorant, va.
– Connor ?

La voix d'Emmet ne m'arrête pas non plus. J'ai l'impression d'avancer au ralentit, sentant les regards pesant sur moi. Je vois Cody au loin froncer les sourcils et plisser les yeux en me voyant partir vers l'alarme, et quand j'y arrive enfin, ses yeux s'écarquillent.
– Non, articulent silencieusement ses lèvres.
Le visage interdit, je comprends de suite qu'il sait ce que je m'apprête à faire. Deux secondes suffisent pour qu'il tourne la tête, regarde à l'extérieur par les portes ouvertes de l'entrepôt, me regarde une nouvelle fois et se mette à hurler :
– NON ! CONNOR !!!!
Tout le monde se tourne brusquement vers moi.
La main sur le levier, je le baisse et fait sonner l'alarme.
C'est parti. Mode criminel prêt à tout est enclenché.

Les bouches à incendies au plafond s'activent et détrempent l'entrepôt de toute part. Le FBI entre en hurlant, armés jusqu'aux dents, des casques de protection sur la tête.
Tout le monde se met à courir, à frapper, à tirer, et je ne perds pas une seconde de plus pour filer.
Mon cœur bat tellement vite.
– Attrapez-les tous ! Ordonne la voix de l'agent Kallagan dans mon dos.
Je cours jusqu'à la pièce où se trouve Abbie et ouvre violemment la porte. Elle sursaute, écarquille les yeux et je peux apercevoir son petit corps trembler. Elle n'attend pas une seconde de plus pour se lever, et mes yeux s'ouvrent en grand, surpris qu'elle arrive à tenir sur ses jambes.
Ses yeux sont deux boules de bowling, la peur se lit clairement dans son regard et sur les traits de son visage déformé par les blessures.
– Viens.
Je parcours la distance qui nous sépare et prend son visage entre mes mains, plongeant mon regard dans le sien.
– Tu peux marcher ?
Elle secoue la tête.
– Non, je.. j'ai mal aux...
Je ne la laisse pas finir. Je passe un bras dans son dos, l'autre sous ses jambes et la soulève. Naturellement, elle s'agrippe à mon cou à l'aide de ses petits bras.
– Connor, c'est dangereux d'y aller.
– Tant que tu es avec moi, ça ne l'est pas. OK ?
Abbie hoche la tête de haut en bas et me regarde avec des yeux brillant d'une intensité que je ne lui connaissais pas. Ce n'est pas de la peur, c'est tout autre chose. Elle me fait comprendre silencieusement qu'elle me fait confiance.
Et j'adore ça.
– Prête à sortir d'ici ?
– Prête.
Aussitôt, je prend une grande inspiration et sort de la pièce, Abbie dans mes bras. Elle pèse le poid d'une plume.
Le vacarme dans l'entrepôt m'impressionne. Je suis habitué à ça, mais là, c'est plus que jamais sanglant, violant et époustouflant. J'avance à travers les nuages de fumés créer par les bombes lancés par les flics pour nous aveugler, entendant des hommes crier, des tires de balles, des gémissements, des aboiements.
Le cahot à l'état pur.
Qu'est-ce que j'ai fais ?
Abbie niche sa tête dans mon cou et ce contacte me fait frissonner. Une fois le nuage de fumée passé, j'aperçois Emmet se faire mettre les menottes et me regarder, stupéfait. Ensuite, son regard va sur Abbie et il cri en se débattant :
– Tu trahis les tiens pour une fille ! Connor !!!!!
Le corps de la fille en question se tend dans mes bras et elle frissonne. Je tourne le regard et ne m'arrête pas. Je n'affiche aucune émotion, rien que de l'amertume.
J'ai presque atteint mon but. Abbie est bientôt libre. Hors de question que je me laisse freiner.
Je continu ma marche à travers l'enfer et sors de l'entrepôt. Au loin, j'aperçois des membres du cartel s'enfuir en courant, d'autres tenter de monter dans leur voiture et se faire arrêter avant de pouvoir démarrer. Je me dirige vers le côté de l'entrepôt et une fois là-bas, je dépose Abbie par terre.
Elle s'est endormie. Sérieusement ?
Quelqu'un peut m'expliquer comment peut-on s'endormir à travers un tel boucan ?
– Hey, dis-je doucement en m'accroupissant devant elle.
Abbie a le dos contre la taule de l'entrepôt, ce qui la retient donc. Ses petits yeux s'ouvrent et elle bat des paupières.
– Tu es libre.
– Ça y est... murmure-t-elle comme si elle n'en croyait pas ses oreilles.
Abbie regarde partout autour d'elle. Les secondes défilent, son regard est émerveillé. Elle sourit en voyant les étoiles dans le ciel, ce qui me fait sourire à mon tour.
Bon sang. Je dois le faire.
Il le faut. Je ne peux pas la laisser ici.
– Connor...
Une larme roule au coin de son œil. Je l'essuie à l'aide de mon pouce et avance mon visage plus près du sien, le cœur battant toujours la chamade.
– J'ai peur, chuchote-t-elle. Je ne veux pas que tu partes. 
Mon estomac se retourne. La culpabilité s'empare de moi, mais la raison me rattrape sans attendre. Même si je le voulais, je ne pourrai pas l'emmener. C'est impossible.
Bon sang, pourquoi c'est si dur ? Pourquoi... pourquoi est-ce que j'ai mal ? 
– Où que tu sois, quoi que tu fasses, je garderai toujours un œil sur toi. OK ?
Ma voix tremble. Je déglutis difficilement tandis que ma poitrine se comprime un peu plus.
– Mais...
Maintenant, c'est une flaupée de larmes qui coulent sur son visage. Pour la première fois de toute ma vie, pour la première fois en 23 ans d'existence, mon cœur me fait souffrir au delà du possible. Au dessus de nous, un hélicoptère nous éclaire avec sa lumière mais nous n'y prêtons pas attention, trop absorbé l'un par l'autre.
Il faut que...
J'approche son visage du mien, plus près que jamais. Ses yeux en amande se ferment, ses lèvres attendent impatiemment les miennes. Et, alors que je m'apprête à la goûter pour la toute première fois, une voix familière m'appelle, et j'ouvre brusquement les yeux en même temps qu'Abbie.
– CONNOR !!!!!! Répond-moi ! Hurle un homme.
Troy. 
Merde ! 
Ne me répond pas ! Hurle-t-il à nouveau. Dis moi où tu es !
Je me lève brusquement. Si Troy me dit de ne pas lui répondre, c'est qu'il se passe quelque chose d'anormal, encore plus anormal que sa présence ici.
Abbie tente de se mettre debout à son tour mais elle retombe sur ses fesses, affaiblie. J'applique mon code de discrétion et jette un caillou sur le parking de l'entrepôt. Quelques secondes plus tard, Troy débarque et me plaque violemment contre la taule où est adossée Abbie. Le visage de mon meilleur ami est intact, ce qui m'indique qu'il n'est pas tombé sur un flic.
Néanmoins, il a l'air paniqué.
– On doit se tirer ! 
– Qu'est-ce que tu fous ici, putain ?
– J'ai pas le temps de t'expliquer ! On doit se tirer ! L'agent, celui avec qui tu as passé ton accord, il vient de donner l'ordre à ses poulets de t'attraper !
Mes yeux s'écarquillent. Il n'en fallait pas plus pour réveiller ma fureur, mais la petite voix d'Abbie me calme aussitôt :
– Lâche-le, s'il te plaît. Tu vas lui faire mal, demande-t-elle à mon meilleur ami.
D'abord, Troy écarquille les yeux, surpris par cette voix aussi douce que frêle. Ensuite, il tourne lentement la tête vers Abbie assise par terre et me lâche. Je lisse mon blouson, passe une main dans mes cheveux et fait craquer les articulations de mon cou. Mon meilleur ami s'agenouille devant Abbie en plissant les yeux, l'air intrigué, et cette dernière ne bouge pas d'un cil.
– Troy, voici Abbie.
Il ne la quitte pas des yeux et l'examine soigneusement.
– Abbie, je te présente mon meilleur ami, Troy.
– La fameuse fille, chuchote-t-il en l'observant comme une bête de foire.
Étrangement, le visage de mon pote s'illumine. Ses yeux sourient, mais ce moment aussi doux que bizarre ne dure pas. La voix de Kallagan le fils de pute s'élève non loin de nous :
– Trouvez moi ce salaud et bouclez-le !
Troy se lève d'un bond. A nouveau, la colère s'empare de moi et je fais craquer mes phalanges.
– On se casse, dépêche-toi !
– Laisse-moi lui dire au revoir, crache-je en m'agenouillant précipitamment devant Abbie.
Troy marmonne quelque chose que je n'entends pas, ou plutôt que je n'écoute pas.
– Souviens-toi, ok ?
– Oui. Je trouverai un moyen.
Je souris. Mon cœur se serre alors qu'Abbie m'embrasse la joue et chuchote à mon oreille :
– Je trouverai un moyen de me souvenir que je suis tombée amoureuse de l'homme qui m'a sauvé la vie.
– Qu'est-ce que...
Son regard est brillant. Mon cœur bat tellement fort dans ma poitrine, putain, j'ai l'impression qu'il va en sortir.
Qu'est-ce qu'elle vient de me dire ? 
Mais, avant que je ne puisse répondre, Troy me soulève et me traîne derrière lui, m'arrachant peu à peu Abbie des yeux. Les larmes sur ses joues se font de plus en plus nombreuses.
Putain, je veux me défendre. Je veux qu'il me lâche.
Mais j'en suis incapable, comme figé.
– Il est là ! Aboie une voix.
– Dépêche-toi, Connor !
Troy me tire jusqu'à la voiture, et bientôt, le visage d'Abbie disparaît de ma vue. Lorsque Troy me fou de force dans sa voiture et monte à son tour avant de démarrer en trombe, je comprend.
Je comprend la douleur. Je comprend le mal que je ressens. Je comprend les sensations, sentiments et émotions que je ressens aux côtés d'Abbie.
Un hoquet de surprise m'échappe lorsque je sens mon cœur se briser dans ma poitrine. 
Putain, ouais. Ça fait un mal de chien.
– Non.. non. Je...
– Quoi ?
L'image d'une petite brune au visage abîmé apparaît devant mes yeux, et j'ai mal. Putain. Plus Troy s'éloigne, plus j'ai mal. C'est... merde, c'est insupportable. Ma gorge se serre brutalement, et je ne parviens plus à respirer correctement.
– Je ne peux pas, chuchote-je en écarquillant les yeux.
– Tu peux pas quoi, Connor ?
Je suis obligé de prendre une grande inspiration pour ne pas étouffer. Ma gorge ne cesse de se serrer et je m'émet un bruit étrange en déglutissant. Du coin de l'œil, je vois Troy tourner brusquement la tête vers moi, les yeux écarquillés.
– Putain, qu'est-ce qui t'arrive ? Répond moi.
Il m'arrive la pire chose. Celle que je craignais le plus au monde. Avoir le cœur brisé arrivait en deuxième position sur ma liste de chose à ne jamais éprouver.

« Je sais ce que c'est d'aimer. » m'avait dit Rivera.
Je lui ai ri au nez, et il m'a regardé comme si j'étais un idiot qui n'avait aucune idée de ses propres sentiments.
Ça me fait l'effet d'un coup de poignard. Je viens d'abandonner Abbie.
Je viens de... Merde.
Putain. Ça ne devait pas m'arriver... pas à moi. Je ne mérite pas d'être aimé. Je ne mérite pas de...
– Connor, tu me fais flipper ! Réagis !
– Je suis tombé amoureux, murmure-je entre mes lèvres, le regard perdu dans le vide.
Tout l'air contenu dans l'habitacle de la voiture semble s'atrophier, ne me permettant plus de respirer. 
– Je sais... T'as mal ? me demande-t-il.
– Ouais, putain. Je... je l'aime.
– Tu la retrouveras, dit-il d'une voix qui se veut rassurante.
– Comment tu peux le savoir ?
– Deux personnes amoureuses se retrouvent toujours. Toujours, répète-t-il.
En temps normal, je lui aurait mit mon poing dans la figure et j'aurais augmenté le son de la radio pour ne pas avoir à continuer une conversation aussi nunuche. Mais, là, c'est différent. Ses paroles me... me rassurent, ouais. C'est ça.
Pourtant, j'ai toujours aussi mal.
Mais, si Troy dit vrai, alors je retrouverai Abbie. C'est vrai, il y a peut-être des chances qu'elle se souvienne, non ? Il y a des chances que son cerveau me classe comme étant un bon souvenir, et non comme un mauvais, non ?
Je l'espère. Sinon, je n'aurai aucun moyen de lui faire se rappeler qui je suis. De lui faire se rappeler qu'elle est amoureuse de moi.
Et dans ce cas, je ne pourrai jamais lui dire que moi aussi, je suis fou amoureux d'elle.  

                                                                         Fin du flashback 

Bad Boyd - Remember | T1Where stories live. Discover now