2. Lundi 20 Novembre.

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J'ai tant de choses à vous raconter, en ce premier jour de classe, que je ne sais par où commencer... Comment décrire ? Je me sens bizarre en fait, l'armée rend spéciale.Tout d'abord, après une nuit peu revigorante où je n'avais de cesse que de me retourner dans tous les sens, je vais au rendez-vous la boule au ventre, déposée par un taxi de premier choix.Dieu merci, j'habite à côté. Le chauffeur me souhaite bonne chance, je claque la portière de la voiture, et les ennuis commencent. 

Les jambes flageolantes, mon gros sac sur l'épaule, je me dirige vers l'entrée. La BAN est grande pour une petite base.Elle est encerclée de longs murs de pierres, dont l'accès est autorisé par deux grandes grilles automatiques qui s'ouvrent de l'intérieur. Des gardes en treillis et famas (l'arme du militaire) se tiennent devant et derrière la porte, jaugeant les arrivants d'un regard froid et neutre. Des voitures patientent pour franchir la grille, chaque conducteur devant montrer son badge au garde qui autorise ainsi le passage. Certains viennent à vélo, d'autres à pied... Peu importe, ils subissent la même procédure. Moi, je n'ai pas de badge, seule ma convocation fait foi. Avec appréhension,je me dirige alors vers le garde. 

— Euh... excusez-moi... Bonjour... euh... c'est par là l'entrée ? 

— Bonjour, c'est pour quoi ? 

— Je suis convoquée à l'EPPE dans cette base, pour ma formation de volontaire. 

Le garde ne semble pas très disposé à m'écouter, plutôt occupé à gérer les voitures incessantes. Je me demande même comment il peut contrôler tout à la fois, la quantité de personne étant disproportionnée. Que ferait-il si un intrus débarquait ? Lui tirerait-il dessus ? Tandis que j'imagine la scène avec horreur, il revient vers moi, contrôle ma carte d'identité et lance : 

— Je ne suis pas au courant, patientez devant. 

Ah d'accord. Je reste donc sur place, comme une clocharde,les questions fusionnant dans ma tête. À tel point que je relis ma convocation au moins dix fois pour vérifier la date, le lieu et l'heure. Au cas où. D'autant plus que je suis la seule civile plantée là, sans personne autour. Où sont donc les candidats, bon sang ? Les minutes passent, plus stressantes au fur et à mesure.Je me contente de regarder les militaires défiler. C'est assez comique : certains affichent des têtes déterminées, d'autres plus penaudes, ou encore fatiguées. Un roux en voiture cale pile devant l'entrée, s'attirant les foudres du gars de derrière. Une fille à bicyclette lance un sourire colgate au gardien, qu'il lui rend bien d'ailleurs, et pénètre à son tour dans l'enceinte... Un homme grand et bien bâti se dirige, lui aussi, vers l'entrée. Il semble assez mignon celui-là... Il est vêtu d'un treillis vert et blanc,moulant son corps, et porte un famas plaqué contre son torse.Un Fusilier Marin, sans aucun doute ! On dit qu'ils sont les plus courageux... Il échange quelques mots avec le garde. Il rigole un instant. Puis mon sang se glace instantanément dans mes veines lorsqu'il pivote vers moi. Il doit sans doute se demander qui je suis... Ses yeux d'un bleu profond rencontrent les miens et ils'attarde si longtemps dans mon regard que je soupçonne une légère pointe de curiosité. Quoi, ai-je l'air si débile ? Je n'arrive plus à respirer... Il est vraiment trop beau, putain. La scène se déroule en une fraction de seconde mais j'ai l'impression qu'elle a duré une éternité... Enfin, il serre la main du garde, qu'il paraît bien connaître, et disparaît à son tour à l'intérieur. Bizarre...mon cœur semble tenir le coup.

Le flot des arrivants ne cesse des'amoindrir et je m'inquiète de plus en plus. Le garde me lance parfois des regards incertains, et j'imagine qu'il doit me prendre pour une paumée. Au bout d'un moment, un jeune garçon en civil s'avance vers moi, un gros sac sur l'épaule.

 —Tu es là pour la formation volontaire ? me demande-t-il d'une voix incertaine. 

Je confirme avec hâte et il me répond de même. Ouf, me voilà rassurée. Nous sommes donc deux clampins à attendre devant cette grille. C'est toujours mieux à deux. J'en profite pour faire connaissance. Agé de vingt ans, Joe Filou vient de Marseille et s 'est engagé dans la marine pour la même raison que moi : découvrir le milieu maritime et voyager en mer ! Brun, la silhouette fine et les muscles bien dessinés, il a tout du beau garçon dragueur et agréable. On discute beaucoup, ce gars est un sacré bavard. Enfin, alors que nous sommes désespérés par cette attente interminable, un militaire vient nous chercher et nous pénétrons à l'intérieur. Imposantes, sa carrure robuste et sa grande taille lui donnent un certain charme. 

Une Blonde à l'ArméeWhere stories live. Discover now