Chapitre 3

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La vie n'avait jamais été facile depuis que Elikia et Angolo étaient arrivés à Bazza. Dans la hâte de partir, ils ont du laissé derrière eux la majorité de leurs biens, emportant avec eux seulement ce qui leur était nécessaire. Le peu de richesse que Dicaprio leur avait laissé s'épuisait rapidement en une année, si bien que Angolo dut quitter sa nouvelle école car on lui menaçait de lui frapper pour ne pas avoir payer ses frais scolaires. Pour nourrir à elle seule son fils, Elikia dut travailler de toute ses forces. Elle avait acheté une machine à coudre dans la ville de Goma et était devenue la couturière du village. Elle tissait beaucoup et dormait peu, et son infection du VIH qu'elle avait depuis une dizaine d'année s'aggravait car elle avait arrêté de prendre des médicaments depuis qu'elle avait utilisé tout l'argent pour acheter la machine à coudre.

La mort du père et la pauvreté avait rendu Angolo mature dès un jeune âge. Voyant sa mère dont la santé se détériorait travailler jour et nuit, toussant et maigrissant de plus en plus, Angolo se résolut à travailler pour aider un peu sa mère. Après l'avoir supplié de multiples fois, Angolo réussit à convaincre Elikia à lui aider à trouver un travail dans un mine de coltan à côté du lac. Et c'est ainsi que le jeune enfant de huit ans travaillait dans cette mine à transporter des minerais. Travaillant de l'aube jusqu'au coucher du soleil à chaque jour, Angolo se blessait à causes des parois pointus presque à chaque jour et à deux reprises le mine faillit s'écrouler sur eux. Mais Angolo ne dit rien de tout cela à Elikia et cachait ses blessures, de peur de l'inquiéter.

Depuis qu'Angolo commençait à travailler, la situation de la famille s'améliorait. Angolo rapportait régulièrement des fèves et des légumes chez lui, échangés contre des minerais avec le marchant de cobalt qui visitait de temps en temps le chantier. Elikia recommençait à reprendre ses médicaments, et les symptômes arrêtaient de progresser.

Lors de la troisième année depuis le début de son travail, la mine s'écroulait un jour pour de bon pendant qu'Angolo prenait sa pause à côté du lac. Il y eut trois morts et six blessés, et parmi les morts se retrouvaient Don-Béni, le meilleur ami d'Angolo, un jeune Hutu deux ans plus âgé que lui. Lorsqu'Angolo vit le cadavre, il pleura à en fendre le cœur et on fit trois fossés pour y déposer les morts.

Don-Béni était comme un grand frère pour Angolo. C'était lui qui avait appris à Angolo comment miner lors de l'arrivée de ce dernier et qui lui avait donné certains de ses minerais quand il n'en avait pas assez. C'était un jeune garçon souffrant du noma dont le rêve était d'emmener sa famille vivre en Amérique une fois devenu riche. C'était le seul enfant de sa famille depuis que sa sœur ainée était morte à cause du choléra. Mais il était mort lui aussi.

- À quoi bon vivre, dit un homme travaillant dans la même mine qui voyait Angolo pleurer à côté du fossé de Don-Béni. Si vivre signifie plutôt survivre dans la misère? Garçon, cesse de pleurer et souviens toi de ceci. La vie d'un homme est fragile. La vie d'un homme congolais en est encore plus.

Angolo n'a plus jamais revu cet homme.

Peu après l'incident, on transféra les travailleurs de cette mine dans un nouveau mine de coltan très proche de celui-ci. Angolo décida de les suivre et de poursuivre son travail malgré l'opposition de sa mère.

Vies fragilesWhere stories live. Discover now