Chapitre Trois

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Le canotier

Quelques semaines étaient passées, à dire vrai, l'hiver avait commencé. Dans la petite Vallée, les arbres des rues avaient perdu leur feuillage, sauf les quelques sapins qui parsemaient de temps en temps les chemins et les pics montagneux étaient gentiment tapis de neige. Même l'observatoire d'Artémis -l'esprit de famille d'Anima- était depuis une semaine, caché sous un manteau de brume et de flocons.

Laïs allait au musée aujourd'hui. Pas parce qu'elle en avait envie, mais parce que c'était absolument nécessaire. Elle devait procéder à la lecture qui clôturait son passé, pour tourner la page, comme elle l'avait pensé, la dernière fois qu'elle avait vu le grand-oncle.

Elle y allait aujourd'hui pour une bonne raison : son fiancé débarquait du Pôle, par le dirigeable de début de soirée.

Laïs avait besoin d'être prête pour assumer, ce qui allait se poursuivre. Elle n'avait aucune envie de voir les Doyennes, jubiler devant son incapacité à encaisser la venue de cet homme inconnu.

Elle n'avait pas pu y aller plus tôt, parce que malheureusement, sa mère, l'avait emmené refaire toute sa garde-robe chez le tailleur, sans se soucier de compter les dépenses. Elle avait fait même commander une fourrure blanche du Pôle, qui était arrivée bien avant son fiancé. Entre les pointures des chausses, les nouvelles robes, les toilettes et les rares paire de gants de liseuse, Laïs n'avait pas eut une seconde à elle, pour respirer. Ces dernières semaines étaient passées plus vite qu'un délicieux dessert. Tout ce précieux temps, disparu !

Et aujourd'hui, c'était le grand jour. Elle était tellement patraque, qu'elle avait un moment hésité à rester sous ses couvertures toute la journée et se réveiller, une heure avant la venue du dirigeable. Mais, ce n'était sans compter la maison en pagaille et sa mère qui remuait chaque meubles et chaque placards, elle ne pouvait donc pas être tranquille.

Elle avait donc décidé d'aller au musée rapidement, avant qu'Agathe ne l'amena encore dépenser des sous pour être radieuse. Personnellement, Laïs n'avait pas envie de faire d'efforts pour plaire à son fiancé. Après tout, ce n'était pas elle qui l'avait fait demandé ! Enfin, elle fournirait des efforts minimes et nécessaires, rien de plus. En attendant, elle devait reprendre son calme et adoucir les battements affolés de son coeur.

Lorsqu'elle poussa la porte de la vieille devanture, un carillon lui vrilla les tympans. Elle passa le tourniquet du musée d'Histoire primitive et fut ravie de voir, qu'il n'y avait personne. Après tout, les Animistes préféraient largement les rumeurs des cousins et des objets, que des antiquités d'avant la Déchirure. Quel dommage, Laïs trouvait ce monde fascinant.

À son entrée elle se confronta à un silence puissant, les pages d'un journal tournées et une vieille dame assise derrière le comptoir. Elle lisait la gazette de ce matin, avec des petites lunettes. Elle devait être une tante, Laïs oubliait toujours son nom. Lorsqu'elle arriva devant elle, la tante lui fit un sourire.

  -Fille, que me vaut le plaisir ? Je croyais que tu te préparais à rencontrer ton époux. Ce n'est pas ce soir, qu'il vient rendre hommage à la famille ?

Laïs retint un long soupir. Évidemment, toute la famille était au courant.

  -Si, Agathe passe me prendre dans un quart d'heure. Puis-je revoir l'hydravion rouge, pour le lire ?

La tante grimaça en pliant son journal d'un coup de main expert et en retirant ses bicycles.

  -Encore ? Ça devient une obsession, ma pauvre. Tu reviens ici, au moins deux fois par an pour le lire. Il n'a pas changé depuis ta dernière venue, tu sais ?

LE REFLET DE LAÏS ━゙LA PASSE-MIROIR✔Donde viven las historias. Descúbrelo ahora