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- Allyn, attends ! m'ordonne-t-il en me saisissant par le bras.

Bloquée par sa poigne insistante, je n'ai pas d'autre choix que de me retourner et de lui faire face pour me libérer de son emprise. Il ne le sait pas, mais il risque gros : à présent que nous avons quitté la salle d'étude, je ne suis pas certaine de retenir la main qui me démange depuis quelque temps.

- Tu ne devrais vraiment pas traîner dans cet endroit, c'est malsain.

- Malsain ? répété-je, éberluée. Et pourquoi donc ? Parce que ça donne envie de se donner à fond pour sauver une âme à laquelle on s'attache ?

- Tu n'as même pas encore visité les Affres que tu fais déjà ta liste de courses ! s'exclame-t-il, rouge de colère. Que crois-tu ? Qu'il est évident de libérer une âme par jour puis d'arriver à l'heure pour dîner ? La majorité d'entre nous passe la moitié de son temps à découvrir l'existence de nouvelles âmes que nous ne parvenons jamais à retrouver là-bas.

Sa voix s'est légèrement brisée sur ses dernières paroles, mais pas suffisamment pour me convaincre qu'il n'agit pas par arrogance.

- Et toi alors ?

- Quoi, moi ? réplique-t-il sur la défensive.

- Que faisais-tu là-bas puisque tu n'as plus le droit de voyager pour le moment ? N'étais-tu pas en train de préparer ta propre liste de courses ?

- Ce ne sont pas tes affaires, dit-il d'un ton cassant.

- Oh, pardon, je n'avais pas compris que toi seul possédais l'immense privilège de faire ce que bon te semble tout en surveillant les autres avec des airs de petit chef.

Je croise mes bras contre mon ventre, finalement décidée à éclaircir une bonne fois pour toutes le malaise qui s'est installé entre nous dès le premier jour, lorsque Lucas lève les mains en signe de reddition et s'éloigne dans le sens opposé sans regarder derrière lui. J'hésite un court instant à le rattraper à mon tour, puis finis par abandonner et me diriger vers mes appartements. De toute manière je le reverrai bien trop tôt à mon goût, que ce soit dans la salle de torture ou ce soir, au cinéma. Tout à coup la perspective de visionner le nouveau Marvel dans une qualité médiocre sur mon ordinateur me semble bien plus séduisante que les lunettes 3D.

Il est un peu plus de dix-neuf heures lorsque je retrouve le groupe de Singuliers à l'entrée de l'Organisation. L'entraînement avec Roxie s'est révélé fidèle à lui-même, c'est à dire intense et épuisant à souhait, mais je suis encore en vie. Mieux encore : Maël a finalement accepté de m'accompagner. Je n'ai pas eu à négocier très longtemps : cela se voyait comme le nez au milieu de la figure que mon ami brûlait d'envie de sortir se divertir. Je le soupçonne de s'ennuyer depuis mon emménagement.

- Pas de regrets ? me renseigné-je pour la forme alors qu'il se plante à mes côtés.

- Pas encore.

Son sourire se tord en grimace lorsqu'il ajoute :

- J'ai envie de pop-corn.

- C'est symptomatique, ton corps en réclame pour te mettre en condition, plaisanté-je. Éclaire-moi : je croyais que tu n'avais plus d'appétit ?

- Depuis quand faut-il avoir faim pour du pop-corn ?

- Tu marques un point.

Mon estomac s'agite furieusement à cette pensée.

- Merci Maël..., grommelé-je, maintenant j'ai envie de sucre.

- Une petite entorse au régime draconien est-elle prévue pour ce soir ? me taquine-t-il en zieutant du côté de ma coach sportive.

Les Arcanes d'Hemera - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant