C H A P I T R E 5

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Jeudi, le 7 février 2019

22 h 15

J'avais déjà songé à comment serait ma vie en tant que fiancée de Joel. Mes hallucinations n'avaient pas duré longtemps. Je n'ai jamais voulu me marier. Reste que j'avais quand même imaginé que ma vie serait mieux que celle d'une reine en tant que fiancée de Joel. J'imagine que cette hallucination avait été basée sur le fait, qu'en tant qu'amoureux, il me traitait mieux qu'une princesse. J'avais imaginé qu'en tant que mariée, je serais noyée par des compliments à chaque jour. J'avais imaginé que je serais heureuse de me réveiller à chaque matin. J'avais imaginé que je serais heureuse d'exister. Bien sûr, je pensais cela à l'époque où j'étais éperdument en amour avec Joël Rubio. C'était à l'époque où il me traitait mieux qu'une princesse. C'était à l'époque où je le pensais l'homme le plus honnête, le plus chevaleresque, le plus beau et le plus courtois de la planète. C'était à l'époque où je pensais que ses yeux tels que des océans étaient unes des sept merveilles de la Terre.

Maintenant, j'ai le mal de mer à chaque fois que je le regarde dans les yeux.

Depuis l'annonce de nos fiançailles, Joël vient à chaque jour à la maison pendant une durée de deux heures. 120 minutes de torture. Je ne suis pas capable d'être assise à côté de lui. Je ne suis pas capable d'être dans la même pièce que lui, en réalité. Lui non plus, apparemment. Lorsque nous sommes dans la même pièce que mes parents, il se comporte comme un vrai gentleman. C'est lorsque nous sommes seuls que tout change.

Il me répète constamment que j'ai ruiné sa vie. Il me répète qu'il n'aurait jamais dû avoir une relation avec moi. Il me répète qu'il a décidé de commencer à me charmer, car il pensait que j'allais être facile. Il me répète constamment qu'il aurait dû me laisser il y a longtemps. Il me répète qu'il m'a trompé plusieurs fois lorsque nous sortions ensemble, car je ne lui donnais pas ce qu'il voulait. Il me répète que je n'ai été qu'une perte de temps. Il me répète que je suis qu'une enfant inexpérimentée avec des problèmes d'attitude. Il me répète que je suis chanceuse d'avoir pu savoir ce que c'était être dans une relation, car personne d'autre serait capable de m'entendre parler de mes problèmes tel que lui a fait. Il me répète les mêmes insultes à tous les jours. Je les connais par coeur. Je peux même prédire l'ordre dans laquelle il va me les dire.

Évidemment, avec mon caractère, je réussis à trouver des insultes qui sont blessantes, mais elles sonnent ridicules comparées aux insultes qui me sont dites par Joel. J'ai de la difficulté à le blesser. Je pensais que j'aurais été capable de l'insulter après ce qu'il m'avait fait, mais non. Je suis incapable de lui faire du mal. Tu sais pourquoi? Parce que moi je l'ai réellement aimé. Il était réellement celui qui faisait palpiter mon coeur au rythme fortissimo. Il était vraiment celui qui réussissait à faire apparaître de la couleur rose sur mes joues basanées. Il était réellement celui pour qui j'aurais donné ma vie. Il était celui qui me rendait heureuse. Maintenant, il est celui qui ne me permet pas de dormir sur un oreiller dépourvu de larmes salées.

Je n'aurais jamais pensé être rattachée à un homme pour le restant de mes jours. Je n'aurais jamais pensé être forcée de cuisiner pour un homme que je n'aime pas. Je n'aurais jamais pensé devoir apprendre à laver, à coudre et à cuisiner pour un homme qui est tout aussi capable que moi de réaliser ces tâches simples. Si mon cerveau inférieur de femme est capable de comprendre comment réaliser ces tâches, j'imagine que le cerveau supérieur de l'homme est tout aussi capable, pas vrai? Mais non. Mon cher futur mari n'est pas capable de nouer une cravate. Je ne veux pas imaginer l'intelligence que mes enfants auront.

Mes parents ont déjà abordé le thème des enfants. J'ai évidemment protesté. Joel a mis son masque de gentleman et m'a doucement dit que si je ne me sentais pas prête à avoir des enfants, nous pouvions attendre. Lorsque nous étions seuls, il me dit qu'il souhaitait mieux adopter que d'avoir un enfant avec moi. Cette soirée là, j'ai volontairement mis du sel à la place du sucre dans son café. J'ai blâmé mon intelligence de femme et je n'ai pas eu de conséquence.

Je passe les pires journées de ma vie. L'école c'est pénible. Tout le monde sait que je vais me marier. Tout le monde sait ce qui s'est passé. Don Luis me regarde avec encore plus de dégoût. Mes amis se sont éloignées. Maribel et la seule qui me rend visite, mais avec son gros ventre, elle a de la difficulté à monter les marches qui mènent jusqu'à ma maison. Me promener dans les rues du canton sans me faire pointer du doigt est impossible. Donc, je reste chez moi. Enfermée dans ma chambre à pleurer toutes les larmes de mon corps. Gabriel est récemment venu à la maison. Il ne m'a pas réellement adressé la parole. Ma mère garde ses distances. Elle me parle uniquement lorsqu'elle doit me répéter pour la millième fois comment je suis censée repasser les vêtements de Joel sans les brûler. Père... Lui il est plus distant que la planète Neptune.

Ma vie n'a réellement plus de sens. Je me sens si indifférente envers tout. Je me sens si perdue. Je n'ai plus la force de protester lorsque je suis forcée de cuisiner pour mon fiancé. Je n'ai même plus la force d'insulter Joel de retour (De plus, il a trouvé une nouvelle variété d'insulte à me dire). Je n'ai même plus la force de cacher mes larmes lorsqu'il m'insulte. S'il souhaiterait me frapper, je ne pense pas qu'il rencontrait un obstacle à la réalisation de son geste. J'ai déjà pensé à le dénoncer si un jour il me frappait, mais même si j'ai un bleu et que j'essaie de le dénoncer, la police ne ferait sûrement rien, car mon père leur raconterait mes péripéties. Mais tu sais quoi? Je m'en fiche! Il peut me battre tout ce qu'il veut, je vais quand même me marier à lui!

Si Joël me traite si mal lorsque nous passons une heure ensemble, je ne sais pas ce qui va se passer lorsqu'il aura une période de vingt-quatre heures complètes pour me traiter de toute sorte de méchancetés.

Je ne sais pas comment je vais me sortir de cette situation. Lorsque je me regarde dans le miroir, je ne vois plus l'Andrea d'autrefois. Je vois le reflet de ma mère. Je m'étais promise que je ne serais jamais comme ma mère. Mais au rythme que les événements se déroulent, je deviens comme elle de plus en plus à chaque jour.

Comme les préparatifs pour le mariage ont commencé, Joël passe de plus en plus de temps chez moi, à mon désespoir. Lorsqu'il passe la nuit, je dois me lever à cinq heures du matin pour lui préparer son déjeuner et son dîner ainsi que ses vêtements pour la journée. Par la suite, je dois le réveiller et lui préparer son bain. Lorsqu'il revient à la maison, sa douche doit être prête et lorsqu'il sort de la douche, son souper doit être prêt à être englouti. Mes tâches du matin je les fais avant de me rendre à l'école. Mes tâches du soir, je les réalise en revenant du travail.

Penser que ma vie de mariée sera comme cela me donne envie de vomir. Mes parents m'ont dit que, comme Joel travaille, je n'ai pas besoin de travailler, car il peut subvenir à tous mes besoins. Mes parents m'ont également dit qu'aussitôt que mon année scolaire sera terminée, j'allais dédier 100% de mon temps aux tâches ménagères pour m'habituer à ma vie de mariée. Je n'ai même pas protesté. J'ai simplement hoché la tête. À quoi bon. Mon futur est déjà tracé. Il était déjà tracé depuis longtemps. Je dois simplement marcher dans le chemin qui est destiné à ceux qui ont eu le malheur d'être né une femme.

Maintenant, je dois simplement essuyer mes larmes et continuer à souffrir en silence.

A

Le Journal de: Andrea Celeste CastilloWhere stories live. Discover now