Chapitre 5

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Le bruit assourdissant du char d'assaut vibrait dans l'air. Des paysans apeurés couraient, d'autres restaient recroquevillés par terre, immobilisés par la peur. Les chèvres des fermiers qui fuyaient la guerre s'agitaient et tremblaient, bêlant de toute leur âme, en tentant de se libérer vainement des liens de leur maîtres. Elles aussi semblaient sentir la mort s'avancer lentement vers elles, pas à pas, et à chaque pas qu'elle faisait se fit entendre un son sinistre d'explosion ou de balle. Des enfants furent séparés de leurs mères dans la hâte, et des pères furent séparés à jamais de leurs fils en tentant de leur protéger des explosions, sans pour autant toujours réussir. À côté d'un grand rocher, un homme posait son enfant par terre, après une longue course interrompue, et se bouchait les oreilles avec ses mains. Les tirs du char s'arrêtèrent pendant un instant. Certains s'apprêtèrent à se relever, mais à peine qu'ils levèrent la tête que les tirs recommencèrent avec davantage de férocité. On se cachèrent de nouveau, découragé, priant le bon dieu de mettre une fin, sinon du moins une pause à cet enfer sanglant. Mais aucun bon dieu n'était là pour eux dans ce champ de bataille, et les gémissements et les pleurs se perdaient parmi les bruits d'explosions et de tirs.

Vies fragilesWhere stories live. Discover now