Chapitre 9.1

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« Eh Nounours ! Allez ! la pressait Toka derrière son masque de lapin. Dépêche-toi. »

Entre deux explosions, sa voix, bien que dénuée de toute douceur, avait sonné comme une échappatoire. Akame s'était donc empressée de la rejoindre laissant un frisson d'angoisse lui parcourir l'échine au passage. Cachée derrière un museau d'ours brun, semblable à celui d'une peluche, la brune monta les quelques marches qui la séparaient de son amie.

« Ne t'éloigne pas, lui ordonna cette dernière sous-pression. Ce serait un comble de te perdre ici. »

"Ici" c'était un champ de bataille. "Ici" était un lieu où ghouls et colombes s'entretuaient sans retenue. "Ici" était un endroit de danger permanent. Mais si ce "ici" mettait en péril leur vie, pourquoi s'y étaient-elles aventurées ? La réponse était simple : afin de sortir Kaneki de cet enfer. Cela faisait maintenant bien un mois que le borgne avait disparu, enlevé le soir de la pluie de météorites par une ghoul violente et sanguinaire. Depuis lors, l'Antique en son entièreté n'avait eu de cesse de le rechercher jusqu'à le localiser en ces lieux, quartier général d'une organisation que l'on prénommait "L'Arbre Aogiri".

Cependant connaître son emplacement n'avait pas suffit à ce que ses camarades viennent le récupérer. Il fallut au groupe attendre une diversion assez spectaculaire pour se faufiler à l'intérieur des ruines du centre commercial sans se faire repérer. Le CCG leur en avait alors fourni une sur un plateau d'argent. À présent, les voilà qui s'étaient tous répartis une zone à explorer dans la plus grande discrétion. Cependant, tout ne se passait pas comme prévu, et le duo de jeune femmes avaient déjà été contraints à utiliser la force. Pour sûr, seule Toka s'était autorisée à attaquer sans trop se poser de questions, Akame étant incapable de blesser quiconque. Sans défense elle se retrouvait donc sous la protection de son amie, qui, habituée à jouer les mères poules, ne s'en plaignait guère.

Celle-ci gravissait dès à présent à grandes foulées les marches menant aux étages supérieurs sans ne plus prêter quelques instants attention à sa camarade à la traîne. Cet endroit la terrifiait. Elle détestait être sur le terrain. Tant de dangers, cachés, imminents, imprévisibles. Elle avait l'impression de se tenir sur le fil du rasoir à chaque instant et jouer avec sa vie, ça, elle en avait horreur. Sursautant à la moindre détonation, à chaque cris, la brune se laissait alors souvent distancer par ses congénères dans ce genre de situation. Pourtant, elle leur était indispensable. Un pilier en retrait capable de les remettre sur pieds ou parfois même de leur sauver la vie. Un guérisseur était souvent utile, et dans leur cas, elle était peut-être vitale. Qui sait dans quel état ils retrouveraient Kaneki ?

Cependant voilà, afin de rejoindre le borgne, il fallait à la jeune fille une garde, quelqu'un pour la protéger. Ainsi, elle était la seule à ne jamais se retrouver isolée. Toujours accompagnée d'au moins un allié, elle avait pour mission de traverser l'entièreté du bâtiment avec chaque équipe afin d'accroître leurs chances d'atteindre leur but. Mais, malgré toute la volonté du monde, elle laissait s'éloigner un peu plus sa garantie de survie à chaque bruit suspect. Ce n'était pas sa faute. Les hurlements de morts et gémissements d'agonie lui étaient si pesants. Et ils étaient incessants. Un au loin. Un autre tout prêt. À nouveau un là-bas. Puis ici, à leur étage.

Oui, elle avait en horreur sa vulnérabilité mais plus encore que tout cela, les cris de bataille déclenchaient chez elle un instinct qu'elle ne supportait pas. Comme un animal sauvage stimulé par les cris de détresse d'une proie, la jeune fille luttait contre des actions qui n'étaient pas les siennes. Comme si tuer avait toujours été dans ses veines. Comme si la chasse avait été sa raison de vivre. Ces pulsions la pétrifiaient davantage encore.

Soudain, accompagnant les complaintes, un gloussement. Et si d'ordinaire un tel paradoxe auraient fait fuir la jeune froussarde, à cet instant, appelé par ce rire résonnant dans les couloirs, elle quitta sa trajectoire. S'aventurant dans un corridor désert, elle sembla inexorablement attirée. Pourquoi ces voix lui paraissaient-elles si familières ? Non, ce n'étaient pas leur timbre qui sonnaient si juste à son oreilles, mais bien les émois qui s'en dégageaient. Pourquoi alors qu'un monstre se réjouissait sans pudeur de la douleur d'autrui, cela lui parut si commun ? Pourquoi cette scène, bien qu'uniquement sonore, lui parut presque réconfortante et empli de nostalgie ?

Le XII Borgne [Tokyo Ghoul]Where stories live. Discover now