Chapitre vingt ➳ Réponses

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                                                                   ****
A mon retour dans la chambre, Abbie est toujours plongé dans un sommeil profond. Sean et Troy m'observent attentivement ouvrir et fermer la porte après mon passage, déplier une chaise et m'asseoir dessus... Tout en m'accordant des regards désapprobateur. A mon tour, je les dévisages, un sourcil arqué, avant de prendre la parole : 

- Je vous ai tant manqué que ça ? 
- Demande à Doc' Alban si tu lui manques, après votre échange, rétorque Troy en levant les yeux aux ciels, montrant son actuel agacement. 
- Oh, ris-je ironiquement. Je connais déjà la réponse, songeai-je en me remémorant nos instants, au Doc' et à moi, passés ensembles. 
- Arrête de menacer n'importe qui, putain ! aboie soudain Sean, me faisant presque sursauté. 
Troy, assis à sa gauche, a fait un bond sur sa chaise en entendant notre pote meugler comme une vache. 
Mon petit Sean... Tu n'as aucune idée de ce que tu viens de causer.
Ta propre descente aux enfers. 

Mon regard s'embrase instantanément alors que je me lève brusquement de ma chaise. Faisant rapidement le tour du lit, je soulève Sean de sa chaise à l'aide de mes mains agrippées à son col de pull et l'envoi valser dans le mur. 
Avant de lui coller mon poing dans la figure, je jette un coup d'œil à ma belle au bois dormant, qui n'a pas bougé d'un cil. 
La colère bouillonne littéralement dans mes veines, remplaçant le liquide rougeâtre contenues dans celles-ci par une amertume couleur lave. 
- Connor, merde ! crache Troy en tentant de m'obliger à lâcher Sean alors que je l'attrape de nouveau par le pull et le colle au mur. Contrôle-toi, pour l'amour de Dieu, me demande mon meilleur ami en posant une main sur mon épaule pour me tirer en arrière.
- Vas-y, cogne ! vocifère Sean entre ses lèvres , me postillonnant dessus au passage. Tu crois que c'est ce qu'elle veut ? Elle n'aime pas les types comme toi ! 
Maintenant, j'ai le droit de le brûler vivant. Il a dépassé les bornes. 
- Espèce de... commence-je en levant le bras, poing fermé, avant d'être coupé par la voix qui berce chacune de mes nuits depuis plusieurs mois : 
- Connor...

Je lâche Sean en une fraction de seconde. Celui-ci parvient à retomber correctement sur ses pieds sans tomber au sol, et je cesse instantanément de me préoccuper de lui. Je me précipite au chevet d'Abbie et l'observe attentivement alors qu'elle passe sa langue sur sa lèvre inférieur, ce qui suffit à me donner la trique. 
Putain, contrôle-toi ! C'est pas le moment de bander. 
Les yeux toujours mi-clos, elle m'observe silencieusement approcher ma main de la sienne, où est implanté un catétère qui lui injecte un antibiotique. Je prends rapidement possession de ses doigts, que je serre légèrement dans la paume de ma main. Le coeur palpitant, je suis pris d'une envie folle de poser mes lèvres sur les siennes, de m'excuser pour ce qui vient d'arriver, pour toutes les choses que j'ai pu lui dire, ou faire. 

Et, quand je m'apprête à prendre la parole, Abbie me coupe l'herbe sous le pied tout en ouvrant un peu plus les paupières : 
- Ne dis rien, s'il te plaît, chuchote-t-elle en fermant de nouveau les yeux. Je suis contente que tu sois là.
Elle n'a pas l'air de m'en vouloir. Tout ce à quoi je pensais, tout ce qui faisait de moi une boule de nerfs s'envole instantanément, et je ne pense plus qu'à voir un nouveau sourire se dessiner sur son visage, de nouvelles étincelles apparaître dans son regard pour ne plus jamais s'en aller.
- Tu as besoin de quelque chose ? Sean t'a acheté de la nourriture. Si tu veux, tu peux...
- Connor, m'arrête-t-elle en plongeant son regard bleu océan dans le mien. 
Foutue beauté... Il n'y en a pas deux comme elle. 
- Tout ce dont j'ai besoin, c'est de rentrer à la maison. 
A la maison. 
Avec moi. 


Abbie est encore faible, mais en vu de son bilan de santé, ça m'étonnerait que l'hôpital veuille la garder avec eux. Tout est parfaitement normal, la crise qu'elle a faite a été provoquée par un stresse intense.
Provoqué par moi-même...
Et puis, s'ils le veulent, je les payerai pour qu'ils me laissent la sortir d'ici. 
- Ok. Tu peux te lever ? Ou tu veux que je te porte ? 
Reprends-toi, mec. Ça urge. T'as l'air d'une putain de lopette, là, m'avertit ma conscience. T'es pas un de ces mecs gaga de leurs meufs, compris ? 
Compris.
En plus, c'est même pas ta meuf, ricane-t-elle dans un coin de ma tête.
Connasse ! 

- Ça va aller, merci, me répond Abbie avec un léger sourire tout en se redressant dans son lit, saluant Troy et Sean du même sourire que le précédent. 
Lorsqu'elle baisse les yeux sur sa blouse d'hôpital, elle grimace et je me surprend à sourire face à son air blasé. 
Rien qu'un peu. C'est pas vraiment un sourire, c'est plutôt un étirement de lèvre. Genre, un peu d'un côté, un peu de l'autre... vous voyez ? 
Je ne suis pas gaga de ma meuf, bande d'enfoirés. Ne faites pas de conclusions hâtives, je vous vois venir. 
C'est pas ta meuf, mon pote.

Toi, tu la fermes, conscience ! 
- Quoi ? s'étonne Abbie, maintenant complètement assise sur son lit, les sourcils haussés. Je crois que tu t'es adressé à la mauvaise personne, rit-elle en agrippant mon bras afin de se mettre sur pieds sans s'écrouler.
Je la laisse faire, pas même étonné par l'aise avec laquelle elle use de mon corps. Après tout, je lui dois bien ça, c'est de ma faute si elle est ici. Puis, me trouver vraiment super con passe avant toute chose. 
Troy et Sean ricanent dans mon dos, et je les maudis intérieurement. Est-ce que je suis vraiment devenu une lopette au point de confondre pensée et parole ? 

Environ une heure après l'épisode où je me ridiculise sans trop d'efforts, je m'apprête à passer quelques coups de téléphones concernant les affaires lorsque des coups se font entendre sur ma porte de chambre. Assis sur mon lit, je range mon téléphone dans la poche de mon pantalon et me lève pour aller ouvrir, avant que quelqu'un ne le fasse à ma place. 
Doucement, la lumière du couloir vient éclairer ma chambre plongée dans le noir de la nuit, et le visage d'Abbie apparaît devant mes yeux. Aussitôt, comme par magie, je me sens apaisé d'un stresse que je ne savais même pas avoir. Mes épaules s'affaissent alors qu'elle se fige dans l'entrée de ma chambre, la main sur la poignet et un plaid autour du corps. 
- Est-ce que je peux venir ? 

Sa voix est si frêle et douce qu'elle m'en donne le tournis. Je dois avoir l'air perturbé par sa présence, incertain, étant donné que je mets quelques secondes à réagir. 
Je le suis, en vérité.
Pour rentrer de l'hôpital, Abbie est montée avec moi, bien sûr. Pour autant, nous n'avons pas échangé un mot. 
Au début, j'ai cru qu'elle m'en voulait, et qu'elle ne savait pas comment construire une discussion saine sans m'insulter. Après, je me suis rendu compte qu'elle dormait.
Un vrai koala. 
Maintenant, voilà qu'elle se pointe dans ma chambre avec sa timidité en poche et son regard brûlant fixé sur moi. 
- Oui, répond-je simplement. 

Sans attendre une seconde de plus, Abbie ferme la porte et part s'allonger sur mon lit avec une rapidité qui me fait hausser les sourcils. A croire qu'elle n'attendait que ça. 
A vrai dire, moi aussi. Pourtant, la petite voix dans ma tête me dit qu'elle n'est pas là pour une nuit câline, mais pour obtenir les réponses à ses questions. 
Lentement, je pars m'asseoir sur le fauteuil au bord de mon lit et me déchausse. Allongée en face de moi, toujours emmitouflée dans son plaid, Abbie m'observe attentivement. Je m'enfonce au fond de mon siège, souffle et prend la parole : 
- Toutes les questions que tu veux. Je répondrai à tout. 
- Quelles sont les conditions ? 
Un sourire en coin vient étirer mes lèvres. Elle me connaît bien, maintenant. 
- Premièrement, promets-moi de ne pas partir. Les choses que je vais te dire te déplairont, et tu vas surement vouloir partir en courant. Peut-être même me détester, hausse-je les épaules avec une moue des lèvres. Quoi qu'il en soit, reste ici. 

Abbie se redresse et m'observe toujours, hochant la tête, parfois en fronçant les sourcils, méfiante. Le cœur battant la chamade, je continue, espérant qu'elle respecte sa parole. Et, soudainement, une idée me vient en tête, une ampoule qui s'allume brusquement dans un coin de ma tête. Sans réfléchir, je lâche : 
- Mais, avant ça.... Demain, je dois partir en Floride. Accompagne-moi. Après, je te dirai tout ce que tu veux savoir, dans les moindres détails.
J'ai peut-être parlé un peu trop vite.
Merde, beaucoup trop vite. Non seulement je viens de me causer moi-même le plus gros choque de toute ma vie, et en plus, je crois qu'Abbie ne respire plus. Elle ne bouge pas d'un cil, ne cligne pas des yeux, et retient probablement sa respiration. 

- Merde. Oublie ce que je viens de...
- Je viens, lâche-t-elle brusquement et mon cœur rate plusieurs battements. 
Qu'est-ce qu'elle vient de dire ? 
- Qu'est-ce que tu viens de dire ? demande-je, incrédule, clignant plusieurs fois des yeux pour m'assurer que je ne rêve pas. 
Putain, elle tient vraiment à ses souvenirs et à ses réponses... Maintenant, je suis bloqué. Je ne peux plus revenir en arrière. 
- Emmène-moi en Floride. Après, tu me dis toute la vérité. On fait ça ? 
Ma brunette me tend sa petite main, sûre d'elle, et je ne peux m'empêcher de plisser les yeux, un sourire en coin planté sur les lèvres. 
- On fait ça, confirme-je en serrant sa petite main dans la mienne. 

Soudainement, alors que nos paumes brûlantes sont toujours collés l'une à l'autre, Abbie effectue un geste qui me laisse cloué sur place : elle me tire vers elle avec une force impressionnante, pour un si petit corps tel que le sien. Je me rattrape de justesse, les mains plaqués contre le lit, penché au dessus d'elle. 
- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? 
- Si tu veux m'emmener en Floride, j'ai une autre condition. 
L'air semble s'atrophier dans la pièce, j'ai l'impression d'être à moitié capable de respirer correctement. Son visage n'est qu'à dix petits centimètres du miens, et son air provocateur m'arrache un froncement de sourcils. Silencieusement, je l'incite à continuer. 
- Si je dois te détester dans peu de temps, alors embrasse-moi. 

Aussitôt, mon cœur de lopette s'emballe, et je n'attend pas une seconde de plus. Je plonge droit sur elle et plaque mes lèvres sur les siennes avec violence. Elle me le rend bien, insérant sa langue entre mes lèvres, m'arrachant un grognement rauque.
En bas, sous deux couches de vêtements, Pepette gonfle et grogne silencieusement à son tour.
Ouais, Pepette. Vous avez très bien lu. 
La Floride porte ses fruits plus tôt que prévu. Finalement, je me laisse à penser que ce n'est pas une si mauvaise idée que ça. Après ce voyage, Abbie ne pourra plus me quitter. Ce sera la première fois que je m'ouvre autant à une fille, que j'en emmène une dans ma ville natale, et elle va vite le savoir. Elle ne pourra pas me quitter, elle n'en aura pas le cœur assez solide. 
C'est vicieux, je sais. Mais c'est le seul moyen que j'ai de m'assurer qu'elle ne m'abandonnera pas une fois qu'elle aura apprit qui je suis vraiment. 

Maintenant, il ne me reste plus qu'à passer un coup de fil à ma mère pour la prévenir de notre arrivée, à Abbie et moi. 






Bad Boyd - Remember | T1Where stories live. Discover now