Épilogue

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Au début, ce fut très léger. Comme une simple pulsation de la terre. Et puis au fur et à mesure, ça prit de l'ampleur. À qui aurait prêté l'oreille, le rythme aurait semblé être le cataclop de chevaux, pas encore lancés au galop. Pour d'autre, le son de tambours, allant crescendo. Les rochers se mirent à vibrer, entonnant une chanson ancestrale, rappelant une époque révolue, mais pas encore oubliée. Et ce qui au départ ne fut qu'une sensation devint une réalité. Tout ce qui avait été silencieux jusque-là sembla se réveiller. Norawea enfla, gorgeant le sol, grimpant dans les troncs et s'étendant dans les branches.

Norawea était le Flux, l'Origine de tout. C'était une grande rivière qui s'alimentait par elle-même et qui, d'après les légendes, n'avait ni commencement ni fin. Rien ne pouvait l'arrêter ; elle était l'Harmonie, la Balance naturelle entre le monde et la magie.

Les Mages et les Sorciers puisaient leur force dans Norawea. Ils ne pouvaient s'en détourner.

Le cours d'eau, avec les siècles, semblait s'être tari, son lit dormant et attendant. Mais à l'instant où la pulsation avait commencé, ce fut comme si Norawea répondit à l'appel.

Et là, un murmure se répandit. C'était un chuchotis, perdu dans le bruissement des branches, dans le froissement des feuilles.

Une voix chuchotait. Aussi chantante que la cascade qui chute, aussi douce que le clapotis de l'eau.

Myrddin.

D'abord, une impression. Qui se perdait dans la nature. Un souffle porté par le vent.

Myrddin.

La forêt sembla se rétracter sur elle-même, se protégeant d'un danger en approche ; d'une menace terrifiante.

Norawea hurla et ce fut semblable au chant des sirènes, au cri d'agonie d'un Dragon.

MYRDDIN.

Le sol trembla et une faille mangea la terre, courant à toute vitesse, lézardant parmi la végétation avant de heurter une paroi rocheuse. Son cheminement n'en fut que plus puissant, laissant dans son sillage une trace indélébile de sa détermination. Lorsqu'elle brisa en deux la lourde table en pierre, un souffle exhala, déçu. Là où pendant des siècles avait Dormi l'Enchanteur ne se trouvait personne.

Le vent mugit, en colère. Une houppelande bleue au pic de la montagne, là où Ciel et Terre se rencontraient.

La silhouette, frêle, se tenait fermement là, à l'épreuve des éléments, observant le ciel se parer de lourds nuages, annonçant l'approche imminente d'une tempête.

Les cheveux, d'un noir de jais rappelant le pelage d'un corbeau, claquèrent et la capuche fut soufflée, dévoilant un visage d'une pâleur excessive et des os saillants. Le regard était fixé sur un point à l'horizon.

Il y avait beaucoup de murmures à écouter. La pulsation de Norawea était presque douloureuse sous les pieds de la silhouette. Elle écouta et bientôt, réussit à entendre ce qu'elle voulait. C'était bien plus qu'un chuchotis. Des cris dans la tempête, réminiscence d'une bataille qui s'était terminée.

Le hurlement des lycans. Le cri d'un peuple pour son Souverain. Les lèvres pleines et charnues s'étirèrent en un sourire un peu grimaçant.

L'Enchanteur inspira en fermant les yeux. Sa conscience se porta jusqu'à son Roi, le trouvant là où il avait été laissé. Puis, son attention dériva sur l'Épée. La lame vibrait après avoir été touchée par sa première Maîtresse. Pour le moment, tout était comme il fallait. Rien n'avait bougé.

Alors pourquoi s'était-elle réveillée ? Pourquoi maintenant ?

Sa magie la happa, lui coupant le souffle. Sa perception du monde changea pendant quelques secondes, avant que l'Enchanteur ne se tienne aux pieds d'un trône. Myrddin grimpa les marches menant à l'imposant siège et ses doigts en effleurèrent la pierre. C'était froid contre son épiderme, mais pas dérangeant.

Dans son esprit, Myrddin appela l'Empereur. Son prénom résonna, s'amplifia et s'envola. Le talonnement de pas lui parvint, puis l'écho de voix.

Les lourdes portes grincèrent et repoussées trop vite, claquèrent.

Trois personnes se tenaient derrière elle, vrillant son dos de leurs pupilles curieuses. L'Empereur fut le premier à briser le silence.

- C'est bien toi ?

Elle retira ses doigts de la pierre et se tourna enfin. Aslander fit un pas, hésitant, les yeux écarquillés, les mains tremblantes.

- Je suis Merlin, dit-elle, comme si cela constituait sa réponse.

L'Enchanteur s'était réveillé. Ne restait plus qu'à savoir pourquoi.

WHISPERS T1 The Whisper of my soul [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant