Chapitre 9 : des 9 changements ou l'ellipse du Papillon

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« Les neuf circonstances principales qui doivent engager le chef de guerre à changer la formation ou la disposition de son armée, à changer de situation, à aller ou venir, à attaquer ou défendre, à agir ou se tenir en repos. Les cinq dangers contre lesquels se prémunir : trop grande ardeur à affronter la mort ; trop grande attention à conserver la vie ; la colère précipitée ; les réactions d'orgueil ; trop grande complaisance avec ses soldats. »
(L'art de la guerre, Sun Zi)

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Voici maintenant deux années que le Seigneur Byakko avait dû quitter précipitamment la capitale du Sì Shòu. L'armée du Yaoguai avait attaqué sans prévenir et le Tigre avait été arraché aux bras de sa promise.

Deux années qu'il regardait les neiges éternelles tomber sur la frontière des deux royaumes.

Il avait aperçu au loin un couple d'oiseau voler et se mettre à l'abri à la cime d'un arbre. Cela avait fait sourire amèrement le Tigre. Cette simple vision du quotidien était devenue insupportable à sa vue. Chaque lune qui passait rappelait à Byakko sa profonde solitude.

Pas un seul jour, il n'avait cessé de penser à sa promise. Il croyait la voir partout : parfois dans le miroir d'un lac gelé, d'autres fois dans les vapeurs d'une brume glacée... et souvent le soir, en observant la lame de son épée.

Plus qu'une année et il pourrait enfin connaître son visage. Il pourrait retrouver l'étreinte enivrante de sa désirée.

Avant de partir, Kē lui avait donné un petit sachet de soie rouge contenant une mèche de ses cheveux. L'odeur de rose y était toujours présente.

Avant chaque bataille, le Tigre avait pris pour habitude d'en respirer le parfum avant d'enfermer son précieux trésor dans un coffre massif dont lui seul avait la clé.

C'était surtout lorsque la nuit tombait que le seigneur de guerre sentait le vide en lui. La lune et les étoiles étaient alors ses seules compagnes et il avait pris la sombre habitude de boire son vin quand la ronde lune lui faisait l'honneur de sa présence.

Byakko était près du lac gelé, prenant une nouvelle gorgée de son vin. Il avait pris une profonde inspiration.

Au loin, il entendit le chant d'une femme :

« Élever une fille pour lui faire épouser un soldat,
Mieux vaudrait à sa naissance la jeter sur la route.

Seigneur, j'ai natté mes cheveux, le jour de nos fiançailles,
Mais notre lit n'a pas eu le temps de se réchauffer.
Au coucher de soleil, je suis devenue votre femme,
Et nous nous sommes séparés aux premières lueurs de l'aube !

Maintenant je pense à la mort qui vous menace à chaque instant.
L'Angoisse m'oppresse. Mon cœur se déchire.

Je m'étais promis de vous suivre partout...
Mais j'ai senti que ma présence vous aurait soucié davantage.

Ne prononcez pas trop souvent le nom de votre jeune épouse.
Sans oublier jamais votre devoir de soldat. »

( « La jeune mariée » de Li Chuang Kia)

Byakko partit d'un éclat de rire où haine et amertume se mêlaient. Il prit sa gourde de vin et dans un accès de colère, la lança si fort qu'elle se brisa au loin.

Le Tigre se leva et rejoignit sa tente royale. Il dormit d'une nuit sans rêve, un pochon à l'odeur délicate de rose posé sur le cœur.

Le clan de Méigui, Livre 1 : Tigre BlancWhere stories live. Discover now